Côte d’Ivoire CPI «Article 61» l’article de tous les dangers !

LG 03590574

Ce qui se déroule actuellement à la cour pénale internationale concernant l’issue de l’audience de confirmation des charges retenues contre l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo mérite d’être analysé minute par minute avant la décision finale des juges qui pourrait intervenir à tout moment. En tout cas bien avant le 2 juin prochain.
De quoi s’agit-il ?

En réalité l’audience à laquelle nous avons assisté du 19 au 28 février dernier n’était rien d’autre que le procès de la procédure engagée par le procureur contre Laurent Gbagbo. Donc, le procès du Procureur.

En clair, ce n’était pas l’ex président ivoirien qui était à la barre mais bien au contraire, le procureur, qui devrait une fois encore convaincre les juges de la Chambre préliminaire I de la véracité des allégations formulées à l’encontre de Laurent Gbagbo. Et les juges qui prennent connaissance de façon officielle et pour la première fois du document contenant les charges doivent simplement vérifier le sérieux du travail du procureur. A en croire que pendant cette phase dite préliminaire de l’affaire, la défense avait le choix de se priver d’intervenir, laissant le procureur seul se justifier face à la juridiction internationale. La non contestation donc de certaines preuves ou charges par l’équipe de la défense n’entacherait en rien à la suite de l’audience. Car justement cette audience avait pour seul objet d’entendre le Procureur étayer chacune des charges avec des éléments de preuve suffisants pour établir l’existence de motifs substantiels de croire que l’ex président ivoirien a commis le crime qui lui est imputé. Il faut aussi noter que l’audience de confirmation des charges selon la CPI se déroule en deux phases : la phase orale qui a eu lieu du 19 au 28 février 2013 et la phase écrite qui a pris fin le 4 avril dernier avec le dépôt des observations écrites de la Défense.

Mais alors que dans l’esprit du commun des motels, l’audience de confirmation devrait avoir pris fin, pour la CPI, tant qu’une décision définitive n’est pas prise par les juges de la Chambre préliminaire, l’audience suit son cours.

Pour comprendre cela, nous nous sommes référés à l’article 61 du Statut de Rome surtout en son paragraphe 7.
« Art. 61 : Confirmation des charges avant le procès/
7. À l’issue de l’audience, la Chambre préliminaire détermine s’il existe des preuves suffisantes donnant des motifs substantiels de croire que la personne a commis chacun des crimes qui lui sont imputés. Selon ce qu’elle a déterminé, la Chambre préliminaire :
a) Confirme les charges pour lesquelles elle a conclu qu’il y avait des preuves suffisantes et renvoie la personne devant une chambre de première instance pour y être jugée sur la base des charges confirmées ;
b) Ne confirme pas les charges pour lesquelles elle a conclu qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes ;
c) Ajourne l’audience et demande au Procureur d’envisager :
i) D’apporter des éléments de preuve supplémentaires ou de procéder à de nouvelles enquêtes relativement à une charge particulière ; ou
ii) De modifier une charge si les éléments de preuve produits semblent établir qu’un crime différent, relevant de la compétence de la Cour, a été commis. »

Arrêtons-nous à l’alinéa c : « À l’issue de l’audience (…), la Chambre préliminaire,(…) Ajourne l’audience et demande au Procureur d’envisager…

Enoncé ainsi, l’on ne comprendrait pas comment l’issue donc la fin d’une audience ne peut constituer pour la CPI, la fin de celle-ci ? Car pourquoi doit-on ajourner, donc reporter une audience qui est censée prendre fin ( à l’issue) ? Voilà la preuve que la CPI qui a été conçues des entrailles de l’ONU, ce machin, par des pirouettes linguistiques endort le monde des profanes. On comprend clairement maintenant pourquoi, la défense de Gbagbo a fait référence à cet article 61 (7) pour rappeler aux juges de la Chambre préliminaire que le fait que le procureur utilise au cours de l’audience un mode de responsabilité qui n’était pas inscrit dans son document contenant les charges est une violation des droits de la Défense et demande au cas où la chambre voudrait prendre en compte ce nouveau élément (mode de responsabilité au titre de l’article 28) que la chambre se réfère à cet présent article 61 (7) (c), pour suspendre l’audience, vue qu’elle n’est pas terminée dans l’esprit de la CPI, afin de permettre à la Défense de se préparer pour y apporter la réplique nécessaire.

Reste à savoir si la Chambre tiendra réellement compte de ce nouvel élément ajouté par le procureur. Et si cela est fait sans que la chambre ne respecte le droit pour la défense de se défendre, alors la CPI montrera ici toute son impartialité.

Enfin, la malhonnêteté étant la vertu la mieux partagée au monde, il suffit que la Chambre préliminaire laisse de côté cette question embarrassante pour n’utiliser que d’autres arguments tirés des élucubrations du procureur, pour qu’au moins une charge soit confirmée. Ce qui nous envoie tout droit à un procès. Finalement on dira, le procureur a mal travaillé, mais avec un 5,5/10, il obtint la moyenne, donc passe en classe supérieur.

Philippe Kouhon, Journaliste, Analyste
pkouhon@gmail.com

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