« Incompétence à juger Gbagbo » Une audience de trop en appel ?

La juge d’Appel Anita Ušacka

Note:
Article redigé avant la décision sur la compétence, rendue ce mercredi 12 décembre 2012 [lire ici].

CPI/ audience en appel sur l’incompétence de la CPI à juger le président Gbagbo : Une audience de trop ?

Il se tient en ce moment à la cour pénale internationale (Haye) (mercredi 12 décembre 2012 depuis 15h30), une audience devant la chambre d’appel, sur l’interjection de la Défense, concernant la décision de la Chambre préliminaire qui a rejeté au mois d’août dernier la requête de la Défense en incompétence de la CPI. Mais avant de connaître l’issue de cette autre audience après le fiasco de celle organisée hier mardi 11 décembre et concernant la fixation de la date de l’audience de confirmation des charges, Eventnews Tv revient pour vous sur les observations qui ont cours dans cette affaire et cette procédure en incompétence de la Cour Pénale Internationale.

En effet, tout le débat tournerait autour de la reconnaissance de la compétence de la CPI par les gouvernements successifs en Côte d’Ivoire depuis le 2 juillet 2002, date de la création de la CPI.

Aussi, le procureur de la CPI a été autorisé à enquêter en Côte d’Ivoire, en rapport avec les dispositions des articles 13 et 15 du Statut de Rome : « la cour peut exercer sa compétence à l’égard d’un crime visé à l’article 5 conformément aux dispositions du présent statut, si (Art 13 (c), le Procureur a ouvert une enquête sur le crime en question en vertu de l’article 15 (1) : « Le procureur peut ouvrir une enquête de sa propre initiative au vu de renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour ». Cela s’appelle le Droit ou pouvoir Proprio Moutu du Procureur dans le jargon de la CPI. Mais il aura été conforté dans sa tache grâce aux différentes reconnaissances de la Compétence de la CPI par l’état de Côte d’ivoire, sous le régime de Laurent Gbagbo et aujourd’hui sous Alassane Ouattara :
Voici ce que les deux Exécutifs ont conclu avec la CPI : D’abord sous Laurent Gbagbo :

«Conformément à l’article 12 paragraphe 3 du statut de la Cour Pénale Internationale, le Gouvernement ivoirien reconnaît la compétence de la Cour aux fins d’identifier, de poursuivre, de juger les auteurs et complices des actes commis sur le territoire ivoirien depuis les événements du 19 septembre 2002. En conséquence, la Côte d’Ivoire s’engage à coopérer avec la Cour sans retard et sans exception conformément au chapitre IX du statut. Cette déclaration, faite pour une durée indéterminée, entrera en vigueur dès sa signature. Fait à Abidjan, le 18 Avr. 2003. Pour le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire Le Ministre d’Etat, Ministre des Affaires Etrangères, Bamba Mamadou. »

Ensuite sous Alassane Ouattara :
«Monsieur le Président, Le 18 Avril 2003, le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire reconnaissait solennellement, par son Ministre des Affaires Etrangères, la compétence de la Cour
Pénale Internationale. Depuis le 02 décembre 2010, suite à l’élection présidentielle de sortie de crise qu’elle a organisée les 31 octobre et 28 novembre 2010, la Côte d’Ivoire a un nouveau Président de la République dont la victoire a été proclamée par la Commission Electorale Indépendante. Le Représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU a certifié les résultats de cette élection, conformément aux accords politiques de sortie de crise. L’ensemble de la Communauté internationale, notamment le Conseil de Sécurité de l’ONU, les Etats-Unis d’Amérique, la France, l’Union Africaine, la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest et l’Union Européenne, a reconnu les résultats de cette élection et m’a apporté son soutien. Aussi, en ma qualité de nouveau Président de la République de Côte d’Ivoire et conformément à l’article 12 paragraphe 3 du statut de Rome qui dispose que : ‘Si l’acceptation de la compétence de la Cour par un Etat qui n’est pas Partie au présent Statut est nécessaire aux fins du paragraphe 2, cet Etat peut, par déclaration déposée auprès du Greffier, consentir à ce que la Cour exerce sa compétence à l’égard du crime dont il s’agit. L’Etat ayant accepté la compétence de la Cour coopère avec celle-ci sans retard et sans exception conformément au chapitre IX’, j’ai l’honneur de confirmer la déclaration du 18 avril 2003. A ce titre, j’engage mon pays, la Côte d’Ivoire, à coopérer pleinement et sans délai avec la Cour Pénale Internationale, notamment en ce qui concerne tous les crimes et exactions commis depuis mars 2004. Je vous prie de croire.

Monsieur le
Président, à l’expression de ma considération distinguée.
Fait à Abidjan, le 14 décembre 2010 , Alassane Ouattara.»
Mais ce dernier ira encore plus loin.

Après l’acceptation il ira jusqu’à confirmer comme pour faire plaisir à la Cour par un simple jeu de mot :
« Conformément à l’article 12 paragraphe 3 du Statut de Rome, le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire reconnaissant solennellement, par son Ministre des Affaires Etrangères, la compétence de la Cour pénale internationale aux fins d’identifier, de poursuivre, déjuger les auteurs et complices des actes commis sur le territoire ivoirien depuis les événements du 19 septembre 2002.
Cette déclaration

fut faite pour une durée indéterminée. A l’issue de mon élection à la Présidence de la République de Côte d’Ivoire le 02 décembre 2010, l’une de mes premières décisions fut de confirmer, par lettre en date

du 14 décembre 2010, l’acceptation par la Côte d’Ivoire de la compétence de la Cour pénale internationale. Pour les raison que vous connaissez, le transfert de pouvoir à l’issue de l’élection présidentielle des 31 octobre et 28 novembre 2010 n’a pu s’opérer de la façon pacifique que j’appelais de mes voeux. Il s’en est suivi une période de grave crise au cours de laquelle il est malheureusement raisonnable de croire que des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale ont été commis. Ces crimes sont d’une telle gravité que j’en appelle à votre concours pour faire en sorte que les principaux auteurs ne restent pas impunis et ainsi contribuer à restaurer l’Etat de droit en Côte d’Ivoire. En ma qualité de Président de la République, je vais m’employer sans relâche à restaurer dans la plénitude de son indépendance et de ses prérogatives le système judiciaire ivoirien. Le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux a déjà pris des mesures pour faire la lumière sur un certain nombre d’infractions commises au cours des derniers mois et des années précédentes. Je ne ménagerai par ailleurs aucun effort pour réconcilier les Ivoiriens entre eux et clore enfin une décennie de violences et de déchirures. Dans ce contexte, et après consultation avec le parquet général et les autorités judiciaires, il apparaît néanmoins que la justice ivoirienne n’est, à ce jour, pas la mieux placée pour connaître des crimes les plus graves commis au cours des derniers mois et toute tentative d’en traduire en justice les plus hauts responsables risquerait de se heurter à des difficultés de tous ordres. Par la présente, j’entends confirmer mon souhait que votre Bureau mène en Côte d’Ivoire des enquêtes indépendantes et impartiales sur les crimes les plus graves commis depuis le 28 novembre 2010 sur l’ensemble du territoire ivoirien, et fasse en sorte que les personnes portant la responsabilité pénale la plus lourde pour ces crimes soient identifiées, poursuivies et traduites devant la Cour pénale internationale. Je réitère l’engagement de mon pays à coopérer pleinement avec votre Bureau tout au long de ces enquêtes et poursuites, et confirme mon intention de faire en sorte que la Côte d’Ivoire devienne Etat Partie au Statut de Rome dans les meilleurs délais possibles. Je vous prie de croire. Monsieur le Procureur, en l’assurance de ma considération distinguée.

Fait à Abidjan, le 3 mai. 2011 Alassane Ouattara. Président de la République de Côte d’Ivoire. »

Au vu de ce qui précède, il nous apparait insolite de savoir comment la Défense de M. Gbagbo réussira à remettre en cause toutes ces signatures y compris celle de son client par le biais de son ex ministre des Affaires étrangères. Aussi, comment réussira-t-elle a faire mentir la Chambre préliminaire qui a déjà rejeté cette requête le 15 août dernier en se basant sur des éléments de preuves irréfutables en matière de la compétence de la CPI (sa matière première comme le cacao pour la Côte d’Ivoire) ? Voici autant de questions qui trouveront réponse aujourd’hui sinon dans les prochains jours.

Et comme pour ne rien arranger car, il faut savoir que la CPI dispose d’une marge de manœuvre certes pour enquêter dans un Etat si celui-ci n’a pas signé le traité de Rome, mais aussi ne bénéficie pas d’une coopération franche avec ledit Etat. Or en ce qui concerne cette requête de la Défense et rejetée par la Chambre préliminaire, il faut savoir que l’Etat de Côte d’Ivoire de M. Ouattara a déjà versé à ce dossier ses observations que voici : http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1477337.pdf
Enfin, si Me Emmanuel Altit a réussi à faire douter l’unique juge de la Chambre préliminaire Silvia Fernandéz de Gurmendi, hier pour la première fois dans ses prises de décisions, il n’est pas certain que cela soit ainsi pour la juge Sanji Mmasenono Monageng (chambre d’appel), qui avait on se souvient un 24 et 25 septembre 2012 tranché en faveur de sa collègue de la Chambre préliminaire concernant la libération provisoire de M. Gbagbo.

En tout cas, déclarer à l’issue de l’audience de ce mercredi 12 décembre 2012, que la CPI est incompétente pour juger M. Gbagbo serait une décision qui fera date dans les anales de la justice internationale, chez les pro-Gbagbo mais également chez tous ces défenseurs des Droits de l’homme. Nous voudrons y croire !

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