Côte-d’Ivoire: Quand Soro pleure un pionnier de la rébellion de 2002 (témoignage)

Bogolamine

Témoignage de Guillaume SORO sur Lamine SANOGO – « Avec la disparition de Lamine Sanogo, c’est une partie de ma vie privée qui s’en va »

Témoignage de Guillaume SORO sur Lamine SANOGO – « Avec la disparition de Lamine Sanogo, c’est une partie de ma vie privée qui s’en va »
La nouvelle du décès de Lamine SANOGO, m’a profondément meurtri. Je suis encore sous le choc et je ne réalise pas vraiment encore. Lamine SANOGO, mon cousin était plus qu’un ami, un frère. Quand je remonte le fil de mes souvenirs, je le revois encore à l’école primaire de Diawala avec mes jeunes frères SORO Kpayérégué et SORO Simon. Pour tout dire, le père de Lamine SANOGO était une sorte de grand sage pour mon père. Les deux étaient intimement liés, ils se vouaient un respect mutuel et une considération profonde.

C’est après la classe de CM2, que mon père a quasiment adopté Lamine SANOGO, le scolarisant de la 6ème à la 3ème. Allez demander à mes jeunes frères, ils vous donneront les détails de cette époque. Je me rappelle que c’est en classe de 3ème que mon frère SORO Simon est venu me voir avec un courrier de mon père, me demandant de m’occuper de Lamine SANOGO comme mon jeune frère de lait. Vous savez chez nous les Sénoufo, quand un père vous confie une telle mission, une telle responsabilité, vous ne posez pas de question. Depuis cette date, Lamine SANOGO et moi avons entamé une relation quasi fusionnelle.

Je me rappelle encore qu’un jour de la moitié des années 90, j’étais en Cité universitaire lorsque Lamine SANOGO est venu me voir. Il a partagé avec moi son vœu de partir à l’aventure en Allemagne. Je ne saurais vous dire pourquoi il avait choisi ce pays. Souvenez-vous, à cette époque, il n’y avait pas de visa, il suffisait d’avoir un passeport et un billet d’avion. Comme bien de nos camarades, Lamine SANOGO voulait aller se chercher en Europe. C’est alors que je lui ai rétorqué que la vie n’était pas facile en Europe et que je ne pouvais pas le laisser courir le risque d’une aventure mal préparée. Je lui ai demandé de s’inscrire dans l’une des écoles privées de l’époque pour faire un BTS à ma charge. Il s’est inscrit et logeait chez un de mes amis, à la Cité universitaire d’Abobo, du nom de Sikobeh OUATTARA (actuellement membre du Conseil municipal de Diawala). Lamine SANOGO était un jeune homme discret, presque effacé. C’était une véritable tombe. Depuis cette époque, il m’a accompagné dans toutes mes entreprises. Il était l’homme à tout faire pour moi au point où mes propres enfants préféraient se confier à lui pour obtenir quelque chose de moi.

Tenez, maintenant qu’il est décédé, il me faut révéler par acquit de conscience, certains faits d’armes de Lamine SANOGO. Aujourd’hui, c’est vrai, des gens peuvent méconnaître ce qui s’est passé le 19 Septembre 2002, mais je dois vous dire que de retour d’exil, quand il a fallu déclencher le 19 Septembre, les trois (3) civils que nous étions pour composer le Poste de Commandement (PC), il y avait KONE Souleymane dit Soul to Soul, Lamine SANOGO et moi-même. Nous dormions dans la même pièce dans une résidence dans un quartier au sud d’Abidjan, que je ne peux révéler pour le moment. C’est vrai, aujourd’hui, il y a beaucoup de courageux mais à l’époque, il fallait être téméraire pour ne pas dire fou pour s’engager dans une telle entreprise. Tous les militaires ténors du 19 Septembre 2002 savent qui est Lamine SANOGO.

Si vous fouillez minutieusement dans les archives de RFI, vous reconnaître la voix de Lamine SANOGO qui se faisait passer pour un autre. Aux premières heures du 19 Septembre 2002, il nous fallait communiquer et comme le timbre de ma voix aurait été reconnu, je briefais Lamine SANOGO sur ce qu’il devait répondre aux questions des journalistes de RFI, BBC et autres. Je lui dictais aussi des tracts qu’il se chargeait de ventiler par la suite. Quand le 19 Septembre à midi, il nous a fallu replier sur Bouaké et que certains éléments n’avaient pas pu le faire, j’ai demandé à Lamine SANOGO de les récupérer et de les déposer à Bouaké. Il fut arrêté par les ex-FDS à Yamoussoukro, il s’en est fallu de peu pour qu’ils l’abattent. Sur cet épisode de sa vie, vous pouvez interroger Meité Sindou, il vous donnera plus d’éléments.

Si j’ai décidé de lever le voile sur une partie de la vie de Lamine SANOGO, c’est parce que qu’il n’est plus. Très peu de personnes savent son histoire dans la rébellion parce qu’il ne la revendiquait jamais, il avait décidé de rester dans l’ombre. Des trois civils que nous étions, au Poste de Commandement au début de la rébellion, il n’en reste hélas que deux, l’histoire s’écrira un jour.

Avec la disparition de Lamine SANOGO, c’est une partie de la mémoire de la rébellion qui disparaît, c’est aussi une partie de ma vie privé familiale qui disparaît.

Adieu Lamine SANOGO !

Guillaume Kigbafori SORO

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