Sénégal: Le tribunal spécial pour juger Habré est en place

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DAKAR (© 2013 AFP) – Le tribunal spécial créé pour juger Hissène Habré a commencé ses activités vendredi à Dakar, une étape décisive après bien des péripéties vers un procès de l’ex-président tchadien, accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, réfugié au Sénégal depuis sa chute en 1990.

© AFP Seyllou. Le magistrat sénégalais Cire Aly Ba (d) présente le 8 février 2013 le tribunal spécial dont il dirige les débats

Il s’agit du premier tribunal africain jamais mis en place pour juger un Africain.

« La cérémonie qui nous réunit a pour principale ambition d’annoncer à la face du monde le démarrage effectif des activités » des Chambres africaines extraordinaires, le tribunal spécial chargé de juger M. Habré, a déclaré le magistrat Ciré Aly Ba, qui dirige cette juridiction.

Il a « remercié les militants des droits de l’Homme pour leur mobilisation longue de deux décennies, qui a permis de mettre un terme à d’inacceptables atermoiements et à un authentique déni de justice » qui ont jusqu’alors empêché l’ouverture d’un procès de M. Habré.

M. Ba s’est exprimé en présence d’officiels sénégalais, de représentants de l’Union africaine (UA), de l’Union europèenne (UE), de diplomates, de défenseurs des droits de l’Homme et de victimes de Hissène Habré, au Palais de justice de Dakar, mais en l’absence des avocats de M. Habré.

Selon le procureur général Mbacké Fall, le lancement des activités du tribunal spécial est le « dernier acte (du) gouvernement » sénégalais avant l’ouverture d’un procès de l’ex-dirigeant tchadien, dont la date n’a pas encore été fixée, mais qui ne commencera qu’après une instruction prévue pour durer quinze mois.

« Le procès ne sera pas inéquitable. Les droits de la défense seront respectés », a d’ores et déjà assuré Ciré Aly Ba au cours d’une conférence de presse organisée après la cérémonie de lancement.

« Les choses réélles sont en train de commencer », a de son côté déclaré le Tchadien Souleymane Guengueng, fondateur de l’association des victimes de Hissène Habré, se félicitant de cette nouvelle étape en vue d’un jugement de l’ex-chef d’Etat tchadien.

Une « grosse farce »

« C’est la plus grosse farce de l’histoire judiciaire sénégalaise. C’est un non-évènement » contre M. Habré », s’est indigné sur une radio locale Me El Hadji Diouf, un des avocats d’Habré.

Il a évoqué le principe de « l’autorité de la chose jugée » qui fait que, selon lui, après des jugements rendus par des juridictions sénégalaises et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao), qui s’étaient déclarées incompétentes, un procès de M. Habré au Sénégal est « impossible ».

Le tribunal spécial, doté d’un budget de 7,4 millions d’euros, est chargé de juger M. Habré pour des faits présumés commis entre le 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990.

Il a été créé en décembre 2012 à la suite d’un accord entre le Sénégal et l’UA et est formé de quatre chambres spéciales: deux pour l’instruction et l’accusation, une Cour d’assises et une Cour d’appel, formées de juges africains, dont des Sénégalais, devant être nommés par l’UA.

Hissène Habré vit en exil à Dakar depuis sa chute après huit ans au pouvoir au Tchad (1982-1990). Il est accusé de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture. Des ONG parlent de 40.000 personnes tuées sous son régime.

Le Sénégal avait été mandaté en juillet 2006 par l’UA pour juger M. Habré, mais l’ex-président sénégalais Abdoulaye Wade n’a jamais organisé de procès en douze de pouvoir (2000-2012).

Son successeur, Macky Sall, qui a pris ses fonctions en avril 2012, a exclu d’extrader Hissène Habré en Belgique, qui le réclame, et s’était très vite engagé à organiser un procès au Sénégal, promesse en bonne voie d’être tenue.

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