1 000 milliards d’euros offerts aux banques : il est temps de rembourser !

Euro

Le Point.fr –

Par Marc Vignaud

Les institutions financières de la zone euro vont commencer à rembourser une partie de l’argent emprunté pour trois ans à la BCE.

Décryptage.

La Banque centrale européenne a échoué à faire redémarrer la distribution de crédits en zone euro.

1 000 milliards d’euros. Le montant colossal prêté par la Banque centrale européenne aux établissements financiers de la zone euro avait choqué le grand public. C’était fin 2011, début 2012. Tout juste arrivé à la tête de l’institution d’émission, l’Italien Mario Draghi frappait un grand coup en proposant aux banques de leur prêter autant d’argent que nécessaire à un taux dérisoire de moins de 1 % ! Surtout, pour les rassurer définitivement sur leur santé financière respective, il les autorisait à ne pas rembourser avant trois ans !

Le succès de cette « LTRO » (Long Term Refinancing Operation) fut immédiat. En décembre 2011, 523 banques se ruaient sur le guichet de l’Eurotower pour retirer 489 milliards. Et en février, lors de la seconde LTRO, ce sont plus de 800 établissements financiers qui ont encaissé 529 milliards.

Un peu plus d’un an après, la BCE a décidé d’autoriser par anticipation le remboursement de la première LTRO. De nombreux établissements avaient exprimé leur volonté de pouvoir le faire pour illustrer leur bonne santé financière retrouvée. 278 d’entre elles vont donc rendre 137,16 milliards d’euros dès ce mercredi, a annoncé la BCE (soit 28 % des montants empruntés), sans pour autant révéler les établissements concernés. Ceux-ci pourront ensuite rendre le reste de l’argent reçu de la première LTRO chaque semaine. Quant à la seconde, elle sera remboursable à partir du 27 février.

Pas de relance du crédit

Il faut dire que l’argent à long terme de la BCE n’a plus qu’un intérêt limité pour les banques jugées les plus solides. Dans un contexte économique toujours très déprimé, elles n’arrivent pas forcément à s’en servir pour accorder des prêts aux entreprises et aux ménages. Une partie des sommes dormait donc sur les comptes de l’institution de Francfort, sous la forme de dépôts au jour le jour non rémunérés depuis juillet 2012. Bilan, les LTRO commençaient à leur coûter de l’argent alors qu’elles peuvent toujours emprunter la liquidité dont elles pourraient avoir besoin en urgence grâce aux autres opérations de refinancement illimité de la BCE à plus court terme (à une semaine, à un mois, à trois mois). Par ailleurs, l’assouplissement du ratio de liquidité dit de Bâle III (les nouvelles règles prudentielles adoptées pour tirer les leçons de la crise financière) redonne un bol d’air aux institutions financières.

Du point de vue de Francfort, le bilan est d’ailleurs très mitigé. Début 2012, l’argent facile des LTRO avait contribué à calmer les taux d’emprunt sur les dettes souveraines en encourageant l’achat des titres des pays les plus risqués (et donc rémunérateurs) par les banques. Mais l’effet s’est rapidement dissipé. En encourageant le rachat de la dette souveraine des États par leurs banques, le mini-bazooka de la Banque centrale a en fait encore renforcé le lien délétère entre risque de défaut souverain et les bilans des banques. Avec le risque que l’un emporte l’autre dans sa chute. Seules la promesse de Mario Draghi de « tout faire » (« whatever it takes ») pour sauver l’euro (en juillet 2012) et l’annonce de la mise en place d’un programme d’achat potentiellement illimité de dette souveraine à court et moyen terme ont réussi à faire baisser définitivement la fièvre.

Les banques du Sud toujours en difficulté

Les deux opérations n’ont pas non plus suffi à relancer la distribution de crédit dans la zone euro, comme escompté. Certains y voient le résultat d’un manque de demande de la part des agents économiques, d’autres le signe que les banques les plus fragiles, notamment en Europe du Sud, sont loin d’être tirées d’affaire.

Pour Jennifer McKeown de Capital Economics, citée par l’Agence France-Presse, ce remboursement anticipé risque ainsi de stigmatiser les établissements du Sud, dont les pays restent englués dans la crise. L’agence de notation financière Fitch s’attend ainsi à ce que les banques du Sud, qui auraient reçu environ les deux tiers des fonds, ne remboursent que des montants limités, voire « symboliques », contrairement à celles du Nord. Les premières devraient utiliser leur argent pour gagner du temps afin de réduire leurs expositions aux prêts risqués qu’elles ont accordés et pour se renflouer en jouant sur des opérations de « carry trade » ou en achetant de la dette souveraine risquée, mais à fort rendement.

Le patron d’Unione di Banche Italiane, qui a emprunté 12 milliards d’euros, a ainsi déclaré récemment qu’il ne les rendrait pas à court terme, selon notre partenaire Agefi. « Étant donné les coûts de financement, il est plus profitable pour les banques italiennes de faire de l’arbitrage en utilisant les facilités de la BCE. »

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