Bacongo: « Il n’appartient pas au président Ouattara de faire libérer Gbagbo… »

«A Koumassi, je suis en mission»

Par KISSELMINAN COULIBALY source: Soir info

«J’ai du mal à suivre et à comprendre ceux qui parlent de cumul de postes», réplique le ministre Cissé Bacongo

 

Cissé Ibrahim Bacongo est une personnalité avec de multiples facettes. Juriste, écrivain, homme politique, enseignant, il a, en charge, dans l’actuel gouvernement, l’Enseignement supérieur et la recherche scientifique. Dans cette interview, l’auteur de « Alassane Ouattara, une vie singulière » intervient en qualité d’acteur de la vie politique ivoirienne.

M. Cissé Bacongo, vous êtes ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, député à l’Assemblée nationale, aujourd’hui, candidat déclaré à la municipalité à Koumassi. Après quoi courez-vous ? L’argent, le prestige, l’idéal de développement… ?

Cissé Ibrahim Bacongo : D’entrée de jeu, je ne cours pas du tout. Je suis militant d’un parti, en mission pour le compte de ce parti. D’abord, en tant que ministre parce que je suis à la tête de ce département pour appliquer la politique du Président de la République dans un secteur précis. Je fais de mon mieux pour être à la hauteur, pour traduire dans les faits les engagements que le Président de la République a pris en rapport avec ce département ministériel. Ensuite, aux législatives, j’ai été mis en mission comme beaucoup d’autres ministres de la République pour diriger la liste des candidats du Rdr à Koumassi. Pourquoi moi et non un autre ? Je suppose que c’est parce que j’ai été directeur de campagne du Président de la République lors des élections présidentielles à Abidjan-sud. Ayant donc été directeur de campagne, j’avais quelques atouts ou, en tout cas, quelques connaissances des différentes communes de cette zone. Il se trouve qu’à Port-Bouet, avec la présence de notre grande sœur Aka Anghui, qui a accepté d’aller en Rhdp nous n’avions pas beaucoup d’inquiétudes à nous faire. A Treichville, nous n’avions pas non plus de souci à nous faire dans la mesure où le travail que nous y avons abattu lors des présidentielles nous laissait des raisons d’espérer que nous pourrions avoir le siège. A Marcory, là aussi, le Rdr, le Pdci, l’Udpci et le Mfa ont accepté d’aller en Rhdp. Il restait donc Koumassi où nous avions trois postes de députés à conquérir. Nous avions voulu aller en Rhdp, malheureusement, les choses ne se sont pas passées comme prévu. Et, le Pdci a présenté le maire sortant, N’Dohi Raymond. Face à ce dernier, le Rdr a pensé, sur la base de la connaissance du terrain, que je pouvais conduire la liste dans cette commune. Ayant pris ces trois sièges à Koumassi, le Président m’a appelé dans le gouvernement. De fait, aujourd’hui, je ne suis député que de nom, puisque c’est mon suppléant qui siège à l’Assemblée nationale, qui touche les indemnités de député, qui bénéficie de tous les avantages de la fonction de député. Est-ce que le fait d’être ministre constitue un handicap pour briguer le poste de maire ? Je crois le contraire. Je crois que c’est un avantage, un atout pour la commune que d’avoir à sa tête un ministre en fonction. Dans la mesure où ce qu’un maire peut régler en temps que ministre, un autre maire tout court ne pourrait pas le régler dans les mêmes délais ou dans les mêmes conditions. Je pense, donc, qu’en étant ministre, si nous réussissons à nous faire élire à la tête de la commune, cela va apporter un plus pour tous les projets qui vont être engagés, pour toutes les actions qui vont être menées. Donc, Cissé Ibrahim Bacongo ne court derrière rien du tout, il est seulement en mission. D’abord en tant que ministre, puis dans le cadre des législatives, c’était pour récupérer trois postes de député avant de revenir au gouvernement. Aujourd’hui, il est en mission pour prendre le poste de maire.

Ici, il est question du cumul de postes. Et, les défenseurs de la thèse du non-cumul estiment qu’il y a suffisamment de compétences dans un grand parti, de sorte qu’il devient inconvenant qu’une personne, à elle seule, soit ministre, député, maire ou président de Conseil régional…

C. I. B : J’ai du mal à suivre et à comprendre ceux qui parlent de cumul de postes. D’abord, le poste de ministre est un poste de nomination. Ensuite, ceux de député et de maire sont des postes électifs. Alors, je veux bien qu’on dise qu’il ne doit pas avoir de cumul. Mais encore, faut-il qu’on ait les personnes qui peuvent nous apporter les postes. Dans la situation actuelle, peut-être que je me surestime ou que je sous-estime d’autres dans le parti. En tout cas, celui que nous avons en face de nous, le maire sortant, a été élu en mars 2001, face à un candidat qui était maire sortant et qui était investi par son parti politique d’alors. Qui avait tous les moyens intellectuels, financiers, et même politiques, parce qu’il était investi par son parti. Malheureusement, il n’a pu se faire réélire et c’est l’actuel maire qui l’a battu en tant qu’indépendant. Est-ce qu’il fallait dans ces conditions laisser n’importe quel cadre se présenter sous prétexte que celui qui peut battre ou inquiéter le maire sortant est déjà ministre ou député ? Je n’en sais rien. Je pense que la direction du parti a procédé à une analyse sereine de la situation pour arriver à la conclusion qu’il fallait privilégier l’objectif de conquête de la mairie, par rapport à toute autre considération. Ce qui devait compter, c’est se donner les moyens, s’assurer de conquérir la marie. C’était cela l’objectif. En tout cas, c’est de cette manière que je comprends la décision qui a été prise de nous positionner comme tête de liste.

Quelle vision du développement communal avez-vous, alors ?

C. I. B : La vision que j’ai pour Koumassi, c’est la vision que le Président de la République a pour la Côte d’Ivoire toute entière. A Koumassi, il s’agira de décliner cette vision du Président au plan communal. Faire en sorte que les jeunes à Koumassi aient du travail. Et, ils sont nombreux qui ont des diplômes et qui, malheureusement, ne travaillent pas. Faire en sorte que les femmes qui sont durement frappées par la pauvreté puissent bénéficier de fonds pour financer leurs activités, pour celles qui n’en ont pas et les développer pour celles qui en ont. Faire en sorte que les infrastructures de base soient à la dimension d’une commune comme Koumassi, faire en sorte que le cadre de vie soit sain. Je vous invite à faire un tour dans certains quartiers de Koumassi tels que le quartier Divo, le 05, la cité Houphouët-Boigny. Ce sont pratiquement des zones de non-vie où vivent des gens. Il faut faire en sorte que ces quartiers soient rendus salubres.

Vous avez fait une sortie où vous indiquiez que la mairie de Koumassi, vous la vouliez pour la mémoire de la députée décédée, Mah Diallo. Qu’est-ce que vous avez voulu dire ?

C. I. B : Mah Diallo s’est battue comme chacun de nous le sait avec détermination, avec toute sa force pour que nous puissions obtenir la mairie de Koumassi. Quand je dis nous, je pense au Rdr ou au Rhdp. Malheureusement, Dieu l’a rappelée à lui et elle n’a pas pu atteindre cet objectif. Avant de s’en aller pour ce voyage qui a été pour elle un voyage de non-retour, elle est passée me voir et m’a dit en présence de témoins qu’elle mettait tout ce qu’elle avait comme potentiel politique à Koumassi pour que nous puissions remporter la marie. Elle a fait la même démarche auprès d’autres personnes à qui elle est allée demander de se mettre à la disposition de son frère Cissé Bacongo, parce que selon elle, seul Cissé Bacongo pouvait nous permettre d’avoir la Mairie. Alors, pour moi, c’est une dette que nous avons envers elle. Et, il faut que nous la payions en remportant la mairie de Koumassi afin d’honorer sa mémoire.

A Koumassi, vous avez souvent eu maille à partir avec le maire Ndohi, par partisans interposés. Vos adversaires vous prêtent un tempérament belliqueux. A quoi cela est dû ?

C. I. B : Un tempérament belliqueux, moi ? Je ne sais pas. Cela peut être juste des arguments de campagne. Si tant est que, accusé comme ça, à tort, un adversaire peut être considéré comme un argument de campagne. Je suis, c’est vrai, d’un naturel déterminé. Tout ce que je fais, je le fais avec détermination, avec conviction, avec passion. Parce que je n’aime pas l’échec. Pour le reste, ce sont des jugements.

Mais, comment expliquez-vous que régulièrement, sur le terrain, à Koumassi, il y ait des accrochages ?

C. I. B : Je suis arrivé à la conclusion que le maire sortant considère Koumassi comme sa propriété privée, où il n’autorise personne à s’aventurer. Or, Koumassi est quand même une partie du territoire ivoirien, c’est une commune comme les autres. Il a été élu maire en 2001, je suppose démocratiquement. Donc, qu’il défende son bilan plutôt que de verser dans l’intox, dans la propagande. Pour votre information, le samedi dernier, j’animais un meeting avec les artisans de Koumassi qui sont dans le secteur de la mairie. Lorsque le directeur de cabinet du maire sortant, un certain Guy-Charles Wayoro s’est mis, tout seul, à nous invectiver, à perturber notre meeting, aussi simple que cela, au vu et au su de tout le monde. Il n’a pas arrêté un seul instant, de l’intérieur de la mairie, de nous invectiver. C’est alors que les policiers du 6e arrondissement et nos éléments de sécurité sont allés le chercher pour l’amener au 6e arrondissement. Bien sûr, le monsieur a prétendu par la suite qu’il avait été molesté, qu’il avait été pris à partie, suite à quoi, une réunion de crise aurait été organisée au domicile du maire sortant, qui aurait pris des décisions allant dans le sens d’une vengeance, ce qui s’est traduit sur le terrain par des difficultés faites aux agents de la mairie qui sont proches de nous. Certains ont été empêchés d’accéder à leurs bureaux, d’autres ont vu les équipements de leurs bureaux emportés. Je ne sais pas ce à quoi tout cela rime. C’est la même chose qui s’est produite pendant la campagne pour les législatives. Le maire sortant à passé le temps à parader avec les forces de l’ordre en tenue, en armes. J’ai même interpellé la hiérarchie militaire par rapport à cette situation, ca n’a pas changé. C’est ainsi que j’ai moi-même arrêté une fois, pas son cortège, mais un véhicule militaire qui était dans son cortège. J’ai demandé aux occupants si c’était cela le travail qu’on leur demandait, c’est-à-dire se mettre à la disposition d’un privé, parce que le maire, c’est un privé. Et puis après, tout ce que vous savez a été raconté à savoir que le ministre de l’Enseignement supérieur, le candidat Cissé Bacongo a sorti une arme, un revolver. Je ne sais pas d’où ils sont venus avec ça. Moi, je n’ai jamais eu d’armes, je n’ai jamais eu de permis de port d’arme, je ne sais pas comment utiliser une arme. Et des gens bien pensants sont convaincus aujourd’hui que Cissé Bacongo a sorti une arme et vous ne pouvez pas les convaincre du contraire. Certains vont plus loin pour dire que l’arme que Cissé Bacongo a sortie est un pistolet en argent. Tout cela, c’est de l’affabulation. Je suis militant d’un parti. Du poste que j’occupe dans mon parti pour mener la lutte, je ne transige pas, c’est la seule que l’on puisse me rapprocher. J’avance toujours quelle que soit l’adversité, en privilégiant l’objectif qui m’a été assigné.

Le fait de ne pas pouvoir vous mettre ensemble, en Rhdp, à Koumassi, n’est-il pas symptomatique que l’alliance entre houphouétistes n’est pas au mieux de sa situation ?

C. I. B : C’est l’exception qui confirme la règle. A Port-Bouet, Aka Anghui n’a aucun problème. Ailleurs, les gens sont disposés à aller en Rhdp. Il y a tout simplement certaines communes, certaines circonscriptions où les choses ne se passent pas comme on l’aurait souhaité. Mais, ça c’est le fait de personnalités qui ont une autre lecture de l’alliance du Rhdp. Le maire sortant a considéré l’alliance comme une utopie, comme une alliance de dupes. C’était suite à une intervention du premier ministre Ahoussou Jeannot qui disait que le Pdci maigrissait et que l’alliance du Rhdp était une chance qu’il fallait saisir. Le maire de Koumassi qui, pourtant, n’avait pas été indexé dans cette déclaration s’est cru obligé de lui répondre et dans « Fraternité Matin », en disant que l’alliance du Rhdp était un marché de dupes. Donc, il y a des personnalités du Pdci qui ont leur lecture de cette alliance, mais je considère pour ma part qu’il constitue l’exception qui confirme la règle.

Le Rdr, votre parti, avait en 2001 remporté le plus grand nombre de municipalités. Aujourd’hui, en 2013, avec les statistiques de l’électorat et le changement démographique, est-ce que vous pensez votre parti capable de rééditer sa performance d’il y a douze ans ?

C. I. B : Nous nous organisons pour rééditer l’exploit.

Etes-vous favorable à ce que des mesures exceptionnelles soient prises pour que l’opposition participe aux régionales et municipales ? Par mesures exceptionnelles, nous entendons la satisfaction de certaines de ses revendications telles que la libération de prisonniers, le financement public des partis, la recomposition de la Cei…et bien sûr le report du scrutin.

C. I. B : Je crois que cette question est gérée directement par le premier ministre Daniel Kablan Duncan qui a reçu un collectif de partis d’opposition, les partis membres de La majorité présidentielle, Lmp. Le Premier ministre va certainement prendre des décisions. En tout état de cause, le maintien ou le report de la date des élections relève de la compétence de la Cei, il lui appartiendra d’apprécier au regard des conclusions des rencontres que le Premier ministre a actuellement avec les partis de l’opposition s’il y a lieu de reporter ou de maintenir la date.

Sur le processus, plus global, de réconciliation et de paix, on sent comme les choses qui traînent. Gouvernement et opposition peinent à s’accorder. Que faut-il, d’après vous, pour accélérer le rythme ?

C. I. B : A mon avis, il faut qu’on essaie de surmonter les états d’âmes. Notre pays a connu depuis 2000 beaucoup de difficultés. Mais, on ne peut pas dire que c’est extraordinaire, puisque, les crises rythment les vies des nations. Les grands pays que nous connaissons sont passés par là, les Etats-Unis ont connu leur guerre, l’Allemagne, la France, le Japon. Toutes ces grandes nations sont passées par là. Le tout n’est pas de connaître des difficultés. Mais, il faut savoir tirer des leçons de ces moments pour pouvoir avancer. Donc, il faut que tous autant que nous sommes, nous réussissions à aller de l’avant. Il faut qu’on arrête de regarder dans le rétroviseur, chercher à savoir qui a fait quoi. C’est vrai qu’une Commission dialogue vérité réconciliation existe pour permettre aux autres de dire leur part de vérité, d’extérioriser leurs rancœurs, de se vider. Mais, au-delà, il faut qu’on avance parce que le pays ne peut pas arrêter de vivre parce que nous avons connu des crises. Donc, c’est tous ensemble que nous ferons des pas en avant. Le gouvernement donne des signes de bonne volonté, j’en veux pour preuve les dernières libérations de cadres Lmp. Donc, il appartient à l’opposition de saisir ces actes comme étant des signes de bonne volonté du pouvoir en place d’arriver à une normalisation de la situation socio-politique.

Le président par intérim du Fpi, dans une dernière sortie, insiste pour que le Président Alassane Ouattara écrive à la Cpi et lui demande de lui ramener l’ancien président Laurent Gbagbo. Il estime que ce sera la porte ouverte à la réconciliation. Vous êtes favorable à une telle démarche ?

C. I. B : Je ne suis pas certain que le président du Fpi ait pu dire cela avec tout le sérieux requis. Je ne crois pas que le président du Fpi ait pu demander cela au Président en étant sûr que ce soit une démarche raisonnable, susceptible d’aboutir. Il n’appartient pas au Président de la République de faire libérer un prisonnier qui se trouve entre les mains de la Cpi. C’est une procédure qui a conduit l’ancien chef d’Etat à la Cpi. Il a des avocats qui le défendent. Il appartient à ces avocats de faire ce qu’ils ont à faire pour le faire libérer. Le Président de la République ne peut pas, sur une seule demande, obtenir la libération d’un prisonnier sur qui pèse une présomption.

Vous avez lancé un appel aux exilés il n’y a pas très longtemps, leur demandant de rentrer. Etait-ce une façon d’amplifier le message du gouvernement ou cela s’inscrivait dans le cadre de la pré-campagne ?

C. I. B : Cet appel n’avait absolument rien de politicien, je considère que beaucoup de nos compatriotes se trouvent à l’étranger sans aucune raison, en tout cas sans raison valable et solide. D’abord, parce que ce sont des anonymes qui étaient plus des exécutants. Ensuite, je ne vois pas pourquoi ceux qui ont donné des ordres pour poser des actes rentreraient au pays et que de simples anonymes qui ne faisaient qu’exécuter des ordres resteraient à l’étranger. C’est vrai, il y a certains qui ont dû créer des conditions difficiles avec leur voisinage, mais je ne suis pas certain qu’aujourd’hui, leurs voisins soient en train de les attendre pour se venger d’eux, car la nature s’est déjà occupée d’eux en les mettant hors du pays, pendant tout ce temps, avec toutes les difficultés qu’on peut imaginer. Pour ceux qui se reprochent des choses ou contre qui pèsent des charges, beaucoup sont là actuellement qui sont peut-être en prison mais qui vont être jugés ou libérés dans le cadre des dispositions qui vont être prises pour la réconciliation. En tout cas, c’est comme ça que je considère les choses. On ne va pas maintenir en prison indéfiniment, sans jugement des gens parce que tout simplement ils auraient été aperçus à Yopougon ou à d’autres endroits où auraient été commis des actes qui ont contribué à la tragédie que nous avons connue. Je crois qu’il faut qu’ils rentrent Je suis très sérieux quand je dis que beaucoup doivent rentrer. On ne sait pas pourquoi ils sont à l’étranger.

Réalisé par Kisselminan COULIBALY

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