Réconciliation Quels rôles pour les médias ivoiriens dans le processus ?

Quels rôles peuvent jouer les médias ivoiriens dans le processus de réconciliation nationale ?

Pour le plus grand plaisir des populations ivoiriennes, les médias ont décidé de procéder enfin à de profondes remises en cause du journalisme et surtout de la déontologie de cette profession en Côte d’Ivoire. Après ces violents traumatismes vécus par ces populations pendant de nombreuses années, puis lors de la guerre civile postélectorale qui était la suite logique de ces années de terreur, il fallait donc agir.

A quelques jours de la rencontre entre le chef de l’Etat ivoirien et l’Union National des Journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI), plusieurs actions d’envergures initiées par les différentes organisations professionnelles des journalistes montrent une réelle détermination à changer leur image tant au niveau national qu’international, et ainsi revaloriser cette profession fortement déconsidérée. Des séminaires ont été tenus à Grand-Bassam et à Yamoussoukro afin de dégager des résolutions et recommandations destinées à apporter des solutions aux différentes problématiques dont souffrent les médias en Côte d’Ivoire. Le premier quotidien ivoirien, Fraternité Matin, a ouvert un débat sur plusieurs jours dans ses différentes publications, sur « le rôle de la presse, dans la réconciliation nationale ». Un thème fondamental, qui demeure au cœur du processus de réconciliation nationale et du retour de la paix en Côte d’Ivoire. Ce n’est un secret pour personne ; les médias ivoiriens ont une très grande part de responsabilité dans le chaos qu’a connu la Côte d’Ivoire depuis près de vingt ans. Malgré cette part de responsabilité reconnue par une partie des acteurs de cette profession, comment déterminer leur culpabilité au regard de la déontologie de la profession, quand on sait à quel point, ils sont eux-mêmes soumis aux volontés des acteurs politiques ? Alors, la question que pose Frat-Mat aux médias dans le cadre de ce processus de réconciliation nationale peut l’être aussi aux acteurs politiques, propriétaires, actionnaires ou commanditaires de ces médias.

Aujourd’hui, personne ne peut réfuter le rôle déterminant des formations politiques et des médias dans leur ensemble, dans le processus de manipulation et d’intoxication psychique des populations ivoiriennes. Cela a conduit à des oppositions et favorisé un climat de haine entre ces populations. Chacun sait également que ces médias politisés ne font pas de l’information, mais de la communication politique et idéologique élaborées par les acteurs politiques de tout bord. De fait, ces acteurs des médias deviennent eux aussi des acteurs politiques, agissants dans un cadre politique et non informationnel. Nos populations étant en grande partie très peu instruites, elles n’ont pas le recul intellectuel nécessaire pour analyser les informations véhiculées ici et là par les différents médias. Quand on y rajoute de la manipulation politico-religieuse, qui exploite allègrement les misères sociales, les médias deviennent alors des acteurs secondaires de ce drame ivoirien. Les solutions sont déjà connues et plusieurs fois dites par les différentes organisations professionnelles des journalistes. Ce sont par exemple : la libéralisation des médias ; une réelle liberté d’expression y compris pour les médias d’Etat, mais surtout pour ceux de l’opposition ; le respect de la déontologie et l’objectivité absolue dans le traitement de l’information ; de meilleures conditions de travail ainsi qu’une rémunération digne de cette noble et pénible profession ; une véritable politique de formation des journalistes adaptée à nos réalités sociopolitiques nationales ; lutter contre « les rats », ces faux journalistes indésirables qui nuisent à la profession ; et enfin révolutionner la profession en interdisant les médias sous contrôle des partis politiques, qui ne sont que leurs cellules de communication. Il est évident que ce dernier point sera le plus difficile à réaliser pour deux raisons. Premièrement, nos différentes populations sont fortement conditionnées depuis deux décennies à ne lire que les journaux proches de leur idéologie politique et regarder la télévision publique que lorsque leur parti politique est au pouvoir. Deuxièmement, il sera très difficile pour ces différents partis politiques de se séparer réellement de leurs médias de communication, de peur de perdre de fait leurs électorats, conditionnés psychologiquement dans cette logique politique.

En relevant ces défis, nos médias joueront un rôle HISTORIQUE dans ce processus de réconciliation nationale qui peine toujours à convaincre. Mais pour cela, il faudrait une réelle prise de conscience de la responsabilité des partis politiques dans le discrédit de nos médias.

Macaire Dagry
macairedagry@yahoo.fr

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