Reportage – Des mairies transformées en base militaire

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La situation postélectorale, au plan sécuritaire, dans les communes d’Abidjan, a pris un autre visage. Les mairies d’Adjamé et de Koumassi sont devenues de véritables bases militaires.

La violence postélectorale liée aux résultats des municipales dans certaines communes d’Abidjan ont érigé des mairies en de véritables camp militaires.

Mairie de Yopougon: Le personnel satisfait de la présence des Forces de l’ordre

Il est 7 heures 48 mn quand, ce mercredi 24 avril 2013, notre équipe de reportage marque un stop au niveau de la rue princesse, juste vers la voie principale qui mène à la mairie de Yopougon. Le constat est clair. Nous sommes bloqués par une barrière de fortune, avec pancarte, pneus. Nous nous rendons à l’évidence que, les 48 heures qui ont suivi la proclamation des résultats de la commune de Yopougon, quelque chose ne va pas. Evidemment, mardi 23 avril, dans l’après-midi, nous avons reçu l’information faisant état de ce que les Forces de l’ordre avaient pris position aux alentours de la mairie. A l’approche des lieux, ce qui a été dit semble se confirmer. Nous tombons sur un deuxième barrage. Renseignements pris auprès du Sergent Gadji de la Bae, chef des lieux, la réponse coule de source. « Nous sommes-là pour assurer la sécurité », a-t-il indiqué. Et le personnel administratif de la mairie ? A cette interrogation, le corps habillé nous laisse le temps d’apprécier. A l’intérieur, il y a certes quelques éléments des forces de l’ordre, mais chaque travailleur est à son poste. Le responsable de l’Etat civil a tenu à nous rassurer, même s’il n’a pas voulu que nous filmions les agents à leur poste. « Il n’y a jamais eu l’intention d’arrêter le travail. Pour preuve, tout le monde est à son poste, ce matin », a soutenu notre interlocuteur, ajoutant par ailleurs que, « les forces de l’ordre veillent au grain ». Pourquoi dans une commune où il n’y a pas eu de soulèvement des forces de l’ordre peuvent-elles prendre possession de la mairie ? Cette interrogation trouvera sa réponse auprès du Commandant du corps urbain, l’officier de police, Seydou Touré, du 16è Arrondissement du District de police de Yopougon. « La situation postélectorale laisse des mécontents. Pour éviter les problèmes d’Adjamé, Koumassi…, nous avons pris nos dispositions suite à nos services de renseignements qui ont fait cas de ce que des éléments proches de Dr. Doukouré Moustapha étaient prêts à investir la mairie. Ce lieu étant notre zone de compétence, le 16è y veillera 24h/24 », a révélé l’officier de police. L’un des proches du candidat Doukouré Moustapha a battu en brèche l’information. « Ce sont des allégations mensongères non fondées. Je ne veux pas en dire plus, mais des dispositions légales sont en train d’être prises par le maire Doukouré et son staff pour que la vérité éclate sur la fraude qui a émaillé les élections dans la commune de Yopougon », a coupé court, l’un de ses proches qui a requis l’anonymat. En tout état de cause, la situation est calme partout dans la commune de Yopugon.

Treichville: Les Forces de l’ordre veillent au grain

Passés les moments mouvementés, l’heure est à l’accalmie. La mairie est sous haute surveillance par les Forces de l’ordre et de sécurité. En témoigne la présence des agents qui étaient à leur poste vers midi à la mairie de Treichville. Le chef de poste de la police municipale, Sergent-chef-Major Karaboué Vamara témoigne : « Après les élections du dimanche 21 avril, nous sommes toujours dans l’impasse. Il n’y a pas de résultat. Il y a eu vent de ce que des individus venaient à la mairie pour faire du vandalisme, mais très vite les choses sont rentrées dans l’ordre, grâce au Forces de l’ordre et de sécurité ». Le chef de poste de la police municipale a confirmé qu’il n’y a jamais eu d’affrontement au sein de la mairie. Par contre, la situation a dégénéré dans certains sous-quartiers de Treichville telle que relayée par la presse. En effet, les Forces de l’ordre et de sécurité veillent au grain et se retournent même les pouces, car Treichville renoue peu à peu avec l’accalmie.

Mairie d’Adjamé: La première base des Forces de l’ordre

Vers 11 heures, notre équipe de reportage en provenance de la commune de Yopougon fait escale à la mairie d’Adjamé. Aux abords de la voie principale, juste au feu, légèrement posté sur le trottoir, on aperçoit un véhicule d’intervention de la gendarmerie estampillé du sceau Escadron (1/1). Juste à côté, un autre véhicule d’intervention de police de type 4X4 estampillé du sceau Ciboué. Au portail de la mairie, vous êtes accueillis par des hommes fortement armés. La déclinaison de notre identité ne convainc pas les Forces de l’ordre à s’ouvrir à nos préoccupations. Par des noms de code, celui qui nous reçoit fait appel à sa hiérarchie, qui, à son tour, nous ramène au Commissaire du 3è Arrondissent. Notre instance pour faire un tour à l’intérieur de la mairie s’est soldée par un refus catégorique de la part du chef des lieux. Cependant, nous avons constaté sur place, un fort détachement des Forces de l’ordre composé d’une centaine d’éléments de gendarmerie et police. L’officier de la police qui nous a reçus dans son bureau au 3è Arrondissement, refuse de se prêter à son tour à nos questions. Et pourtant, pendant plus de 72h, avant l’annonce officielle des résultats, la commune d’Adjamé était en « feu et à sang », selon des confrères. Les commerces ont baissé pavillon, la circulation paralysée sur le boulevard Nangui Abrogoua. Pis, des rumeurs de plus en plus persistantes auraient fait état de deux morts par balle, dans la soirée du mardi 23 avril 2013 aux environs de 19h. Le candidat indépendant, Soumahoro Farikou dont les partisans ont pris les rues confirme « la barbarie policière », avec des blessés graves et plusieurs interpellations. « Je confirme qu’il y a eu quatorze arrestations (Koné Ibrahim, Bah Mamadou, Sogbê Mouhamed, Koné Ibrahim, Sanga Sayouba, Koné Ismaël, Viera Moussa. Parmi ces personnes arrêtées il y a deux blessés qui sont à la préfecture à qui on refuse de donner des soins. Hier soir, mon domicile a été pris à partie avec des bombes lacrymogènes. A un moment, vers 19 heures, la police a tenté de me faire arrêter. Ils ont assiégé mon domicile qui servait de mon QG de campagne (derrière la pharmacie-Santé) », a indiqué Soumahoro Farikou. Le calme est certes revenu, le Forum du Grand marché d’Adjamé qui a baissé pavillon a rouvert, hier. Mais, la peur au ventre comme l’indique le jeune vendeur-grossiste, Nimaga Mouhamed, perché au 2è étage. « Par peur, nous avons fermé pour éviter le pillage de nos marchandises, hier (Ndlr : mardi 23) et avant-hier lundi 21 avril) vers midi », a soutenu le jeune commerçant qui reste sur ses gardes. C’est pour rassurer les populations que nous avons été butés sur une véritable grande « muette ».

Mairie de Koumassi: Une autre base des Forces de l’ordre

Il est 14 heures passé de 10 mn quand nous foulons la mairie de Koumassi. Comme à Adjamé, nous sommes reçus sur la voie principale par des éléments du 1er Bataillon du commando parachutiste (Bcp), environs une vingtaine. Le chef des lieux nous fait conduire vers sa hiérarchie que nous ne verrons pas. Toutefois, deux cargos estampillés 1er Bcp barrent la rentrée ou la sortie (c’est selon) de la mairie. Les sacs militaires, gourdes, rangers, etc. déposés épars achèvent de convaincre que les militaires ont pris possession des lieux. De l’autre côté de la mairie, nous sommes permis d’y rentrer. Ici, ce sont les policiers et gendarmes qui ont pris position. Casques, boucliers, treillis, policiers etc. sont stockés dans les coins et recoins de la grande cour de la mairie. Les quelques éléments des Forces de l’ordre, une dizaine rencontrés sur les lieux, échangent de tout et de rien, sous une bâche, dressée dans la cour pour la circonstance. Ces éléments venus de la CrsII ont fait appel à leur chef par son nom de code. Celui-ci refuse à son tour de se prêter à nos questions. Le constat, c’est que le personnel de la mairie a laissé place aux détachements de la police, gendarmerie et militaire. Ils y règnent en maître. C’est à partir de là qu’ils prennent leurs ordres pour investir le terrain. Au moment où nous quittions les lieux, il y avait un semblant d’accalmie, mais les Forces de l’ordre étaient visibles de part et d’autres des rues.

Sériba Koné (Source Dernière Heure Infos)

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