Côte d’Ivoire – Fatou et les morts d’Abobo

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Melvinakam

J’achève la lecture d’un document déposé à la Cour Pénale Internationale (CPI) le 13 janvier 2014 par la Procureure Fatou Bensouda afin de convaincre les juges qu’elle dispose de suffisamment de preuves pouvant justifier l’ouverture d’un procès contre l’ancien Président ivoirien Laurent Gbagbo qui est détenu à La Haye depuis le 29 novembre 2011.

Des preuves ? On en cherche, en vain dans ce document de 91 pages. Juste des affirmations. Fatou Bensouda soutient que Gbagbo et son entourage ont élaboré et mis en œuvre une ‘’politique’’ et un ‘’plan commun’’ pour massacrer les populations civiles acquises à Ouattara et se maintenir au pouvoir. La Procureure accuse l’ancien Président ivoirien des « crimes commis à Abidjan entre le 27 novembre 2010 et le 8 mai 2011 par ses forces au cours d’une attaque soutenue, planifiée, meurtrière, généralisée et systématique lancée contre les civils considérés comme des partisans d’Alassane Ouattara ». Pas moins.

Cette attaque était si soutenue, généralisée et systématique qu’elle n’a pu faire que 824 victimes en plus de 5 mois, selon les propres données de la Procureure. Au passage, on note que la crise ivoirienne a fait officiellement 3 000 morts et que Gbagbo est poursuivi pour 824 morts. Les 2176 autres morts sont passés par pertes et profits par Madame la Procureure qui se garde bien, pour l’instant, d’engager des poursuites contre le camp Ouattara à qui on attribuerait bien ces autres morts, dans ce décompte macabre.

La thèse de Fatou Bensouda est bâtie, pour l’essentiel autour des événements d’Abobo : le grand méchant Gbagbo a fait bombarder des maisons, des marchés, juste pour tuer des civils supposés acquis à son rival Ouattara.

Nous sommes contemporains de la crise post – électorale en Côte-d’Ivoire. Que l’on ne vienne pas nous raconter des histoires dans l’espoir de réécrire l’histoire. Il y a eu des morts à Abobo, c’est indéniable. Mais, Abobo ne fut ni planifiée, ni une attaque systématique dirigée contre une catégorie de la population. Abobo n’est pas Duékoué où un millier de personnes furent massacrées du 27 au 29 mars 2011 par les forces pro-Ouattara, juste parce qu’elles étaient d’une ethnie proche de Gbagbo, les Guéré. De cela d’ailleurs, la Procureure ne parle point. Normal, il y a morts et … morts.

Abobo était pratiquement une zone de guerre. Le ‘’Commando Invisible’’, une branche de la rébellion ivoirienne emmenée par IB s’y était installée. A partir d’Abobo, le Commando Invisible infiltrait des manifestations présentées comme pacifiques ; ses hommes harcelaient et attaquaient l’armée. Laquelle, en situation de légitime défense, tentait de l’en déloger, il est vrai, parfois de façon maladroite et malheureuse.

Le Commando Invisible est l’élément déclencheur des événements d’Abobo, et plus tard, de la chute d’Abidjan. Peut-on raisonnablement parler d’Abobo sans évoquer le Commando Invisible et son chef IB ? Peut-on mener une enquête honnête sur les événements d’Abobo en faisant abstraction du Commando Invisible et de son Chef IB qui sera plus tard froidement abattu par les forces pro-Outtara de Guillaume Soro ? C’est pourtant l’exploit réussi par Fatou Bensouda qui ne mentionne ni IB, ni le Commando invisible à aucun moment dans son document de 91 pages.

C’est clair, avec son enquête sur la crise ivoirienne, Madame la Procureure perpétue jusqu’ici tout ce qui est détestable dans la justice internationale, c’est –à-dire une forme d’injustice légale au service des vainqueurs et des puissants.

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