Côte d’Ivoire – comment Ouattara installe le racisme, la xénophobie et le tribalisme

ouattara_afp

Pour pouvoir procéder à son recensement ethnique, le régime Ouattara a modifié la loi réprimant le racisme, la xénophobie et le tribalisme votée sous Gbagbo. Cette loi de 2008 interdisait en effet la mention de l’ethnie dans les documents administratifs en Côte d’Ivoire.

Avec TK

ARTICLE 200-2 (NOUVEAU)
Quiconque porte volontairement atteinte à l’intégrité physique d’une personne, notamment au moyen de scarification, tatouage indélébile, limage de dent ou par tout autre procédé de nature à caractériser l’appartenance de cette personne à une ethnie ou à un groupement déterminé, est puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 100.000 à 500.000 francs CFA.
Est puni des mêmes peines, tout fonctionnaire au sens de l’article 223 du Code pénal QUI INSÈRE OU LAISSE SUBSISTER DANS UN DOCUMENT OFFICIEL, DES MENTIONS DE NATURE A CARACTÉRISER L’APPARTENANCE d’une personne ou d’un groupe de personnes à une ETHNIE ou à une RACE déterminée.
Dans ce dernier cas, la peine est portée au double si l’auteur exerce des fonctions d’études générales, de conception, de direction ou de supervision.
[LOI N° 2008-222 DU 4 AOUT 2008 modifiant et complétant les dispositions du code pénal relative à la répression du racisme, de la xénophobie, du tribalisme et des discriminations raciales et religieuses ]

QUE VISE LA MENTION DE L’ETHNIE DANS LE RECENSEMENT DE LA POPULATION IVOIRIENNE ?

Depuis quelques jours, nous observons sur les réseaux sociaux un débat relatif à la liste des ethnies ivoiriennes publiée par le gouvernement dans le cadre du recensement général de la population. Sur ce débat, je voudrais apporter ma contribution qui se résume en deux observations.

Ma première observation vient de ce que certains intervenants marquent leur étonnement de voir apparaitre sur cette liste des ethnies dont ils pensent ne pas être des ethnies ivoiriennes. Je voudrais signaler que ces ethnies existent bien en Côte d’Ivoire même si elles sont peu connues. Par exemple, l’ethnie « Samogho » qui porte le numéro 161 sur la liste est une ethnie ivoirienne présente dans la région de Boundiali. Le problème ne réside donc pas dans la liste produite.

Ma deuxième observation est la suivante : quelle est l’opportunité de recenser les ivoiriens selon leur ethnie et le faisant, quel objectif vise le gouvernement Ouattara ?

Pourquoi plus de 50 ans après notre indépendance, l’Etat de Côte d’Ivoire devrait continuer à identifier ses habitants selon leur appartenance ethnique ? A ce rythme, le gouvernement Ouattara ne va-t- il pas prochainement demander à faire figurer cette mention sur nos cartes nationales d’identité ?

Si, comme le soutient le gouvernement, le recensement est un outil pour le développement, en quoi la catégorisation des ivoiriens selon leurs ethnies respectives contribue-t-elle à faire le développement ? Est-ce à dire que ce gouvernement entend élaborer ses programmes et projets de développement en fonction des ethnies ?

Tout porte, hélas, à répondre par l’affirmative si nous nous référons aux motivations qui sous-tendent l’adoption le 11 décembre 2013 d’une loi modificative qui abroge les alinéas 2 et 3 de l’article 200-2 de la loi 2008-222 du 4 août 2008 portant « répression du racisme, de la xénophobie, du tribalisme et des discriminations raciales et religieuses ». Cette loi de 2008, voulue et initiée par le Président Laurent Gbagbo, vise à consolider l’unité nationale et amener l’ivoirien à se définir d’abord ivoirien et non se revendiquer de façon systématique de son ethnie. Ainsi les dispositions du code pénal de 1981 relatives au tribalisme et à la xénophobie ont-elles été corsées pour lutter contre les dérives tribales et xénophobes et tous les dysfonctionnements qui s’y rattachent. Cette loi a été modifiée en décembre 2013 par le régime actuel pour en diluer la portée.

Ainsi, dans le rapport de la Commission des Affaires Générales et Institutionnelles (CAGI) de l’Assemblée nationale qui justifie la modification adoptée, à savoir l’abrogation des dispositions des alinéas 2 et 3 de l’article 200-2 de la loi ci-dessus citée, on peut lire : «s’il est vrai que cette loi est conforme au pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi qu’aux différentes conventions et politiques internationales sur les droits humains, elle est toutefois de nature à fragiliser la cohésion sociale, nécessaire à l’édification d’une société unie. En effet, cet arsenal législatif supplémentaire de lutte contre la diffusion d’idées racistes ou xénophobes se révèle, en réalité, inadapté, surtout que la répression des agissements incriminés est prise en compte par les dispositions pénales préexistantes».

En quoi interdire que soient mentionnées des informations relatives à l’ethnie sur des documents administratifs officiels de l’Etat, comme le stipulent les alinéas 2 et 3 de l’article 200-2, est-il « de nature à fragiliser la cohésion sociale » ? N’est-ce pas faire le contraire qui entrave « l’édification d’une société unie » ? Tout simplement ahurissant comme argument !!!

Mais, il faut l’avouer, le régime Ouattara nous avait clairement instruit de ses intentions en indiquant comme argumentaire dans le rapport précité que, pour lui, l’absence des mentions relatives à l’ethnie aurait « pour conséquence d’empêcher la mise en œuvre de certaines dispositions législatives et réglementaires, précisément le développement de l’activité statistique … Ainsi, le recensement général de la population et de l’habitat s’en trouverait contrarié».

De façon plus précise, les motivations et visées de cette entreprise législative nous ont été, en partie, dévoilées par la lecture du rapport présenté par la CAGI à la séance plénière de l’Assemblée nationale du 11 décembre 2013 en ces termes : «d’autres structures telles que les services des impôts, de la santé, de la sécurité sociale ont besoin de ce type d’information pour affiner leur stratégie d’intervention».

Oui, vous avez bien lu. Désormais en Côte d’Ivoire, sous le régime d’Alassane Dramane Ouattara, on a besoin de connaître votre ethnie pour calculer le montant des impôts que vous devez payer à l’Etat.

Pour être soigné si vous tombez malade, pour bénéficier de la fameuse CMU (Couverture Maladie Universelle) dont la loi a été récemment votée et certainement dans bien d’autres domaines qui ne sont pas connus du public, la connaissance de l’ethnie à laquelle vous appartenez devient un critère déterminant. Vive l’émergence rattrapeuse !!!

Affi N’Guessan et le FPI ont donc vraiment raison de demander aux ivoiriens de ne pas s’associer à ce recensement dont les objectifs sont dangereux pour la survie notre cher pays, la Côte d’Ivoire.

Bloadé Ninsémon
Juriste

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