Côte d’Ivoire: Ouattara, les magistrats sont en colère

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Gnénéma, ministre de la Justice (Magistrat)


Armand B. Depeyla Source: Soir info

Affectations arbitraires sur des bases guidées par le favoritisme, nominations ne correspondant pas à leur grade, absence de traitement équitable, avancements et nominations douteux, dysfonctionnement dans l’application des décrets de nomination… tels sont les  »ingrédients » qui sous-tendent la grosse colère des Magistrats ivoiriens à l’encontre du chef de l’Etat, Alassane Ouattara, chef suprême de la magistrature.

Qu’ils soient juges du siège (qui sont indépendants) ou magistrats du parquet (placés sous l’autorité de l’exécutif), ils sont tous vent debout en ce moment contre le chef de l’Etat, Alassane Ouattara. En cause, l’application de trois décrets contradictoires. Deux pris le 09 aout 2013 et l’autre le 16 septembre 2013. Ces magistrats ont donc adressé une lettre ouverte qui transpire leur colère au président Alassane Ouattara, le mercredi 25 septembre 2013, courrier dont nous nous sommes procuré une copie. Dans ce courrier, les juges dénoncent, avec une pointe de véhémence « l’inaction des syndicats de Magistrats et des Magistrats anciens, la complicité évidente du Conseil supérieur de la Magistrature » dans les faits mis à l’index, qui, selon eux, sont de nature à « jeter l’opprobre sur la justice ».

« En effet, par deux décrets N° 2013-567 et 2013-569 du 09 aout 2013, vous avez, en votre qualité de président de la République, procédé à la nomination de divers Magistrats dans diverses fonctions de la magistrature ivoirienne. Ces décrets ont été notifiés aux concernés par Monsieur le Directeur des services judiciaires (Dsj)… ( …) Mais voilà qu’avant le 1er octobre 2013, date de la rentrée judiciaire, un grand nombre de Magistrats sont encore appelés à l’effet de leur indiquer des destinations et fonctions autres que celles auxquelles les destinaient les décrets su-indiqués », accusent les juges.

De telles pratiques, selon eux, « bafouent les valeurs républicaines » dont les juges sont les garants. « Il se pose la question suivante : comment dans un pays qui se veut sérieux, peut-on se comporter ainsi ? Comment des décrets peuvent-ils être repris moins d’un mois après notification aux intéressés ? », s’interrogent-ils. Selon eux, il s’agit, au vu du nombre des magistrats appelées de nouveau, d’une reprise du décret du 9 août et non d’une réparation des « erreurs dues aux grades ou aux fonctions de certains nommés et qui ne correspondaient pas à leurs grades.

Ils s’insurgent, par ailleurs contre le fait que des Magistrats nommés dans des juridictions et à des fonctions qui correspondent bien à leurs grades, donc à des fonctions qu’ils méritent soient, dans le projet de décret, nommés à d’autres fonctions et dans d’autres villes, parce que « ceux qui devaient occuper ces fonctions ou qui devaient aller dans ces villes s’y sont refusés », soulignent les juges. « Monsieur le Président, évitez de tomber dans l’erreur dans laquelle on vous conduit, évitez ce qui amènera à parler de rattrapage,. Vous êtes le président de tous les Ivoiriens. Il est de votre devoir de faire en sorte que les Magistrats soient juste des Magistrats ivoiriens et non de tels ou tels bords politique ou telle ethnie ou de tel groupe ethnique » ont plaidé ces juges, qui, du fait de leur droit de réserve, ont formellement requis l’anonymat.

Armand B. DEPEYLA

« Ces Magistrats font de la confusion »

Deux mots clés ont suffi à Alain Zunon, magistrat hors hiérarchie, Directeur des services judiciaires ( Dsj), que nous avons joint hier jeudi 26 septembre 2013, pour commenter les griefs des magistrats contre le chef de l’Etat, Alassane Ouattara. « Confusion et amalgames ». « Ces Magistrats font de la confusion et des amalgames. Beaucoup, d’entre eux ne comprennent pas que c’est le décret qui consacre le grade et non la nomination », a estimé ce haut magistrat anciennement conseiller à la Cour suprême. Pour lui, il s’agit, ni plus ni moins que « de corriger et de rectifier des erreurs que nous avons constatés ». Le premier décret du 09 aout 2013 touche 185 juges de la Cour d’Appel, de l’administration centrale et des tribunaux.

Le rectificatif concerne 30 magistrats dont une vingtaine du siège », ajoute Alain Zunon, rejetant toute idée de favoritisme ou de rattrapage. « C’est pour équilibrer les choses. Personne n’a été floué » a-t-il insisté. « Les magistrats qui ont écrit font de la confusion dans leur grade entre le décret de nomination et le décret d’inscription (aptitude). Quand un magistrat est inscrit sur la liste d’aptitude du 1er grade, 1er groupe, il pense qu’il est automatiquement magistrat de 1er grade. Or, cela doit être suivi d’un décret de nomination. C’est quand il a le décret de nomination qu’il est effectivement dans le grade… C’est le décret de nomination qui consacre le grade », a-t-il insisté. Pour Alain Zunon, les décret

s évoqués dans la lettre ouverte au chef de l’Etat sont des décrets de « mutation ou d’affectation », soulignant « qu’aucun magistrat ne vient dans un grade inférieur ». Et Alain Zunon d’indiquer qu’à Dabou, par exemple « on avait envoyé un procureur plus ancien que le président du tribunal. Or, dans nos règles, c’est le président du tribunal qui doit être plus ancien ». Ce sont des cas comme celui de Dabou que nous avons rectifiés avant la rentrée judiciaire et ce sont 30 magistrats sur les 185 qui sont concernés », a-t-il conclu.

Armand B. DEPEYLA

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