Côte d’Ivoire rencensements…Et les portes se seraient ouvertes

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La Chronique Politique de Marc Micael

Quand on estime qu’une chose est sans grande importance, on la traite comme telle. C’est-à-dire qu’on n’en tient pas compte, jusqu’à ce qu’elle meure, elle-même, de sa propre et belle mort.

Tenez par exemple. Un individu, dénommé Zadi Djédjé, prétendu ex-compagnon de Blé Goudé, a eu l’idée de créer le FPU (front populaire uni), un nouveau parti politique pour, dit-il, « sauver » le FPI (front populaire ivoirien), principal parti d’opposition ivoirien ou du moins, pour « utiliser le bon ton pour négocier avec le pouvoir ». A part quelques journaux en manque de sujets en vue de remplir leurs colonnes, la chose, c’est le cas de la dire, a été accueillie dans un silence fracassant, sinon, avec un mépris retentissant, de la part de l’opposition en particulier et des ivoiriens en général. Et depuis, l’on se souvient à peine du sieur Zadi et de son FPU.

En Côte d’Ivoire, le régime Ouattara vient de lancer le RGPH (Recensement Général de la Population et de l’Habitat). Mais l’opposition, singulièrement le FPI, a appelé les ivoiriens à boycotter cette opération, pour diverses raisons. Notamment parce que selon ce parti : « les conditions techniques ne sont pas réunies dans un processus de réconciliation en faillite ».

Ibrahima Bâ, Directeur de l’Institut national de la statistique (INS), structure en charge de l’opération de RGPH a beau souligner que : « (…) l’appel au boycotte de l’opération lancée par le Front populaire ivoirien (FPI) aura moins d’impact sur le résultat définitif qui sera obtenu », le manque de sérénité constaté chez le régime en place face, face au mot d’ordre de boycotte du FPI, laisse dubitatif.

Pourquoi un boycotte, pourtant qualifié comme ayant « moins d’impact sur le résultat définitif », suscite t-il tant de « gesticulations » de la part des tenants actuels du pouvoir ? Quand on estime qu’une chose est sans grande importance, on la traite comme telle, nous le disions tantôt. Or, il suffit d’écouter les menaces à peine voilées du régime en place à l’endroit de ceux qui entendent suivre le mot d’ordre du FPI ; il suffit d’écouter Joël N’guessan, porte-parole du RDR, parti au pouvoir, s’époumoner : « Je vous préviens (…) Il est possible que demain, pour passer un concours pour rentrer à la fonction publique, on demande un récépissé de recensement » ; il suffit de voir monsieur Beugré Mambé, gouverneur du district d’Abidjan courir auprès des chefs traditionnels des communautés Atchans et Akyé, des communautés que l’on sait majoritairement acquises à la cause de Laurent Gbagbo, donc de l’opposition, en vue des les sensibiliser sur le RGPH, curieusement, au moment où l’opération tire à sa fin…, pour se rendre compte qu’il y a, visiblement, quelque chose qu’on cache ou qu’on veut cacher aux ivoiriens et à l’opinion publique. N’aurait-il pas fallut, pour ce régime, faire l’impasse sur le mot d’ordre du FPI, si tant, il l’estime sans grande importance sur l’opération en cours ? Mais pourquoi tremble t-il donc, ce régime ? Pourrait-on se demander.

A la réalité, dans ce combat tacite entre l’opposition et le régime en place, l’enjeu est, entre autres, de démontrer qui est majoritaire dans ce pays. Le camp Ouattara aux affaires, malgré tout l’arsenal du pouvoir d’Etat dont il dispose, malgré ses milices qui sèment partout la terreur dans le pays, ne peut que se déculotter face à une opposition significative, qui elle, n’a qu’un seul mot à dire pour que les ivoiriens dans leur écrasante majorité, suive ces mots d’ordre. L’échec cuisant du RGPH qui se profile à l’horizon, notamment, autour du taux de participation, comme l’ont été les dernières élections locales, n’en sera qu’une preuve éclatante.

Certes, l’intention est louable. Il faut le reconnaitre. Les initiateurs de l’opération ne cessent de le répéter : « Le RGPH est un instrument de travail pour le développement de la Côte d’Ivoire ». D’accord. Mais là où le bât blesse, ce sont les conditions et surtout le manque de méthodologie qui devraient sous-tendre une telle opération. Surtout dans un pays dont le contexte de sortie de crise socio-politique, reste des plus fragiles. « On ne sort pas d’une guerre comme l’on sortirait d’un bal », aime-t-on à le rappeler, concernant la Côte d’Ivoire. Ce pays a certes besoin de se développer, cela est indéniable. Mais ce développement, l’on convient de le dire, ne pourra absolument pas se faire sur fonds de divisions, de haines et de méfiance encore et fortement présentes au sein des populations ivoiriennes, mais aussi, sans la participation inclusive de toute la classe politique ivoirienne.

Il ne faut pas se voiler la face. Le régime actuel, n’a fait que ruser avec la réconciliation, depuis le début, sachant bien qu’en posant les bases d’une véritable réconciliation, il risquait lui-même de se faire hara-kiri. Car une réconciliation réussie implique que l’on sache clairement qui a fait quoi, avec qui, où, quand et pourquoi. Cela implique enfin, que les commanditaires et les bourreaux soient jugés et punis. Mais au lieu de cela, nous avons assisté à la mise en place de « la loi du plus fort ». En Côte d’ Ivoire, ce sont « les plus forts », ou « les plus violents » qui, aujourd’hui sont juges et parties ; ce sont ceux qui ont plus d’aptitudes à verser le sang qui décident qui arrêter, qui jeter en prison et qui juger. Bien évidemment, ils ne s’en prendront jamais à ceux de leur propre camp, comme cela a été toujours le cas dans ce pays. Résultat, aujourd’hui, l’on est encore à se poser cette question lancinante : à quand le début d’une véritable réconciliation en Côte d’Ivoire, pays meurtris par plus d’une décennie de guerre civile ?

Le dire, n’est pas un refus de faire croire que les choses peuvent s’améliorer, ou un désir délibéré de présenter une situation plus chaotique qu’elle ne l’est déjà. Le dire, c’est plutôt attirer l’attention des uns et des autres sur les dangers qui guettent, depuis toujours, ce pays, afin d’y remédier. Le refus pour des ivoiriens, quels qu’ils soient, de s’inscrire dans une opération initiée par le régime en place, malgré tous les avantages reconnus à cette opération, démontre, en effet, de la profondeur des douleurs enfouies dans les cœurs depuis la crise post-électorale, du sentiment général de justice sélective et de la ténacité des ressentiments à l’égard des agissements passés et récents de ceux qui disent les gouverner aujourd’hui. Cela démontre qu’il y a encore du chemin à faire ou que rien de manifeste n’a été fait pour recoller les morceaux après la guerre qu’a connue le pays, bien au contraire. Les traumatismes sont encore trop forts. Les ingrédients qui ont conduit ce pays au chaos, sont encore trop présents. Il aurait fallu s’asseoir ensemble pour jeter les bases d’un recensement réussi.

En définitive, il aurait fallu que le régime d’Alassane Ouattara comprenne, qu’il tient encore entre ses mains, malgré ses bonnes intentions, « les armes » qui ont servi à verser le sang des ivoiriens, ces mêmes « armes » qui hier et aujourd’hui, ont servi à semer la terreur, la division et la douleur parmi les populations ivoiriennes qu’il entend aujourd’hui recenser au forceps. Il aurait fallu, pour ce régime, être sage pour s’en débarrasser bien avant toute opération. Et alors les portes des ivoiriens se seraient naturellement ouvertes aux agents recenseurs, sans crainte, ni colère aucune.

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