Ouest de nouvelles attaques se préparent enquête explosive de soir-info

Le Ministre de la défense Ivoirien Paul Koffi Koffi

Armand B. Depeyla Source: Soir info
De nouvelles attaques se préparent – voici le cerveau et où il se cache

Villages désertés, populations toujours cloitrées en brousse par ces temps de mousson, psychose généralisée. Armes de guerre et munitions saisies dans la forêt. Les populations, prises entre deux feux, se préparent au pire face au spectre de nouvelles attaques. Voici le décor, pour le moins alarmant, du « chaudron » de l’ouest, dans lequel nous avons fait une incursion, du mercredi 22 au dimanche 26 août 2012. Enquête.

Ce jeudi 23 août 2012, est 15 h 32 mn lorsque nous mettons pied à terre dans le village fantôme de Péhé-Kanhouêbly. La vie s’est arrêtée dans ce village, après le passage des assaillants… Il règne, plutôt, un silence de cimetière. Péhé-kanhouêbly, peuplé de 978 âmes, encastré par une langue de forêt dans le Libéria, s’est vidé de ses habitants, depuis le 13 août 2012, jour de l’attaque du poste des Forces républicaines de Côte d’Ivoire ( Frci) basée à Pékan-Barrage. La grande majorité a fui vers le Liberia quand d’autres se sont terrés en brousse et dans les villages environnants. Au moins cinq maisons d’habitation et des cases couvertes de pailles, sont parties en fumée. Le transformateur électrique de la Compagnie ivoirienne d’électricité ( Cie), qui alimente le village, est à terre, tombé du haut du poteau après avoir été « obusé » par les assaillants qui ont traversé le village en direction du Liberia.

En parcourant le village, nous tombons sur un homme. Flan Kouéwon Joseph, 82 ans. Les yeux jaunis par un accès palustre, il est la seule et unique personne présente dans le village. Il nous lance. « J’ai d’abord fui comme tout le monde. Mais, je suis malade. C’est pour cela que je suis revenu au village. Comme ça, si je meurs, mes parents pourront, au moins, retrouver mon corps et m’enterrer. J’ai préféré mourir ici dans mon village que dans la brousse ». Le vieux Flan tient à peine sur ses jambes, ne s’étant pas alimenté, selon lui, depuis « trois jours ». Les assaillants, venus du Liberia, sont arrivés dans le village par l’entrée principale qui donne sur le poste frontalier de Pékan-Barrage. Ils ont couvert leur fuite par des tirs en l’air, provoquant un sauve-qui-peut dans le village.

Le cerveau démasqué et arrêté

Ils ont emprunté un sentier qui mène directement vers Douhodji-Town, premier village libérien, fondé dans les années 40 par des Ivoiriens ayant fui les travaux forcés. Douhodji-Town est situé à environ 7 Km, à vol d’oiseau de Péhé-Kanhouêbly et abrite un important camp de refugié ivoiriens. Certains assaillants, selon des témoignages recueillis auprès de certains déplacés dans le village de Klobly, auraient passé la nuit, dans une totale clandestinité, à Péhé-kanhouêbly, avant de lancer l’assaut aux environs de 2 h du matin sur le poste des Frci de Pékan-Barrage. C’est ici à Péhékan-houêbly, que le relais, pour ne pas dire la « tête de pont » des assaillants a été démasqué par le caporal-chef, Adama Coulibaly dit « Adamo ». Il se nomme Santhou Guiro Hyacinthe. Santhou Guiro Hyacinthe est un ex-combattant repenti qui travaille à la sous-préfecture de Tiobly en qualité de responsable « du centre secondaire de l’état-civil» à Péhékan-houêbly, après avoir déposé armes et munitions auprès des autorités militaires et préfectorales.

Selon le sous-préfet de cette localité, Kouassi Koffi, qui s’est dit « surpris et choqué par les agissements » de cet agent, « Santhou Guiro Hyacinthe était la « Tour de contrôle » de toutes les opérations de déstabilisation en préparation au Liberia. C’est lui qui fournissait tous les renseignements, notamment, sur le dispositif militaire, les types d’armes, les engins roulants, les effectifs des soldats en poste ainsi que tout autre renseignement utile à toute attaque ». Exploitant des renseignements sur ses activités, par les Frci, le mardi 7 août 2012, Sahantou Guiro Hyacinthe a été confondu par les militaires qui l’ont interpellé. C’est grâce aux précieux renseignements qu’il a fournis aux militaires, le pire a été évité. Il a notamment donné, dans les moindres détails, le déroulé de l’opération. Mis à la disposition de la gendarmerie de Toulépleu pour enquête, il n’a pas fait de difficulté à cracher le morceau et donné les dates et heures de l’attaque du 13 août 2012. Santhou Guiro a dénoncé ses présumés complices, notamment Kah Blé Guidi Joël, de Toulépleu-Village et Guéhi Oussagnon Constant, du village de Séhibli.

Les deux derniers font l’objet de procédure en ce moment à Toulépleu tandis que Santhou Guiro Hyacinthe, lui, a été transféré à la section de recherche de la gendarmerie à Abidjan. Ce sont des populations ahuries et exaspérées que nous rencontrons à Tiobly, sur la place du marché, ce jeudi 23 août 2012, après Péhékan-houêbly. Paha Ouahi, 72 ans, chef du village de Klobly, au nom de ses pairs des 10 villages qui composent cette nouvelle sous-préfecture, ne trouve pas de mots assez durs pour stigmatiser les agissements des assaillants, qu’il présente comme « les ex-miliciens, ex-combattants pro-Gagbo et des mercenaires libériens qui bénéficient de complicités internes ».

Colombo de l’Ap-Wê indexé

« Ce sont nos propres enfants, les ex-miliciens pro-Gbagbo, aidés de mercenaires libériens qui nous attaquent, qui nous tuent. Nous en avons assez. Dites au Président Ouattara de faire quelque chose pour nous », s’emporte le vieux, transi de colère. Il a ajouté que « des fonctionnaires, en particulier instituteurs à la retraite, militants de l’ex-Lmp, refugiés au Liberia et qui traversent, chaque fin de mois pour venir toucher leurs soldes en Côte d’Ivoire, notamment à Guiglo, Daloa ou Abidjan, sont les principaux canaux de renseignements au profit des destabilisateurs ». Lorsque nous lui demandons ce qu’ils attendent concrètement du chef de l’Etat, la réponse est toute prête. Il lâche : « Dites au président de voir comment, avec son homologue Hélène Johnson Sirleaf du Liberia, il vont nous débarrasser de ces assaillants. La solution réside dans le déplacement et l’éloignement des camps de refugiés situés proches de la frontière ivoirienne » préconise, très amer ce vieil homme dont un camarade, le chef de village de Bazobly, Tindé Marcel et sa fille, dans leur fuite, ont trouvé la mort en brousse. A Tiobly, les populations ont mis un nom sur le visage du cerveau de toutes les attaques dans le département de Toulépleu. « Il s’appelle Colombo. Il est dans le camp des réfugiés de Zuédru au Liberia. C’est lui qui pilote tout » nous apprend Kah Bloaty, un milicien repenti, bien connu à Toulepleu, qui a regagné son village, après avoir rendu armes et munitions aux Forces impartiales.

« A Zuédru, c’est lui qui centralise tout. Il reçoit des gens qui viennent souvent de Monrovia avec qui nous tenions des réunions quand j’étais encore dans ce camp de refugié » révèle-t-il. Colombo, c’est en fait Ouhéan Monpouho Julien, le redoutable patron de la milice AP-Wê de Duékoué, une faction des Forces de résistance du Grand-Ouest de Maho Glofiéhi. Les miliciens Komandé Mohegan Valery, George Paul, Nioulé Ourogo Edouard, Nioulé Junior, Toué Toué Badison et Nioulé Frank, arrêtés le 15 aout dernier par la police libérienne à Toe-Town, ville de l’Est libérienne très proche de la frontière, impliqués dans l’attaque du poste de Pékan-Barrage, sont des membres du commando à Colombo. Il est un peu plus de 14 h lorsque nous arrivons dans le village de Séhibli. Ce village, d’environ 1000 habitants est dans une situation géographie pour le moins atypique et extrêmement favorable aux attaques. Les habitants ici font leurs besoins en territoire… Certaines plantations et des champs sont carrément au Liberia. De fait, la ligne frontalière passe juste derrière la maison du chef du village, Tayé Zakpa Firmin. A bouche armée, Toa Kuité André dit « Kénédy », Bly Ouloté et Yrokla, notables de ce village, ont pointé un doigt accusateur contre les ex-miliciens pro-Gbagbo et font une révélation. « Ils préparent de nouvelles attaques en septembre après les pluies ». « Comme nous avions fui avec eux au Libéria avant et que nous sommes revenus au village, ils disent que nous sommes devenus des «Alassanistes ».

Suspicion

«Ils disent que nous avons trahi Laurent Gbagbo. C’est pourquoi ils disent qu’ils vont nous tuer » apprend Kénédy. Tayé Zakpa Firmin, le chef du village, préconise une solution pour le moins radicale. « Il faut détruire tous les camps des refugiés ivoiriens le long de la frontière et rapatrier nos parents qui sont dans ces camps. C’est la seule et unique solution pour mettre fin aux attaques à Toulépleu. C’est dans ces camps que la rébellion se prépare contre nous ». Une opinion largement partagée par tous nos interlocuteurs et toute la notabilité réunie chez le chef du village. De Séhibly, nous mettons le cap sur le chef-lieu de sous-préfecture de Bakoubly.

Ce bourg de plus de 2.000 âmes, adossé à la frontière, s’est quasiment vidé de ses habitants. Bakoubly abrite pourtant un détachement des Frci dont on dit qu’elles ne sont pas des enfants de cœur. Le sous-préfet, Koffi Emile, qu’ils n’ont pas hésité à molester et rudoyé, est en réunion de crise convoquée par le préfet en ville. Nous sommes néanmoins reçu par le chef du village, Nioulé Alphonse et toute sa notabilité. Bakoubly a été l’épicentre des combats qui ont suivi l’attaque du poste frontalier de Pékan-Barrage. Après l’échec de la prise de Pékan-Barrage, les assaillants ont jeté leur dévolu sur Bakoubly, mais ils ont été repoussés. Dans leur fuite, certains mercenaires égarés dans l’immense forêt, se sont retrouvés nez à nez avec des paysans qui rentraient de leurs champs.

Parmi eux, Kakao Gnanhoulou, Pahibo Désiré, Bio Jean-Baptiste, Oula Péhé Hubert et Mme Tinssiho Geneviève. Leurs témoignages glacent, tout simplement, le sang. « Les chefs de guerre, qui ont conduit l’opération, se nomment Beh Noudé Gohi Charles, Gonhi Ninssemon Hervé, Tidi Richmond dit Demi-Kilo, Zapi Kéla Roland et Gnonhanrou Anderson. Ils sont tous originaires de Bakoubly, à part Gohi Noudé Charles, qui, lui, est du village de Grié 1 » nous apprend Bio Jean-Baptiste. « Ils sont arrivés dans mon campement à 16 h, le mardi 14 aout 2012. J’ai été terrassé et l’un d’eux m’a demandé de les conduire vers le Liberia. Noudé Gohi Charles s’est présenté comme le chef. Ils m’ont dit qu’ils vont prendre Bakoubly, Toulépleu et annexer Bloléquin, Guiglo et Duékoué… J’ai trompé leur vigilance avant de m’échapper dans la forêt. Ils ont donné un coup de machette sur la tête de ma mère. Ils allaient me liquider si je n’avais pas fui. Dans mon campement, ils ont tout emporté ». Pour sa part, Kakao Gnanhoulou soutient que ceux qui l’ont pris dans son campement, étaient tous des mercenaires libériens : « J’ai pu dénombrer 17 personnes et ils étaient armés, pour la plupart, de fusils calibre 12, des machettes et des couteaux. Au moins 7 personnes avaient des kalachnikovs et portaient de longs cheveux tressés ». Oula Péhé Hubert, un autre rescapé, soutient avoir été pris en otage pendant plusieurs heures avant d’être libéré.

Guérilla forestière

Mais, les miliciens pro-Gbagbo repentis qui étaient en sa compagnie ainsi que plusieurs autres personnes ont été enlevés et conduits au Liberia. « Ils m’ont torturé pour obtenir de moi, l’effectif exact de militaires pré-positionnés à Bakoubly et les véhicules dont ils disposent ». Pahi Boh Désiré, lui affirme avoir été pris dans « son champ ». « Je travaillais dans mon champ quand je me suis vu encercler par ces assaillants. J’ai tout de suite reconnu des jeunes originaires de Bakoubly, mon village, qui étaient parmi eux. J’ai été épargné, d’ailleurs, grâce à l’un d’entre eux. Ils m’ont dit que leur objectif est de prendre Toulépleu et de tuer les Guéré qui soutiennent Ouattara. Une fois Toulépleu prise, selon eux, ils « recevront des hélicos de combat. Ils m’ont dépouillé de tout ce que je possédais. Ils ont promis de revenir en septembre 2012 ». Mme Tinssihio Geneviève souligne, en ce qui la concerne, que son campement a été « envahi ce mardi par 16 personnes lourdement armés qui cherchaient les pistes clandestines qui mènent au Liberia ». « Nous disons que la guerre n’est pas finie et vous vous entêtez à rester en Côte d’Ivoire. Vous allez voir ce qui va vous arriver, m’ont lancé Mohiro Mérimé dit Koloko, Kouèdjiké Doué Ange dit Pawer, tous originaires du village de Bakoubly. Ce sont eux qui conduisaient la troupe qui a attaqué Bakoubly. Comme je portais un tee-shirt à l’effigie d’Anne-Désirée Ouloto (ministre de la salubrité urbaine) cela les a révoltés davantage et ont menacé de me tuer. Ils ont forcé certains à aller au Libéria avec eux. Mon mari et moi, nous nous sommes enfuis en brousse où nous avons passé trois jours avant de rejoindre le village » nous apprend, cette dame de 36 ans, le corps lacéré.

Nioulé Alphone dit « Kedjouwé », le chef du village de Bakoubly et ses notables sont enragés par la colère. « Nous sommes exaspérés par ce qui nous arrive. Nous allons abandonner le village et aller en construire un autre en pays Bété où tout est calme… C’est suite à l’appel du sous-préfet que nous sommes rentrés du Liberia après la crise post-électorale. Ce sont les militants de Gbagbo qui ne veulent pas revenir qui organisent des attaques contre nous. Ils s’opposent à notre retour et disent que nous sommes devenus Alassanistes, c’est pourquoi il faut nous tuer. La semaine avant l’attaque, ce sont 41 personnes qui se sont réunies à Zuédru pour préparer l’attaque. L’un de notre fils qui se trouve dans le camp nous a donné l’information. Leur objectif, c’est de prendre Bakoubly pour en faire leur base et occuper tous les villages de la sous-préfecture. Certains assaillants sont originaires de ce village de Bakoubly. Ils bénéficient de l’appui des mercenaires libériens. Nous sommes fatigués. Dites au président Alassane Ouattara de déguerpir tous les camps de refugiés ou de les déplacer loin de la frontière ivoirienne. C’est la seule solution pour mettre fin aux attaques. S’il ne le fait pas, nous irons nous installer en pays bété où tout est calme » ont-ils indiqué, tour à tour. Tous les intervenants ont dressé la liste des ex-miliciens impliqués dans les attaques.

Des responsables Fpi accusés

Aujourd’hui, dans le département de Toulépleu, la tendance, avant l’offensive annoncée pour le mois de septembre, est à la guérilla forestière. Pour mener à bien leurs opérations de déstabilisation, les ex-miliciens pro-Gbagbo ont érigé des camps d’entraînement et de formation dans la forêt qui sépare les deux pays, notamment entre la sous-préfecture de Bakoubly et le comté de Grand-Gedeeh au Liberia. Ces camps d’entraînement sont au-delà la ligne frontalière, en territoire libérien, selon le chef du village. Ces miliciens et autres mercenaires qui traversent la frontière par des pistes clandestines, tendent des embuscades dans les forêts. Ce qui accroît la psychose dans les rangs des populations qui ont abandonné leurs champs et plantations. L’enjeu premier de ces miliciens est de faire fuir les populations des villages, de les attirer vers le Liberia et d’annihiler toute mise en œuvre des promesses politique de Ouattara à l’ouest, fait valoir le député de la circonscription, Kahiba Lambert. Une liste des assaillants nous a été remise.

A Bakoubly, le ratissage des Forces républicaines de Côte d’Ivoire ( Frci), soutenues par un détachement de l’Escadron de la gendarmerie nationale de Daloa, commandé par le lieutenant Mel Franck-Alex, n’a pas fait de quartier. Des assaillants auraient été, selon nos sources, rattrapés dans l’immense forêt qui sépare la Côte d’Ivoire du Liberia alors qu’ils tentaient de regagner leur base au Libéria. « Ils n’ont pas fait de prisonniers », nous apprend le préfet de Toulépleu, Karim Diarra. Néanmoins, 1.200 munitions d’armes de guerre, de fusils d’assaut, ainsi que des kalachnikovs, des fusils de chasse de type calibre 12 et de lance-roquettes ont été saisis. « Nous demandons au chef de l’Etat de nous éloigner de ces rebelles en déplaçant tous les camps des réfugiés et en rapatriant ceux qui veulent revenir. C’est la solution pour mettre fin aux attaques à Toulépleu et instaurer une paix durable à l’ouest » conseille le chef du village, Nioulé Alphonse Kédjouwé. Même son de cloche, mais à une variante, près, à Pahoubly et Sahoubly, deux villages situés sur le front du fleuve Cavaly et potentiellement exposés aux incursions. Ici, le chef du village, Kémahon Thimoléon n’a pas pris de gants, pour accuser, ouvertement les responsables locaux du Front populaire ivoirien ( Fpi) à Toulépleu, ceux refugiés au Liberia et en exil dans la sous-région, d’être derrière ces attaques.

Alors que Gbon Guy Bernard, ancien député du parti de Gbagbo, membre de la délégation, s’adressait aux populations, a fait l’objet d’une remarque graveleuse. Il a, notamment, été stoppé net par Doué Péhé Jacob, un notable du village, le traitant « d’hypocrite et de menteur ». Et Kémahon Timoléon, le chef du village, un fonctionnaire à la retraite, de porter, lui-même, l’estocade : « Ne venez pas jouer les hypocrites avec les populations. C’est vous, les leaders du Fpi qui entretenez les miliciens et mercenaires libériens qui nous attaquent à Toulépleu. Ne venez pas vous asseoir devant les gens ici pour raconter des histoires.

Pris entre deux feux…

Ces miliciens disent haut et fort que c’est vous, les partisans de Gbagbo, qui financez leurs activités. C’est vous qui les armez, c’est vous qui les recrutez dans les camps de refugiés, nous sommes au courant. Nous vous interpellons aujourd’hui sur votre responsabilité dans ce qui adviendra demain. Nous vous demandons de cesser vos activités, car les populations de Toulépleu ont trop souffert. Il faut que vous disiez la vérité à vos hommes. Ouattara est élu président de la République. C’est lui le président. Laurent Gbagbo ne va pas quitter la prison de La Haye pour venir être président du département de Toulépleu. Dites-leur cette vérité pour que nous ayons la paix. Nous avons besoin de paix aujourd’hui. Vous avez perdu le pouvoir, acceptez qu’une autre personne gouverne la Côte d’Ivoire » a-t-il craché à la figure de l’ancien député Fpi ». Dans la foulée, on apprend que le secrétaire de section du Fpi, refugié au Liberia, Djiezion Guéi Martin dit Zakpa Pomeli, a été arrêté pour activités subversives.

Au titre des mesures conservatoires, le chef du village nous a appris qu’il a fait retirer, du fleuve Cavaly, toutes les pirogues qui permettaient aux assaillants de gagner les rives ivoiriennes. Visiblement pris au dépourvu par cette réaction de la notabilité de Pahoubly, Gbon Guy Bernard a mis « ces informations sur le compte des rumeurs » soulignant qu’il s’agit d’accusations « sans fondement ». A Méo et à Péhé, la résolution est prise de ne plus fuir en brousse, mais de mourir, s’il le faut au village. C’est ce qui ressort des propos de Blégbé Raphael et Péhé Bazo, chef de village et notable. « Nous sommes fatigués de fuir… Nous avons décidé de mourir dans notre village. A l’avenir, nous ne fuirons plus ».

A Péhé, où l’état civil est parti en fumée, le sous-préfet, Barro Arouna interpelle les cadres « de cesser d’empoisonner les populations par les rumeurs d’attaques ». Le chef de canton, Bohi Nioulé Pierre, le chef du village Béhé Robert Léopold, ont dénoncé les « exactions dont sont victimes les populations de la part de certains éléments des Frci ». Comme si les populations de Toulépleu s’étaient passé le mot, les mêmes accusations contre le Fpi et les propositions en vue de couper la tête à la rébellion naissante à l’ouest sont revenues dans tous les villages que nous avons visités.

Ainsi, dans la sous-préfecture de Nézobly dont la quasi-totalité des villages sont adossés au fleuve Nuon, frontière naturelle avec le Liberia et dans le Tche-messon, ils ont demandé « le déplacement des camps loin de la frontière », l’installation dans les villages, tels que Klaon, Ziwébly, Toyébly de détachements militaires. Gbéhé Doh, Kémon Prosper, Paha Oulou Raphael, Gahi Péhé Henri, Gnandé Djiré Gaston, Boyou Antoine, tous chefs de village, ont pointé un doigt accusateur sur des « ex-combattants de Nézobly refugiés au Liberia » et réclamé leur rapatriement en Côte d’Ivoire. Par ailleurs, ils ont accusé « des autorités militaires, administratives et policières libériennes, de complicité active avec ceux qui attaquent le département ».

Selon eux, « ils ferment les yeux sur les activités et quand un Ivoirien porte à leur connaissance ou dénonce un activiste milicien, au lieu d’interpeller ce milicien, c’est plutôt le dénonciateur qui est arrêté et jeté en prison. De sorte qu’aujourd’hui, les ex-combattants préparent et mènent leurs activités subversives le plus tranquillement du monde » soulignent-ils. Ici ces ex-combattants sont basés dans les villages et villes de Dibouzon, Bêwalé, Sanikulé et Tapita. Leur liste nous a été remise. Les populations se disent prisent entre deux feux. Les Forces républicaines de Côte d’Ivoire ( Frci), qui, selon elles, « menacent ouvertement de les exterminer en cas d’attaques des ex-combattants Guéré contre leurs positions et de l’autre côté, des ex-combattants Guéré pro-Gbagbo qui menacent « d’envahir les villages et de tuer les alassanistes et tous ceux qui refuseraient de retourner au Liberia ». C’est dans cette atmosphère de psychose généralisée que vivent les populations. La prise en compte des préoccupations soulévées ici par les populations est plus que jamais vitale pour elles.

Enquête réalisée par Armand B. DEPEYLA (Envoyé Spécial à l’Ouest)

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