Côte d’Ivoire conflit foncier à Koro [Bafing] la tension remonte

Touba
Photo (I.T.)

Par I.T.

La quiétude des populations de la jeune préfecture de Koro, dans la région du Bafing se trouve fortement troublée encore une fois. Après l’abattage clandestin des bois de vêne, c’est l’essence même de l’existence des «korokas» (habitants de Koro, ndlr) qui se trouve être dans le viseur de certains individus. En effet, les squatteurs de la forêt de cette paisible localité sont de retour. Ils bénéficient comme toujours, de la complicité avérée de certains fils du département.

De quoi s’agit-il ?

En 2010, cinq chefs de famille allogènes ont obtenu de l’ex chef de village feu Mamadou BAKAYOKO une parcelle de 50 hectares en vue d’y semer du maïs, du mil et bien d’autres céréales pour assurer leur pitance quotidienne. Quelques mois plus tard, la surprise a été grande et désagréable de constater que ce sont 220 hectares de cacao qui ont été abusivement exploités par ceux qui en avaient demandé et obtenu quatre fois moins. Trahison ! Le clash venait ainsi de se produire entre les autochtones et les 5 familles pour violation flagrante du contrat tacite. «Les supposés cultivateurs de céréales devenus subitement planteurs de cacao ont été priés de quitter les parcelles illégalement occupées et invités à rejoindre la table de négociation pour la révision des clauses du contrat d’exploitation des terres.» nous a-t-on rapporté.

Sur ces entrefaites, les concernés, au lieu de s’inscrire dans la recherche de solutions, ont préféré à la surprise générale prendre leurs baluchons et débarrasser le plancher. Etait-ce une volonté manifeste d’abandonner définitivement leur projet agricole ou alors un repli stratégique ? On le verra sous peu. A la faveur de la crise post-électorale avec tout logiquement son cortège d’imbroglio et d’incertitudes, ce sont, à nouveau, quelques 3 à 4 milliers d’individus investissent sans autorisation ni titre de propriété les forêts du département. Ils s’y établissent avec un mépris moqueur et une défiance à nulle autre pareille. Il n’en fallait pas davantage pour fouetter la dignité des jeunes « finankas », « baralakas » et « korokas », peuplades dudit département. Immédiatement, des consultations sont entreprises, les réunions se succèdent et les stratégies de protection de l’espace forestier sont élaborées, ça bouillonne dans le camp des jeunes qui veulent en découdre. Mais auparavant, ils saisissent respectivement la chefferie traditionnelle, les guides religieux, les autorités sous-préfectorales et préfectorales afin qu’une solution rapide soit trouvée à cette invasion. C’est dans cette attente et face à la lourdeur administrative et à la passivité des responsables en charge de la question, que la brave population jeune décide de prendre son destin en mains vu que le phénomène pour lequel les autorités compétentes ont été saisies, prenait de l’ampleur. «Entre l’expression d’une hospitalité légendaire mais combien dévastatrice et la nécessité de préserver le patrimoine foncier, les populations ont vite fait de poser le curseur sur la sauvegarde de leur patrimoine forestier.» a résumé un fils du département rencontré récemment. En réaction donc à l’agression de leur terre, une battue est lancée par les jeunes à travers toute la forêt pour la libération totale des terres injustement et abusivement occupées par d’incommodants voisins. Face à la détermination des jeunes de Borotou, Booko et Koro, les «envahisseurs» ont sagement choisi de quitter les lieux en prenant la poudre d’escampette.

Le 14 décembre 2012, une réunion bilan est tenue à Koro en présence de l’ensemble des chefs de village du département, de certains cadres et de 2 représentants de la police onusienne. A cette réunion, un message est adressé aux élus et à l’administration générale pour que très rapidement des mesures appropriées soient prises pour mettre fin aux incursions intempestives des «provocateurs » dans les forêts. « Le feuilleton de AMADE Ouéremi qu’à vécu l’ouest de la Côte d’Ivoire, commande à chacun de nous de prendre des précautions. Ne dit-on pas que mieux vaut prévenir que guérir ! » a rappelé le chef du village de Vabouesso, par ailleurs très remonté contre le phénomène. Pour éviter pareille situation conflictuelle à l’avenir, le nouveau chef du village de Koro Kassimou BAKAYOKO a, au nom de tous les chefs du département, lancé un appel aux uns et aux autres : « Nous demandons à nos enfants, à nos frères, de s’abstenir de toutes pratiques tendant à brader l’héritage de nos parents. Aux allogènes et à tous ceux qui veulent s’installer chez nous, nous leur conseillons de refuser les aventures d’acquisition de terre qui se font au bout du village dans la pénombre, loin des regards et qui finissent trop souvent par une arnaque au profit de soi-disant propriétaires terriens et bien naturellement au détriment des ignorants acquéreurs.» a t-il conseillé. Avant d’indiquer la voie à suivre : «En matière de transaction foncière, les textes existent et les procédures coutumières demeurent ; il faut tout simplement s’y conformer pour éviter les désagréments et les situations conflictuelles.» On en était là lorsque, courant septembre 2013, alors que les parents sont préoccupés par la rentrée scolaire de leurs enfants, une information faisant état du retour des «envahisseurs» sur certaines parcelles, vient les tirer de leur torpeur. Sans attendre, les jeunes gens, parés de leurs « objets protecteurs » décident d’investir les parcelles concernées pour y déloger les occupants illégaux qui refusent de se conformer aux obligations coutumières en matière d’acquisition de lopins de terre. Joint au téléphone, S.B, paysan, qui a fait parti de l’opération de déguerpissement, a commenté l’expédition en ces termes : « Nous venons de faire une descente sur les parcelles occupées où plus de 20 hectares de plants de cacao ont été détruits. Nous n’y avons rencontré aucune résistance et nous agirons ainsi jusqu’à ce que nos valeurs coutumières et les lois de la république soient respectées.» s’est- il réjoui. Avant d’ajouter ce qui suit : «Nous disons aux sinistres individus tapis dans l’ombre que la terre, notre patrimoine commun ne sera pas bradé et mieux, il sera protégé quel qu’en soit le prix. Nous n’admettrons pas qu’ils se servent du patrimoine commun pour en faire un fond de commerce.» a t-il déclaré sur un ton grave.

En conséquence de ce qui précède, les autorités administratives et politiques devraient se pencher sur ce dossier brûlant avec rigueur et diligence pour trouver les solutions durables. Trop de foyers de tension liés au foncier rural ; il faut commencer par en faire l’économie même si certains en font un fond de commerce. Le feu qui couve sur la berge du fleuve « yirima » à KORO est bien celui du foncier. On peut encore l’éteindre.

I.T.

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