Côte-d’Ivoire Blé Goudé fait « confiance en la justice internationale »

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Source: ivoirejustice.net

La quatrième et dernière journée de l’audience de confirmation des charges dans l’affaire Charles Blé Goudé devant la Cour pénale internationale (CPI) a eu lieu ce jeudi 2 octobre. Voici ce qu’on peut en retenir.

Par Maxence Peniguet

Salle comble ou presque, pour ce dernier jour de l’audience de confirmations des charges. Journalistes, ONG et supporters de Charles Blé Goudé étaient venus nombreux pour le voir parler en fin d’audience.

Le témoin 44 de nouveau en scène

La matinée a commencé avec les observations orales du bureau de la procureure avec la définition d’un crime contre l’humanité. Si la défense argue qu’un crime d’une telle envergure ne peut être commis que par une organisation étatique, l’accusation, elle, réfute cette position. Pour elle, la définition est plus large, toute organisation pouvant commettre ce genre de crime — et donc, les jeunes sous l’autorité prétendue du général de la rue, les mercenaires et les miliciens qui auraient servi sous ses ordres également.

D’autres points de droit auront été abordés, comme la question de la responsabilité en tant que coauteur indirect, ou le fait que la procureure n’aurait pas besoin de démontrer que l’accusé avait l’intention de tuer quelqu’un en particulier, non, elle aurait besoin simplement de convaincre les juges que le suspect savait que la mise en oeuvre du plan commun ferait des victimes.

L’équipe de la procureure est revenue plus tard sur la crédibilité du témoin 44, mise en doute par la défense. Son témoignage serait tout à fait crédible, puisque des événements qu’il raconte seraient corroborés par d’autres éléments, comme le registre de visites de la présidence de la République.

Martin Luther King et Malcom X

C’est avec une autre présidence, celle de la Galaxie patriotique, qu’a continué Eric Macdonald pour l’accusation. Pour lui, la chose est certaine : Charles Blé Goudé était le leader de la Galaxie patriotique et avait donc sous ses ordres de nombreuses organisations, certaines armées. Des images ont été montrées, où l’on voit effectivement le suspect entouré de leaders de groupes faisant partie de la Galaxie à ses côtés et à ses meetings. Des leaders comparés quelques jours plus tôt par la défense comme des Malcom X, par opposition à Blé Goudé et son Alliance, des Martin Luther King, toujours selon la défense.

Images qui, du côté de Nicholas Kaufman, qui représente Blé Goudé, ne prouvent rien. On entendrait ce dernier, dans l’une des vidéos montrées par Eric Macdonald, dire qu’il ne parlait que pour son Alliance — et par pour les autres organisations. Et le suspect de préciser, lui-même lors de son intervention, que ses meetings étaient publics et qu’il n’empêchait personne d’y participer, leaders rivaux de la Galaxie patriotique inclus.

Claver N’Dry et Paolina Massidda

Remettre l’avocat ivoirien de Blé Goudé à sa place. C’est ce qu’on peut retenir de l’essentiel des observations de la représentante légale des victimes, Paolina Massidda. Claver N’Dry l’avait accusée d’ignorer une certaine partie des victimes ivoiriennes de la crise, en citant l’une des interventions de la représentante. Sauf que, comme l’a expliqué Paolina Massidda, le passage cité n’était pas correct.

À lire et à voir aussi –> Affaire Gbagbo : notre entretien avec la représentante légale des victimes

Claver N’Dry n’est d’ailleurs pas revenu sur le sujet quand fut venu son tour de parler. Il a simplement dit qu’il croyait dans la bonne foi de la représentante, mais que certains essayaient d’induire cette dernière en erreur. L’avocat ivoirien a plutôt souhaité revenir sur la crédibilité du témoin 44, qui ne serait, selon un autre témoin, « qu’un menteur ». Il a, entre autres, parlé des hommes en armes montrés par l’accusation dans les meetings du suspect : il s’agirait là de policiers en civils, se protégeant, du fait d’être en civils, du Commando invisible, connu pour attaquer les corps habillés.

Charles Blé Goudé et Fatou Bensouda

Avant de céder la parole à Charles Blé Goudé, son avocat, Nicholas Kaufman, a fait encore une fois le tour des arguments présentés cette semaine pour expliquer aux juges pourquoi elles ne devraient pas confirmer les charges. Puis, satisfaisant un public qui s’impatientait, il a cédé la parole à son client.

Charles Blé Goudé, avec son charisme que l’on connait, a parlé pendant près d’une heure. Il a énuméré, à une nouvelle reprise, la liste des arguments de la défense, qui l’ont améné à se poser la question : « Pourquoi vous faites ça ? » Pourquoi, lui, qui se compare à Nelson Mandela, lui qui a fait une grève de la faim, lui qui n’aurait cherché que la réconciliation, lui qui n’aurait jamais eu d’arme, est-il devant la Cour pénale internationale ? Il a également répété que les coupables de la crise, Fatou Bensouda les connait, ils sont à Abidjan.

Pour autant, il n’a pas jeté le discrédit sur la CPI ou sur l’accusation. Cette cour, « c’est notre Cour à tous », a-t-il dit. Sa mission est aussi la sienne : que plus personne n’accède au pouvoir par la violence. « Le procureur et moi, on devrait faire un », a-t-il d’ailleurs dit, avant de lancer, en soutien à l’institution : « Je fais confiance en la justice internationale. » Et de conclure, en cas de confirmation des charges puis de condamnation : « Un jour, l’histoire m’aquitera. »


Et maintenant ?
La CPI explique : « Le procureur et le représentant légal des victimes auront jusqu’au 10 octobre 2014 pour compléter leurs présentations par des observations écrites, auxquelles la défense pourra répondre le 17 octobre 2014 au plus tard. Dans un délai de 60 jours suivant la réception de la requête finale de la défense, les juges prendront leur décision. A l’issue de ce délai, la chambre préliminaire peut :

Confirmer les charges pour lesquelles elle a conclu qu’il y a des preuves suffisantes donnant des motifs substantiels de croire que M. Blé Goudé a commis les crimes qui lui sont reprochés, auquel cas l’affaire est renvoyée en jugement devant une chambre de première instance composée de trois autres juges pour le procès ; ou
Refuser de confirmer les charges pour lesquelles elle a conclu qu’il n’y a pas de preuves suffisantes et arrêter la procédure à l’encontre de M. Blé Goudé ; ou
Ajourner l’audience et demander au Procureur d’apporter des éléments de preuve supplémentaires ou de procéder à de nouvelles enquêtes ; ou de modifier toute charge pour laquelle les éléments de preuve produits semblent établir qu’un autre crime que celui qui est reproché a été commis. »
Vous pouvez aussi lire le compte rendu de la première journée de l’audience de confirmation des charges dans l’affaire Blé Goudé ; le compte rendu de la deuxième journée ; et le compte rendu de la troisième journée.

[Photo : Charles Blé Goudé à la CPI, le 29 septembre 2014. Crédit : CPI]

Source: https://ivoirejustice.net/article/ble-goude-je-fais-confiance-en-la-justice-internationale

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