Loi sur le mariage – Iman Dosso Mamadou « le ver reste dans le fruit… »

Contribution sur la loi sur le mariage

Imam Dosso Mamadou : « En Côte d’Ivoire, on a la mauvaise culture de réduire la démocratie à la dictature de la majorité »

AU NOM D’ALLAH, LE TRES MISERICORDIEUX, TOUT COMPATISSANT ! PAIX ET SALUT SUR LE SCEAU DE SES MESSAGERS, SUR LES MEMBRES BIEN GUIDES DE SA NOBLE FAMILLE, SUR SES HONORABLES ET TOUS CEUX QUI ADHERENT A SA TRADITION JUSQU’A LA RESURRECTION.

LA PORTEE DE NOS LOIS.

Suite au vote de la nouvelle loi sur le mariage en Commission, l’atmosphère nationale a été fortement perturbée. Malgré ce fait, deux cent treize (213) députés ont accepté de l’adopter quand dix (10) ont voté contre et six (6) se sont abstenus, en plénière. Cette adoption rappelle bien celle d’autres lois dont la portée a déçu notre attente tout au long de la jeune histoire de la Côte d’Ivoire.

1/ Quand il s’est agi de réviser la constitution pour désigner légalement le successeur du premier Président de la République de Côte d’Ivoire, on a beau dénoncé le caractère monarchique et ethnique de l’article 11, baptisé « caméléon », celui-ci a maintes fois été adopté à une écrasante majorité des représentants du peuple ivoirien. Et pourtant, au décès du Bélier de Yamoussoukro, l’article 11 n’a pu faciliter la succession de ce grand homme. A son application, on a parlé d’auto proclamation du Président de l’Assemblée Nationale au poste de Président de la République.

2/ A son tour, quand celui-ci a réussi à mettre le pays à sa disposition, le tout nouveau Président de la République s’est aussitôt inspiré de la francité en déniant à certains citoyens ivoiriens, leur nationalité pour délit de patronyme et de faciès. Au nom de cette nouvelle trouvaille politico-juridico-culturelle, certaines populations étaient tenues de fournir la carte nationale d’identité d’un de leurs géniteurs, là où l’administration ivoirienne ne demandait à d’autres citoyens, que l’ethnie ou le patronyme pour les servir. L’ivoirité, soutenue par des politiciens dans la peau d’intellectuels, fut érigée en lois votées par la majorité des représentants du peuple. Bref, Comme prétexte pour se légitimer, le coup d’Etat de décembre 1999 a engagé ses auteurs à endiguer ce grand commun diviseur des enfants du même pays.

3/ Après ce coup d’Etat, qualifié par certains médias de cadeau de Noël à la nation, les tenants du nouveau pouvoir (le Général Guéi, ses jeunes gens et des acteurs politiques) ont fait croire à l’opinion qu’ils feraient évoluer la démocratie en Côte d’Ivoire. Alors qu’on attendait qu’ils commencent par la légalisation de l’égalité de tous les ivoiriens devant la loi, ils ont, au contraire, fait campagne pour convaincre ceux qui pouvaient l’être, en réchauffant la catégorisation des citoyens en ivoiriens de souche multi séculaire seuls éligibles (les ET), et en ivoiriens de circonstance avec d’autres points de chute (les OU). Cette dernière catégorie, accusée de se faire ivoiriens les jours pairs et non ivoiriens les jours impairs, devait se contenter de son droit de simple électeur. Ces dispositions prescrites dans la constitution majoritairement votée au référendum de 2000, étaient défendues par des politiciens encagoulés en intellectuels, dont d’éminents juristes. On se souvient de la campagne des conjonctions ET/OU. L’ex Président de la République, M. Laurent Gbagbo a éventré le secret au Forum de Réconciliation Nationale, en confessant publiquement : « L’article 35 de la constitution ivoirienne a été rédigé pour régler la question de M. Ouattara Alassane ».

4/ Pour sortir la Côte d’Ivoire de son instabilité récurrente dans laquelle les acteurs politiques l’ont mise à l’aide de lois iniques, une tentative de coup d’Etat muée en rébellion a divisé le pays en deux parties. Le nord des ivoiriens à la nationalité contestée et le sud des ivoiriens pur-sang. Cette partie-ci a même été qualifiée de Côte d’Ivoire Utile. Pour recoller les morceaux, on a dû faire voler des accords politiques au secours des lois que nous savions inadaptées avant leur adoption.

5/ Au constat, le ver reste dans le fruit. En Côte d’Ivoire, on a la mauvaise culture de réduire la démocratie à la dictature de la majorité. Or, ceux qui sont élus pour nous représenter préfèrent leur famille politique, leur promotion sociale à l’intérêt de leurs mandants. Chaque fois qu’il est question de décider pour la nation, au lieu de consulter leurs électeurs, ils vont au siège du parti politique. C’est pourquoi, les députés qui s’étaient opposés au vote de la loi sur le mariage en commission le mardi 13 novembre 2012 se sont rangés du côté de la majorité, après leur interpellation par les leaders de leur parti politique.

6/ Quant à la société civile comprenant les guides religieux, les privilèges liés à sa mission ont réussi à la détourner de ses objectifs qui sont initialement de défendre les intérêts des populations de tous les partis politiques et de toutes les appartenances religieuses, ethniques et culturelles auprès des pouvoirs publics. Être le contre-pouvoir des pouvoirs publics et politiques. Ont-ils tort de démissionner? Des défenseurs des droits de l’homme sont promus ministres pour leur collaboration avec le politique. Les dignitaires religieux sont adoubés ou détestés par les fidèles croyants, plus pour leur militantisme politique que pour leur piété, leur science religieuse ou leur spiritualité.

7/ Au reste, il nous reste à souhaiter que la portée de la nouvelle loi sur le mariage rende désormais nos mamans plus heureuses qu’avant, que les jeunes gens soient plus motivés pour le mariage, que des femmes ne trompent plus d’autres femmes pour fréquenter illicitement l’époux de leur sœur. Si la femme, notre mère était victime de traitement défavorable au seul motif qu’elle est épouse, Souhaitons que la nouvelle loi sur le mariage vienne réparer ce tort.

8/ Toutefois, la nouvelle loi sur le mariage a focalisé le débat sur la question de qui doit être chef de la famille. Alors que d’autres dispositions mériteraient de retenir notre attention. Ce sont, pèle mêle :

Article 67 ; Chacun des époux a le droit d’exercer la profession de son choix, à moins qu’il ne soit judiciairement établi que l’exercice de cette profession est contraire à l’intérêt de la famille.

Combien sommes-nous, mariés et candidats au mariage, à connaître les professions judiciairement contraires à l’intérêt de la famille ? Par exemple, que dira le juge de l’époux musulman qui s’opposera à la vente d’alcool que sa femme non musulmane aura choisi d’exercer ? Pour une société ivoirienne plus intégrée, on demande que le musulman accepte de se marier à la femme d’une autre religion. A l’analyse, la nouvelle loi sur le mariage favorise-t-elle cette imbrication ? On pourrait citer d’autres exemples similaires de professions judiciairement contraires ou non à l’intérêt de la famille.

Article 59 ; Les époux contribuent aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives. Si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, l’autre époux peut obtenir, par ordonnance du Président du Tribunal du lieu de résidence, l’autorisation de saisir-arrêter et de toucher, dans la proportion des besoins du ménage, une part du salaire, du produit du travail ou des revenus de son conjoint.

Les revenus des conjoints devront être dorénavant connus de tous les membres du couple. Comme dans une entreprise, on prendra des parts ou des obligations pour le fonctionnement matériel du foyer. Celui-ci devra désormais être régi moins par l’amour, l’affection et le pardon mutuel que par le respect de la nouvelle loi sur le mariage. Or, « C’est un des signes divins que de vous avoir donné des compagnes tirées de vous-même, pour que vous éprouviez la paix auprès d’elles, et d’avoir établi entre vous affection et tendresse. » Coran, Sourate XXX, les Romains, verset 21
Il faut cependant reconnaître à cet article de la nouvelle loi sur le mariage, l’interpellation salutaire des conjoints inconscients ; dépensiers dehors et très avares face aux besoins de la famille.

En plus, il y a le cas des ménages polygéniques légalement constitués avant l’adoption de la loi de 1964. Comment cette entreprise conjugale pourrait-elle mettre en application ces dispositions de l’article 59 ?

9/ Madame la Présidente de la Commission des Affaires Générales et Institutionnelles de notre hémicycle, promue ministre de la communication dans le gouvernement Duncan a promis des campagnes de sensibilisation. Très certainement, à cette occasion, on pourra répondre à ces questions. Quand on aura fini, il faut prendre des dispositions pour que la portée de la nouvelle loi sur le mariage n’engendre pas de peur qui pousserait les citoyens à opter pour d’autres styles de vie conjugale, en l’occurrence le concubinage légal (Pacte Civil de Solidarité en France) ou l’homosexualité qu’on viendra faire voter à l’Assemblée Nationale au nom d’une sorte de liberté ou d’évolution.

10/ En attendant, les questions de nationalité et d’éligibilité à la présidence de la République inscrites en lois qui ont plongé la Côte d’Ivoire dans l’instabilité chronique sont esquivées. Elles sont dans les oubliettes. Quand les mettra-t-on à l’ordre du jour ? Si c’est dans l’euphorie des futures élections présidentielles, les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets.

Qu’Allah nous en préserve !

Par El Hadj Mamadou DOSSO, Imam en charge de Documentation et de Recherches au Centre d’Education et de Recherches Islamiques (CEDRIS).
imamdosso@yahoo.fr / cedrisinfo@yahoo.fr / imam-mamadou-dosso.over-blog.com

Titre: J-ci.net

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