Côte d’Ivoire – La commission électorale « actuelle n’est pas transparente et indépendante » selon la société civile (interview)

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La commission électorale ivoirienne « actuelle ne garantit pas son indépendance », selon la société civile (ENTRETIEN)

Par Patrice Allégbé

La commission électorale ivoirienne « actuelle ne garantit pas son indépendance et sa crédibilité pour des élections non violentes » parce que le processus de sa mise en place n’est « pas inclusif », a dit le président de la Convention de la société civile (Csci), Christophe Kouamé, dans un entretien à ALERTE INFO.

La loi sur la Commission électorale indépendante (Cei), récemment adoptée à l’Assemblée nationale peut-elle garantir des élections crédibles de par sa nouvelle composition ?

On félicite le gouvernement qu’on soit passé de 31 à 17 membres, mais la Csci émet plusieurs réserves : la première réserve, c’est la composition. Pour nous, on devrait passer d’une Cei 100% politique à une Cei un tiers administration, un tiers politique et un tiers société civile avec pour président une personnalité issue de la société civile.

Le deuxième point de réserve, cette Cei pourrait voir son indépendance affectée selon trois points : la représentation des présidents d’institution, exemple le représentant du chef de l’Etat, celui de l’Assemblée nationale, celui du ministre de l’Intérieur et du ministre de l’Economie, cela pose problème.

Le président de la République, à un moment donné va déposer sa candidature comme il l’a d’ailleurs déjà annoncé. Pour nous donc, tous les candidats devraient être traités selon notre Constitution, équitablement.

Si le président de la République, en déposant sa candidature devient un simple président de son parti politique, on doit pouvoir et de manière équitable, permettre à tous les candidats retenus par le Conseil constitutionnel d’avoir un représentant dans la commission électorale. Ce qui n’est pas le cas dans le format actuel.

Deuxième élément qui va jouer sur l’indépendance de la Cei actuelle, c’est le mode de fonctionnement. Jusque-là on ne sait pas comment le budget va venir, est-ce que cela va être indépendant dans le budget national et passer par l’Assemblée nationale, auquel cas, cela va garantir plus d’indépendance. Mais si le budget passe par le président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’Economie et des finances, ces personnalités peuvent jouer là-dessus pour ne pas que l’indépendance soit garantie.

Troisième point, c’est le mode de désignation des représentants qui vont la composer. On nous a dit un quart gouvernement, un quart parti au pouvoir, un quart opposition et un quart société civile dont deux religieux et deux personnes de la société civile.

Il nous revient que des représentants de la société civile ivoirienne ont été invités par le ministre d’Etat, de l’Intérieur et de la sécurité à travers sa direction générale de l’administration du territoire.

Il parait qu’une réunion se serait tenue au cours de laquelle un représentant de la société civile devant siéger à la Cei aurait été élue, désignée ou coptée. Il nous est revenu que la personne désignée serait le représentant d’une Ong internationale.

Etant donné que ce processus de désignation nous ne le connaissons pas, puisque n’ayant pas été fait selon la transparence, selon le caractère inclusif de toutes les organisations de la société civile. La Csci et même les personnes qui y ont participé n’ont reçu ni courrier, ni e-mail d’invitation à une telle rencontre qui devrait conduire à la composition de la Cei, qui pour nous est très importante, parce qu’elle doit permettre l’organisation d’élections non violentes et crédibles.

Il y a un risque que l’indépendance du fonctionnement de cette Cei puisse être entachée.

Quelles sont, selon vous, les forces et faiblesses de cette nouvelle ossature de la Cei ?

La première force, c’est le nombre qui a diminué, le fait qu’on ait un nombre qui a diminué, c’est une force certaine. Mais, là où il y a les faiblesses, c’est que la Côte d’Ivoire est partie de la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et du protocole de la Cedeao sur la démocratie et la bonne gouvernance, qui stipulent que pour obtenir des élections libres et transparentes, le processus de mise en place du cadre institutionnel chargé de régenter le processus électoral, c’est-à-dire le code électoral, la liste électorale et la commission électorale indépendante, doivent être transparents et inclusifs.

Jusque-là, si vous voyez que le débat n’est pas encore terminé, c’est parce que ce n’est pas transparent et pas inclusif. Pour nous, tout le processus, avant, pendant et après les élections doit être transparent et inclusif.

Concernant la désignation du membre de la société civile, on ne sait pas comment ça s’est fait, en tout cas on l’a ainsi appris. Maintenant nous allons passer au code électoral et à la liste électorale, nous allons voir si ce processus va moins pêcher par la transparence et par l’inclusivité.

Quels commentaires faites-vous du refus du Fpi de siéger au sein de la nouvelle Cei ?

Concernant le refus de l’opposition, notamment le Fpi de désigner ses représentants, la société civile voudrait rappeler à tous de prendre la pleine mesure de la période critique que traverse notre pays et cette crise qui a des dimensions politique, humaine et sociale profondes, devraient nous amener, que ce soit le gouvernement, l’opposition et la société civile, à être un peu plus constructif.

Malheureusement, nous constatons que cette atmosphère nous donne de voir que la crise est caractérisée par une polarisation politique croissante qui est illustrée par un langage polémique, partisan, par des stratégies électoralistes, au fur et à mesure qu’on se rapproche des échéances : Vous voyez les groupes de soutien, les modifications des sièges des hommes dans les partis politiques, tout cela, juste pour accéder au pouvoir ou alors se maintenir au pouvoir.

Nous société civile, nous attirons l’attention de tout le monde sur le fait que la situation est critique et on devrait plutôt réfléchir à comment construire ce pays en lieu et place de mettre en place des stratégies électoralistes d’intérêts partisans.

La crise est réellement profonde, chacun doit faire l’effort d’avoir une vision constructive. L’opposition n’est pas contente et satisfaite de la formule finale de la composition de la Cei, mais elle doit aller soit par une voie de droit, ce qui est fermé pour le moment après le vote de la loi par les députés, soit par une voie de pression, d’influence pour amener le gouvernement à modifier sa position et non se retrancher.

On est tous d’accord que la formule actuelle de la Cei ne garantit pas son indépendance et sa crédibilité pour des élections non violentes, çà, c’est une conclusion à laquelle nous sommes arrivés.

Que suggérez-vous pour éviter de nouvelles violences postélectorales en Côte d’Ivoire ?

Nous pensons sincèrement que le gouvernement doit reprendre le dialogue avec toutes les parties prenantes. Il faut qu’il écoute ou soit à l’écoute de ses populations à travers les groupements associatifs syndicaux et politiques. Reprendre un dialogue politique clair, reprendre le même dialogue social avec les organisations syndicales pour entendre leurs voix concernant tous les problèmes de la Nation et reprendre ce dialogue avec les organisations de la société civile dans son entièreté pour qu’on puisse rattraper ce qui n’a pas pu être fait.

Mais, pour nous la réflexion continue, d’ici quelques mois, nous allons réfléchir à fond, si tel n’est pas le cas, que le gouvernement n’aurait pas repris toutes ces consultations, nous aviserons d’une nouvelle position de la société civile.

PAL/GB

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