De retour d’exil Drigoné Bi Faya explose « L’attitude du FPI l’a éloigné du pouvoir »

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Par Assane Niada , source L’inter [linfodrome.com]

De retour d’exil depuis le 6 mai 2013, Drigoné Bi Faya, ex-leader syndical estudiantin, compagnon de lutte de Charles Blé Goudé à l’époque, est remonté contre l’ancien parti au pouvoir, le Front populaire ivoirien (FPI). Dans cet entretien, il exhorte les partisans de l’ancien président, Laurent Gbagbo à mettre balle à terre. Entretien

«Ce que je prépare pour 2015»

On peut savoir pourquoi vous êtes rentré au pays après tant d’années passées en exil ?

Je suis rentré d’exil pour apporter ma contribution au processus de réconciliation, et apporter mon soutien au président de la République, Alassane Ouattara, pour le travail qu’il est en train d’abattre.

Vous dites êtes rentré pour contribuer au processus, depuis lors, qu’avez-vous fait dans ce sens ?

J’ai des contacts avec des amis qui sont a l’extérieur. Je discute avec eux sur les réseaux sociaux comme par téléphone. Je les incite à rentrer parce que je sais ce que représente l’exil. On sait quand on part, on ne sait pas quand on revient. Fort de cette expérience, je les exhorte à rentrer. Mais lorsque j’aurai l’occasion de rencontrer les autorités, je leur dirai ma contribution pour ramener au pays les amis qui sont hors de la Côte d’Ivoire. C’est vraiment important pour moi parce que le pays est dans une situation où on a besoin de tout le monde, de tous les enfants pour avancer. Il ne sert à rien de rester dehors. On a un seul président aujourd’hui et il est en train de faire un travail formidable, qu’on l’aime ou pas. Il est mieux de venir l’aider pour profiter du travail qu’il fait à la tête de la Côte d’Ivoire. Ce pays nous appartient tous. Mais que ceux qui à l’extérieur comprennent une chose : Alassane Ouattara a gagné les élections. Plutôt que de chercher à le déstabiliser, il est mieux de s’organiser pour les échéances électorales futures. C’est ça la démocratie. Les Ivoiriens veulent la paix, et ils souhaitent vraiment que tout le monde se parle.

Que pensez-vous de la position du parti de l’ancien président, le FPI, qui considère que la libération de Gbagbo et de certains prisonniers, est un préalable à la réconciliation ?

Je vais commencer par le plus facile. Et le plus facile pour moi, c’est la libération des frères qui sont en prison au pays, parce que c’est dans la négociation qu’on peut obtenir beaucoup de choses. Il y a eu un premier geste de la part du président Ouattara, à travers le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, Ahmed Bakayoko. Mais, il faut que nos frères du FPI comprennent que la politique est une question de rapport de force. Il faut qu’ils comprennent qu’ils n’ont pas la force avec eux aujourd’hui. La force appartient au pouvoir tout comme elle leur appartenait il y a à peine trois ans. Ils doivent donc mettre bal à terre.

En son temps, le fait qu’ils aient refusé de rentrer dans le gouvernement les a éloignés de beaucoup de choses. S’ils avaient accepté, cela aurait facilité certaines choses. C’est dans le dialogue et la négociation que les frères qui sont en prison vont recouvrer la liberté. Mais voyez-vous, au moment où on engage les négociations, il y a des va-t-en guerre qui sortent des discours belliqueux qui ne favorisent pas la libération de leurs frères qui sont en prison en train de souffrir. Humainement et politiquement, quel intérêt le pouvoir a-t-il à garder des frères en prison pendant tout ce temps-là ? Je pense que dans un premier temps, c’est pour leur propre sécurité. Dans la période trouble qu’a connue la Côte d’Ivoire, imaginez qu’ils soient en liberté et qu’on s’en prenne à eux, le président serait accusé aujourd’hui. De mon point de vue, comme les négociations sont engagées entre le pouvoir et l’opposition, nous espérons qu’à la fin, une solution sera trouvée au problème des prisonniers.

Et le cas de ceux qui disent: pas de libération de Gbagbo, pas de réconciliation ?

Les va-t-en guerre ne savent pas faire la politique. Ce n’est pas ça la politique. Et ils savent très bien comment Gbagbo s’est retrouvé de l’autre côté. Ils savent très bien que personne ne peut se substituer à la justice internationale, et que ce dossier n’appartient plus à la Cote d’Ivoire. C’est lorsque Gbagbo était sur le territoire ivoirien qu’il fallait poser des gestes forts, qui fallait mettre le pouvoir en place dans l’embarras à l’amener à la Haye. C’est comme le cas de Simone Gbagbo. La CPI la réclame, mais le pouvoir estime qu’aujourd’hui, nous avons les moyens de la juger ici. Le FPI fait la politique avec les ressentiments. Alors qu’en politique, les ressentiments n’ont pas leur place. Il faut apprécier la réalité et le contexte actuel. Et le contexte actuel commande qu’il n’y ait pas des va-t-en guerre dans les différents camps. Il faut des hommes assez lucides épris de justice et de paix, qui prennent de la hauteur dans ce contexte pour engager des négociations saines avec le pouvoir en place qui, en retour, pourrait faire des gestes forts en leur direction. Mais tant qu’ils voudront montrer au pouvoir que ce sont eux qui ont la force, j’estime que les choses ne pourront pas évoluer.

Vous étiez dans le bureau de Blé Goudé quand il était à la Fesci. Aujourd’hui, il se retrouve en prison. Que pensez vous de son arrestation? Et que faites-vous pour le sortir de prison ?

Charles Blé Goudé est allé trop loin dans ses prises de position. Et son leader (Laurent Gbagbo, ndlr) disait en son temps,  »quand on t’envoie il faut savoir t’envoyer ». C’est un frère et je n’ai rien contre lui. Mais il a posé un certain nombre d’actes qu’il n’est pas utile de rappeler ici. Si la justice ivoirienne estime qu’elle a des charges contre lui, elle le dira.Au-delà des questions liées à la justice, la Côte d’Ivoire doit rentrer dans une phase de réconciliation, surtout si chacun reconnaît sa part dans ce qui est arrivé. En ce qui concerne le cas Blé Goudé, ses partisans doivent savoir que le fait qu’il soit en prison n’est pas une mauvaise chose. Nous avons tous fait la prison. La prison est un facteur d’éducation.

Est-ce que sa libération ne sera pas signal fort pour encourager à la réconciliation ?

Un signal fort! c’est possible. En revanche, il ne faut pas oublier qu’il y a un processus. Je pense plutôt que la justice doit faire son travail, et le reste viendra après. Si nous sautons les étapes, cela pourrait nous rattraper. Je disais à un ami que dans des quartiers des communes d’Abidjan, il y a des gens qui ont donné l’ordre de brûler leurs semblables. Si vous laissez ces personnes en liberté, imaginez un peu ce qui pourrait leur arriver. On ne libère pas quelqu’un pour le voir être lynché après.

Votre regard sur les procédures en cours devant la justice depuis que la crise post-électorale a éclatée…

C’est une question délicate. Elle dépend de l’endroit où on se situe. Parce que quand on se situe du côté de l’opposition, on peut parler de justice des vainqueurs. Mais n’oublions pas quand même d’où nous venons. Le FPI était au pouvoir ici il y a à peine trois ans. On a tous vu ce qu’il a fait. Nous qui vous parlons, nous sommes une de ses victimes. Mon jeune frère, Dodo Habib, a été tué sous le pouvoir FPI ; il y a eu le charnier de Yopougon, il y a eu la répression sanglante de la marche de l’opposition en mars 2004. Y a-t-il eu une volonté de ce parti, alors au pouvoir, de rendre justice ? Non ! Pendant les 10 ans qu’il a gouverné, on a vu comment le FPI a géré.

Aujourd’hui qu’il est de l’autre côté, il veut porter un jugement sur la justice, oubliant que c’est la même justice qu’il a laissée, avant de partir. Ce sont les mêmes magistrats, les mêmes avocats, greffiers etc. Aujourd’hui, pour une fois qu’on veut faire la lumière sur ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire, ce parti parle de justice des vainqueurs. Ne demandez pas au pouvoir de se faire hara-kiri. Sous le FPI, quand il y a eu le charnier de Yopougon, des hommes politiques proches de ce parti ont déclaré que c’étaient des cadavres qui ont été ramassés un peu partout pour être déposés quelque part pour faire mal au pouvoir. Le FPI n’était pas prêt à rendre justice aux familles de ces personnes tuées. C’est cette même justice qui est là aujourd’hui et il doit s’en accommoder. Il doit laisser la justice faire son travail et s’engager dans le processus de réconciliation, en faisant son mea-culpa.

Est-ce qu’on peut aller à la réconciliation si dans le même temps on arrête le jeune leader du Fpi, Koua Justin ?

J’ai suivi un peu les propos du jeune Koua Justin. Lorsqu’en politique, tu tiens un langage guerrier, il faut que ton pied repose sur quelque chose. En son temps, au moment où on était étudiant, quand on arrêtait un leader, il y avait des manifestations de rue un peu partout, il y a avait des soulèvements populaires. Cela faisait fléchir le pouvoir et emmenait le leader à persévérer. Mais aujourd’hui, quand tu tiens un langage guerrier et qu’on t’arrête et qu’il n’y a rien, cela doit donner à réfléchir au leader. On ne lutte pas pour aller en prison, on ne lutte pas pour se faire arrêter, on ne lutte pas pour se faire bastonner. Il y a trop de ressentiment au FPI. Leurs responsables politiques doivent comprendre une chose: ils ne sont plus au pouvoir, ils ont perdu le pouvoir. Ils doivent comprendre que le pouvoir actuel veut qu’ils mettent balle à terre, qu’ils aient profil bas pour obtenir tout ce qu’ils veulent. Tant qu’ils ne reconnaîtront pas qu’ils ont perdu le pouvoir, ce sera difficile pour eux. Le langage guerrier ne paie pas. Koua Justin doit savoir qu’on sort d’une situation très difficile et que ses propos pourraient créer des problèmes.

Une des causes de la crise qui secoue le pays, c’est la question de la nationalité. Quel est votre avis sur la question de la nationalité qui fait débat aujourd’hui ?

Il ne doit pas avoir de débat. J’ai fait 12 ans en Europe. Dans certains pays comme la France et l’Angleterre, il y a les conditions pour être Belge, Français, et Anglais. Quand un étranger arrive, il connaît ces conditions. Chaque jour que Dieu fait, que ce soit en France, en Angleterre, il y a des immigrés qui deviennent Français, mais ca ne crée pas de problème là-bas. Les différents partis en France qui ne sont pas au pouvoir peuvent dire que les immigrés qu’on naturalise sont du parti socialiste. Ils peuvent faire de cela un problème. Si les règles sont établies et qu’il y a une publicité qui se fait au tour des conditions pour être Ivoirien, il n’y aura pas de problème. En Belgique, on peut avoir la nationalité par déclaration quand tu fais 7 ans de vie continue. Apres 2 ans avec un statut de réfugié tu peux devenir Belge. Quand tu as épousé une Belge, après 3 ou 4 mois tu deviens Belge. Ca ne crée pas de problème dans ces pays. Mais pourquoi ça crée un problème ici ? Parce qu’on se dit que quand le pouvoir naturalise des immigrés, du coup, ceux-ci deviennent un bétail électoral. Voici le vrai problème qui est là. Je suggère qu’on fasse le maximum de publicité à la télé, dans la presse en publiant les conditions pour être Ivoirien. S’il y a des étrangers qui se sont installés en Côte d’Ivoire depuis 10 ans, pourquoi ils ne deviendraient-ils pas Ivoiriens ? De quoi avons-nous peur ? Parce que derrière la situation d’un immigré, on voit forcement le bétail électoral. Qu’on prenne les immigrés au sérieux. Moi je viens d’un autre pays, où chaque jour, il y a des immigrés qui ont la nationalité. Ceux qui crient au loup ont pourtant des nationalités de leurs lieux de résidence.

Vous avez appelé à accorder à la suite du président de l’Assemblée nationale, un second mandat au président Alassane Ouattara. Quelles sont vos motivations ?

Mes motivations sont très simples. Je me dis que nous sortons d’une situation très critique. Le pays est dans une phase de réconciliation, après tous les dégâts qui ont été commis. Ca fait pratiquement deux ans que le président Alassane est à la tâche. J’ai parcouru des régions en Côte d’Ivoire et j’ai pu voir le travail qui est en train d’être abattu. Pour un peu plus de lisibilité et de stabilité, parce que nous en avons tous besoin, que j’ai dit qu’il faut lui accorder un second mandat. Voici mes motivations. Et je suis en phase avec Guillaume Soro et je le soutiendrai dans sa démarche. Nous sommes dans une phase critique, il y a un héritage qu’on appelle la Côte d’Ivoire qu’il faut préserver. Et si nous voulons sauver la Côte d’Ivoire, il faut accorder un second mandat au président Alassane Ouattara.

Récemment vous avez annoncé la création d’un mouvement politique. Est-ce un parti politique que vous voulez créer ou vous êtes disposé à rentrer au Rdr ?

C’est une organisation de rassemblement. Nous voulons mettre sur pied une grande organisation de jeunes pour soutenir les actions du président Ouattara. Et le soutenir en 2015. C’est dans ce grand rassemblement que nous allons apporter notre contribution à la stabilité et à l’économie du pays. Ce rassemblement va nous permettre de fédérer toutes les forces au niveau de la jeunesse, même ceux qui ne sont pas forcement militant du Rdr. Je ne suis pas militant du Rdr, ni du Fpi, ni du Pdci. En tant qu’Ivoirien, mon pays m’appelle. Et quand ton pays t’appelle, tu laisses ta coloration politique de côté et tu penses à lui. C’est ce geste que je veux faire à travers ce grand rassemblement pour soutenir les Institutions et soutenir cette candidature pour 2015, pour qu’ensemble, nous puissions sauvegarder un certain nombre d’acquis. La Côte d’Ivoire est une grande nation. Il faut que nous les jeunes leaders que nous sommes, nous montrions notre disponibilité et notre attachement au pays.

Entretien réalisé par

Assane NIADA

(Coll : Franck BISSIE)

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