La Thaïlande accumule les stocks de riz et trouble le marché mondial

La Thaïlande est depuis longtemps le premier exportateur mondial de riz, mais ce statut est menacé depuis que les autorités subventionnent les agriculteurs pour doper leurs revenus : les stocks s’accumulent depuis des mois et toute la filière, selon certains experts, est en danger.

Le gouvernement de Yingluck Shinawatra, qui doit très largement son élection l’an passé aux masses rurales du nord et du nord-est du pays, a décidé d’acheter directement le riz aux paysans à un prix 50 % plus élevé que les cours mondiaux afin d’augmenter leurs revenus.

Mais le riz thaïlandais est du même coup devenu invendable sur le marché international car trop cher. « C’est la pire année jamais enregistrée », peste Chookiat Ophaswongse, président honoraire de l’Association des exportateurs de riz du royaume.

« Nous cédons déjà des parts de marché à nos concurrents dans le monde, notamment les nouveaux venus comme le Cambodge et la Birmanie, qui produisent de plus en plus pour l’exportation. »

L’an passé, la Thaïlande était encore numéro un mondial avec un tiers du marché. Mais sa part en 2012 pourrait n’atteindre que 18 %, selon l’association, laissant passer devant ses rivaux vietnamien et indien. Un déclassement pronostiqué aussi par le département de l’Agriculture américain.
La Thaïlande produit 20 millions de tonnes de riz par an, dont la moitié est habituellement exportée. Mais les ventes en 2012 ne dépasseraient pas les 6,5 millions de tonnes.

Les difficultés

s’amoncellent au fur et à mesure que les stocks augmentent. Le pouvoir est même à court d’entrepôts et a brièvement songé à réquisitionner un hangar de l’aéroport domestique de Bangkok.

Et même si la stratégie est coûteuse, revenir en arrière serait très compliqué.

« Ils sont coincés parce qu’avec tout ce riz, ils n’ont pas vraiment d’autre possibilité que de continuer comme ça, faute de quoi les cours vont baisser et ils auront des problèmes politiques », estime le Dr Ammar Siamwalla, économiste pour le Thailand Development Research Institute Foundation (TDRI).
« Il n’y a pas de stratégie de sortie, ajoute-t-il. Les Indiens et les Vietnamiens se frottent les mains. »
Quelque 10 millions de tonnes de stock attendent aujourd’hui dans des entrepôts, estime-t-il, mettant en doute la version officielle selon laquelle six ou sept tonnes ont été vendues directement d’État à État.

La politique du gouvernement a pour autant atteint ses objectifs en réjouissant les paysans, en grande majorité fidèles à Thaksin Shinawatra, l’ex-chef du gouvernement en exil renversé par un coup d’État en 2006, et frère du Premier ministre.

« Je veux que le programme du gouvernement continue parce qu’au moins, cela nous aide à vendre le riz à un prix élevé », explique ainsi Supoj Joopia, qui cultive 9,6 hectares de rizières dans la province de Chachoengsao (centre) et a enregistré une hausse de 50 % de ses revenus annuels, soit 780 000 bahts (25 000 USD).
Quatre millions de foyers en Thaïlande vivent de la culture du riz et 900 000 d’entre eux ont souscrit au projet du gouvernement, selon le TDRI.

« Le premier objectif du gouvernement est d’augmenter le niveau de vie des paysans », a justifié le ministre du Commerce Boonsong Teriyapirom. « Nous sommes toujours confiants quant à notre capacité à vendre notre riz. »

Le riz est la céréale de base de plus de trois milliards de personnes dans le monde, la moitié de la population mondiale. Le Nigeria, l’Irak, l’Indonésie, la Côte d’Ivoire et l’Afrique du Sud comptent parmi les clients majeurs du royaume. Mais désormais, les exportateurs craignent le pire.

« Les acheteurs internationaux vont penser à la Thaïlande en dernière priorité, fulmine Chookiat. Si ça continue comme ça, de nombreux exportateurs vont faire faillite. »
(Source : AFP)

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