Lois sur l’apatridie, la nationalité et le foncier rural: Deux Côte d’Ivoire se sont révélées

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Par Venance Konan

A l’occasion du vote des lois sur l’apatridie, la nationalité et le foncier rural, les deux Côte d’Ivoire se sont révélées.

Ainsi nous avons pu voir, d’un côté, la Côte d’Ivoire frileuse, repliée sur elle-même, prisonnière des peurs qu’elle se crée toute seule, et incapable de tirer des leçons de son passé pour se projeter dans l’avenir. De l’autre côté, nous avons vu la Côte d’Ivoire qui veut s’ancrer dans la modernité, assumer son histoire et sa place dans le concert des nations tout en assurant son avenir et celui de sa descendance. Ces lois ont suscité de nombreux débats. Et j’ai entendu des personnes s’exprimant sur RFI reprocher au gouvernement de n’avoir pas suffisamment communiqué avant de les faire adopter par le Parlement. Je crois pour ma part que si une action de communication supplémentaire ne serait pas de trop, le vrai problème se trouve cependant ailleurs. Ceux qui s’opposaient à ces lois dans les journaux « bleus » et animaient des débats sur internet pour les dénoncer savaient parfaitement de quoi ils parlaient. Ils exprimaient simplement les idées de ceux qui restent encore accrochés à l’idée véhiculée par feu le professeur Niangoran-Bouah selon laquelle, seules peuvent se réclamer de la nation ivoirienne, les personnes descendant des groupes ethniques se trouvant sur ce territoire au moment où le colon en fixait les limites en 1893. Ceux qui s’opposent à cette loi sont ceux qui n’ont pas encore compris que le monde a toujours été fait de mouvement, que la population d’un pays n’est pas une donnée figée à jamais, qu’il y aura toujours des personnes qui quitteront un territoire pour aller s’installer ailleurs, pendant que d’autres viendront s’installer à leur place. Nombreuses sont les personnes de père et mère ivoiriens, souvent elles-mêmes nées en Côte d’Ivoire, mais qui sont de nationalité française, britannique, américaine ou canadienne. Mon ami Vincent Niamien, artiste-designer bien connu dans les milieux artistiques ivoiriens a quitté notre pays en 2010 pour s’installer avec sa femme et ses deux enfants au Canada. Il y a quelques jours, je l’ai eu au téléphone et il m’a expliqué qu’il était en train de faire les démarches pour obtenir la nationalité canadienne, et que cela lui est possible parce qu’il vit dans ce pays depuis trois ans. Cela ne choquera aucun Ivoirien. Mais l’on voudrait qu’il soit choquant que l’on permette à des personnes installées en Côte d’Ivoire depuis plus de cinquante ans et à leurs descendants d’obtenir enfin la nationalité du seul pays qu’ils connaissent. Là où le débat frise la malhonnêteté intellectuelle la plus totale, c’est le fait que la plupart de ceux qui s’opposent à ces lois sont des personnes qui vivent en Europe, et ont acquis la nationalité de leur pays d’accueil, ou, bien que vivant ici, organisent des fêtes parce que leurs enfants ont obtenu la nationalité d’un pays européen ou américain, ou encore, s’arrangent pour que leurs enfants naissent en Europe ou en Amérique pour avoir la nationalité de ces pays.

Heureusement pour la Côte d’Ivoire, la majorité de nos parlementaires ont parfaitement compris le sens de l’histoire et les intérêts de notre pays.

Peut-on lier le débat autour de ces lois à celui qui divise en ce moment le PDCI-RDA ? Les lignes de fracture créées par ce débat épousent-elles celles qui minent en ce moment le vieux parti ? Cela est possible. Il n’est certainement pas anodin que les journaux proches du FPI prennent faits et causes pour un camp, alors que ceux proches du RDR soutiennent l’autre. Les extrémistes du PDCI-RDA ne cherchent-ils pas à s’allier au FPI qui se trouve bien seul dans son coin et cherche un compagnon ? Ce parti, ne l’oublions jamais, est le héraut de cette Côte d’Ivoire fermée, xénophobe, qui refuse de s’ouvrir aux autres et dont nous ne voulons plus.

Une partie du combat au PDCI-RDA se mène autour de l’application de certains textes qui empêcheraient certains candidats de briguer la présidence du parti. Les textes sont une chose, et les réalités politiques du moment en sont une autre. Il s’agit encore une fois de savoir où l’on veut conduire notre pays. Si la question est là, il faudrait donc aller au-delà des textes, comprendre le rôle de force tampon entre les extrémismes que joue le PDCI-RDA d’aujourd’hui, et savoir donc choisir la personne à même de mieux jouer ce rôle. Mais dans ce combat somme toute démocratique qui se mène au sein du PDCI-RDA, il est important de savoir que tous les coups bas ne sont pas permis. Personne ne doit se permettre d’insulter qui que ce soit parce qu’il aurait exprimé son opinion ou se serait montré aux côtés de tel ou de tel. Je trouve totalement lamentable l’utilisation qui a été faite de la visite privée que la famille Ouégnin avait rendue au président Bédié. Tout comme je trouve excessifs les propos de Yasmina Ouégnin à la suite de l’erreur que nous avons commise en écrivant à la « une » de Fraternité Matin que les lois sur la nationalité et le foncier avaient été votées à l’unanimité.

Venance Konan

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