Murielle Ahouré, vice-championne du monde « La Côte d’Ivoire n’a aucun mérite » selon André Silver Konan

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Getty Images © Copyright

 

André Silver Konan Journaliste-écrivain

Maintenant que nous avons fini de célébrer les victoires de Murielle Ahouré, regardons notre honteuse réalité en face et osons affronter nos lamentables démons de l’athlétisme. La Côte d’Ivoire n’a aucun mérite.

Nous sommes en 1984 à Los Angeles. Gabriel Tiacoh, alors 21 ans, remporte la médaille d’argent sur 400 m aux jeux olympiques. La Côte d’Ivoire vient d’avoir un héros et le jeune qui décédera huit ans plus tard à Atlanta, rentre dans l’histoire africaine.

Déjà à cette époque, la Côte d’Ivoire n’avait aucun mérite. En effet, Tiacoh a commencé à 13 ans en France, précisément à Epinay-sur-Seine. Il avait même remporté des titres en tant que champion de France dans les catégories Juniors et Universitaires, avant de commencer à courir pour le compte de son pays, en 1984. Un an plus tôt, il s’était rendu aux Etats-Unis, précisément à l’université de l’Etat de Washington, pour poursuivre sa formation universitaire et d’athlète. En clair, la Côte d’Ivoire n’a jamais investi dans la formation de Tiacoh, elle s’est juste contentée de tirer un rayonnement international du dur et personnel labeur de ce grand athlète, trop tôt disparu et de s’en glorifier, sans honte ni remords.

Nous sommes en 2012. Presque personne ne connaît Murielle Ahouré en Côte d’Ivoire. Par un post sur son profil Facebook, Serge Doh, un ancien athlète, champion de Californie au lancer de disque (qui n’a lui aussi pas bénéficié de la formation en Côte d’Ivoire) mentionne l’exploit à Istanbul, de l’Ivoirienne. Je reprends l’information sur ma page Facebook et des centaines de personnes viennent cliquer sur « J’aime ». Lucien Pouamon, le fondateur du site Lebanco.net basé aux Etats-Unis depuis des années et qui connaît bien la famille, dresse un portrait de celle qu’il présente comme « une self made woman ». Le lendemain, certains journaux reprennent timidement l’information. Il y a un an, Ahouré, 26 ans aujourd’hui, fille adoptive du Général Mathias Doué, connaît à peine la Côte d’Ivoire qu’elle a quitté à l’âge de deux ans. Après une formation à Rouen en France, elle est partie pour le Texas où elle a multiplié les entraînements et sa formation. Le résultat est là : sa rage de vaincre, sa combativité, sa technique, etc., ce n’est ni en Côte d’Ivoire, ni grâce à la Côte d’Ivoire qu’elle les acquises.
Je confirme à ma grande honte : Ahouré est une self made woman ivoirienne. Et c’est pourquoi la Côte d’Ivoire n’a aucun mérite.

Tant que nous nous contenterons d’applaudir à la télé, nos athlètes qui ne connaissent en réalité leur pays que de nom, la Côte d’Ivoire n’aura aucun mérite.
Tant que nous n’aurons pas au moins quatre Gabriel Tiacoh et quatre Murielle Ahouré, pour former une équipe nationale qui va courir le 4 X 100 m relais, la Côte d’Ivoire n’aura aucun mérite.

Tant que nous n’aurons pas (enfin) construit une cité olympique, dotée des meilleures infrastructures qui permettront à nos athlètes ivoiriens qui ne sont pas pour autant nuls (je me rappelle qu’en Terminale, un camarade avait dû reprendre l’épreuve physique sur les 100 m car le professeur examinateur, refusait de croire qu’il avait pulvérisé un record. Sans doute, ce camarade de classe, s’il était encadré, aurait pu aujourd’hui, rivaliser avec Usain Bolt), de se mesurer aux Jamaïcains, aux Américains, aux Français, etc., la Côte d’Ivoire n’aura aucun mérite.

En Côte d’Ivoire, il y a des talents qui sommeillent dans l’indifférence totale, dans nos petites et grandes villes, des talents gâchés, qui auraient pu planer sur le monde, mais s’éteignent silencieusement, dans le plus strict des anonymats.

En définitive et pour conclure, je sais que cela choque certaines sensibilités, mais je vais le répéter : la Côte d’Ivoire n’a aucun mérite. Les lauriers argentés de Murielle Ahouré doivent nous amener à admettre et à comprendre que l’heure du sursaut athlétique structurel a sonné. Autorités sportives, la balle de l’histoire du nouvel athlétisme ivoirien, est dans votre camp. Le monde vous regarde.

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