Côte-d’Ivoire François Mattéi en conférence « Pour la vérité et la justice. Révélations sur un scandale français »

Bruxelles2

M. Mattei en Belgique: Il a assuré et rassuré

À l’initiative du Mouvement pour la Renaissance de l’Afrique (MORAf), en collaboration avec le CRI Panafricain de Belgique et l’Union des Nouvelles Générations (U.N.G) du Benelux, l’ancien directeur de la rédaction de France-Soir, M. François Mattei a été invité pour animer deux conférences, suivies de dédicaces en Belgique. Il s’agissait, d’une part, de parler du livre qu’il avait écrit et dont le titre est: « Laurent Gbagbo et/selon François Mattei. Pour la vérité et la justice. Côte d’Ivoire : révélations sur un scandale français », Et d’autre part, de donner les dernières informations sur la situation de détention du président Gbagbo à la Haye.
La première conférence eut lieu le vendredi 12 septembre 2014 à Liège, grâce au partenariat de l’asbl « LE CLAN ». La seconde, s’est tenue à Bruxelles, le samedi 13 septembre à l’Horloge du Sud.
M. Yves Lodonou, de Radio Campus/Sous l’Arbre à Palabre, assurait le rôle de modérateur. Il est revenu à Kalvin S. NJall, enseignant, présentateur de l’émission panafricaine « Sous l’Arbre à Palabres » de Radio Campus à Université libre de Bruxelles, de faire l’analyse critique de l’œuvre en question dont le texte est en annexe.
Nous vous livrons quelques extraits choisis de ces deux conférences.
M. François Mattei, tout en remerciant les organisateurs des conférences, a tenu à faire la précision relative à la modification du titre. En effet, la Une de l’ouvrage, est passé du « et » à « selon ». Cette modification, révèlera-t-il, a été faite suite à la demande des avocats du président Gbagbo. Cependant, il insistera sur le fait que « le contenu est resté identique. Aucune virgule, aucun point n’a été retiré, ni ajouté. ». Et M. Mattei indiquera qu’il est en phase avec le président Gbagbo. D’ailleurs, rappellera-t-il, après la sortie officielle du livre le 26 juin 2014, il (Mattei) est retourné voir le président Gbagbo à la Haye, le 25 juillet 2014. Et, c’était pour la seizième (16 ème) fois qu’il (Mattei) rendait ainsi visite au président Gbagbo à la Haye depuis sa déportation le 30 novembre 2011. Il a tenu à rassurer l’assistance que le président Gbagbo se porte bien. C’est un homme chaleureux et jovial qui vous met à l’aise et vous transmet sa bonne humeur chaque fois que vous lui rendez visite. « Avec lui, on rit toujours, jamais de pleurs. C’est un gai combattant ». Et il ajoutera que « Ce n’est pas le président Gbagbo qui est en prison, c’est plutôt la CPI » car elle (la CPI) cherche une issue pour ne pas se décrédibiliser. Car dira-t-il « le dossier est vide, et le président Gbagbo est à la Haye parce qu’il est un vrai démocrate. C’est quelqu’un qui croit en la Démocratie réelle, pas celle chantée tous les jours par les Occidentaux. ». Il ajoutera que, s’il (Gbagbo) était un dictateur, il serait encore au pouvoir et même adoubé par la « Communauté internationale ». Mais pour lui, c’était une question de principe, de dignité pour la Côte d’Ivoire et de l’Afrique. C’est pour cela que le président Gbagbo a mené ce combat qui lui vaut d’être déporté à la Haye. Il a certes fait des erreurs, parce que c’est un être humain. Et l’une des erreurs est d’avoir cru que Sarkozy n’allait pas attaquer la Côte d’Ivoire. M. Mattei battra, d’ailleurs, en brèche le fait qu’on impute comme erreur au président Gbagbo le fait d’avoir organisé des élections alors que le pays était occupé par la rébellion. Il rétorquera que les dés étaient déjà pipés. « S’il (président Gbagbo) n’organisait pas les élections, cela aurait été un argument que la France utiliserait pour dire que Gbagbo était un dictateur et cela aurait légitimé l’attaque. »
Il a tenu a rappelé que le président Gbagbo a beaucoup de mérite. Car résister pendant dix ans contre des puissances occidentales, notamment la France ne fut pas facile. Il fallait avoir un flair et un sens politique qui dépasse la normale. D’autre part, ce mérite s’est, surtout, reflété dans gestion économique du pays. En effet, pendant que le pays était coupé en deux, avec 60% du territoire occupée par une rébellion sans foi ni loi, le président Gbagbo a, malgré tout, toujours honoré ses engagements, notamment en remboursant régulièrement la dette de la Côte d’Ivoire. Ce que aucun chef d’Etat ivoirien, jusqu’à ce jour, n’a fait. Il était même francophile. Il n’a jamais supprimé les contrats que les firmes françaises avaient acquis avant son accession au pouvoir. Il voulait établir des contacts de « win- win» avec la France.
Il a tenu à préciser que la France dont il parle, ce n’était pas celle des simples citoyens français, mais plutôt celle de ses dirigeants politiques et économiques. Les dirigeants politiques, en effet, ne portaient pas le président Gbagbo, (pourtant élu démocratiquement), dans leur cœur. Car il (Gbagbo) n’était pas arrivé au pouvoir grâce à leur soutien. Et même mieux, le président Gbagbo a voulu toucher aux privilèges que la France tire de l’exploitation des Etats africains qui furent ses ex-colonies. Mais, il n’a malheureusement pas eu le temps. Car déjà en janvier 2001 déjà un coup d’Etat, baptisé « la Mercedes Noire » avait avorté. Puis ce fut le coup fatal avec celui dans la nuit du 19 au 20 septembre 2002, créant la partition du pays en deux avec la complicité de la France.
Pour parler de ces privilèges, il est revenu sur les avoirs des quatorze Etats africains détenus par la France : « Comme comprendre que les avoirs des pays africains sont gardés par la France ; et celle-ci prétend qu’elle aide ces Etats africains ? La France n’a jamais aidé l’Afrique. C’est avec l’argent d’un pays africain A par exemple, qu’elle (la France) prête à un autre pays africain B. Puisque c’est le trésor français qui gère les avoirs de 14 Etats. Pire, elle privatise ces soi- disant dettes de ces pays.». D’ailleurs, l’une des plus grandes arnaque est cette monnaie : le Franc CFA. « Elle [cette monnaie] est fabriquée à Chamalières, située à l’ouest de Clermont-Ferrand, dans le Puy-de-Dôme, en France. Et les Africains sont tenus à l’écart de sa confection. Que ce soit la BCEA ou la BCEAO, elles n’ont aucune emprise sur cette monnaie».
Quant à la presse française dont il fait partie, il dira qu’elle n’est pas libre, contrairement à ce qui est vanté. Il révèlera que les responsables de l’audio visuel extérieur, constitué par RFI, France 24 et TV5, sont nommés par l’Elysée. Et c’est là-bas (à l’Elysée) qu’ils émargent. Cela se passe presque de la même manière avec l’audio visuel national française (France2, France 3, France 5). Ils (ces journalistes de ces média) ne peuvent que véhiculer les informations que l’Elysée leur demande de rapporter.

Enfin, c’est respectivement à 21h45 à Liège ; et à 19h15 à Bruxelles, que les différentes dédicaces de l’œuvre de M. Mattei eurent lieu. La centaine de livres que les organisateurs avaient prévue fut acheté comme de petits pains par une assistance désireuse d’apprendre et de comprendre.
En conclusion, on retiendra que M. Mattei était attendu, il est venu, a assuré et rassuré toute l’assistance. Cette assistance a, à travers l’interaction qu’elle a eu avec M. Mattei, compris les enjeux de la guerre faite par la France de Sarkozy à la Côte d’ivoire et la déportation du président Gbagbo à la Haye.

Compte-rendu spécial par
Tapé GROUBERA

bruxelles

Pour la vérité et la justice de François Mattéi avec Laurent Gbagbo: un ouvrage indispensable à une compréhension éclairée de la crise ivoirienne

La crise post-électorale ayant mené à un conflit armé en Côte-d’Ivoire a pris fin depuis plus de trois ans maintenant. Le temps est désormais aux interprétations, aux supputations, mais aussi aux découvertes sur ce qui s’est réellement passé. Jusqu’alors, plusieurs acteurs de la crise ou qui étaient en dehors de la crise se sont exprimés : une justice internationale incarnée par la Cour Pénale Internationale dont l’impartialité est plus que douteuse ; le camp des vainqueurs avec Alassane Ouattara et Guillaume Soro à grands renforts médiatiques appuyés par l’Audiovisuel Extérieur Français ; le Front Populaire Ivoirien avec les proches du président Gbagbo ; les journalistes d’investigation ayant livré le résultat de leurs enquêtes sur divers supports, les ONG avec leurs rapports ; etc.
Le seul acteur – qui fut d’ailleurs le principal au cœur de la crise – qui ne s’était pas encore exprimé directement était le président Laurent Gbagbo lui-même. Et c’est là le premier grand mérite de l’ouvrage de François Mattéi, recueillir directement, sans intermédiaire les confidences et les positions du plus célèbre prisonnier de Scheveningen à La Haye. Ce qui nous permet d’avoir de nouveaux éclairages sur certaines zones d’ombres. L’ouvrage a permis aussi à Laurent Gbagbo de s’expliquer pour la première fois sur certaines accusations comme le double langage vis-à-vis de la France qui lui sont imputées.
L’ouvrage a un second mérite : il permet d’avoir des clés d’analyse pour comprendre l’actualité immédiate de la Côte-d’Ivoire, notamment le conflit récent autour de la composition de la Commission Électorale Indépendante et de son président si controversé Youssouf Bakayoko. Il permet également de mieux connaître et comprendre le profil et la pensée politique de Laurent Gbagbo en ce qui concerne le destin de la Côte-d’Ivoire et de l’Afrique.
Cependant, une faiblesse presque congénitale colle à la peau de ce remarquable livre : la polémique née avec le changement opéré au niveau des auteurs du livre. Sorti sous la dénomination « Laurent Gbagbo et François Mattéi », il connut très rapidement un réajustement avec une nouvelle dénomination « Laurent Gbagbo selon François Mattéi ». Ce changement a pu être exploité comme un affaiblissement de la parole du président puisque la nouvelle dénomination instille dans les têtes le fait que le livre est peut-être le fruit des interprétations de Monsieur Mattéi.
Même si le livre peut sembler tomber dans la répétition du décryptage du système de la Françafrique déjà réalisé par plusieurs ouvrages antérieurs, il a un avantage historique et politique important : il nous révèle des faits qui permettent d’actualiser la continuité du schéma « françafricain ». Citons comme exemples marquants la demande de Dominique De Villepin et Robert Bourgi faite à Laurent Gbagbo de verser de l’argent pour la campagne électorale de Jacques Chirac en 2002, les visites du soir de François Hollande à l’hôtel du président, etc.
À travers l’ouvrage, on découvre Laurent Gbagbo un peu plus en profondeur : amoureux et passionné de la politique, un peu trop passionné pourrait-on dire d’ailleurs. En effet, il aime palabrer à n’en plus finir, car convaincre son interlocuteur par la politique était pour lui une nécessité absolue, mais aussi un plaisir politique. Un homme profondément attaché à son terroir, un vrai talent politique, mais aussi – et on le découvre à travers le livre – une certaine naïveté ou plutôt un excès de confiance dans sa tactique politique que certains ont surnommée le « crabisme » en référence à la démarche du crabe. Pour mettre en exergue cette forme de naïveté, une phrase revient en filigrane dans tout le livre, phrase que l’on peut résumer ainsi : « je ne comprends pas comment un litige électoral a pu dégénérer en conflit armé ». Le président Laurent Gbagbo n’a-t-il pas sous-estimé la détermination du régime français de Nicolas Sarkozy à le voir partir fut-ce par la force la plus violente ?
Ce livre nous offre aussi l’opportunité de découvrir un Laurent Gbagbo qui se livre au jeu de l’autocritique : il reconnaît pour la première fois toutes ses erreurs.
En conclusion, on peut affirmer avec certitude que ce livre est très bien écrit, très intéressant au niveau politique, historique, et même au niveau des faits. Un livre qui n’est pas seulement fait pour les initiés à la politique africaine, mais aussi pour tous ceux qui veulent comprendre pourquoi l’Afrique reste un continent pauvre à travers l’exemple de la Côte-d’Ivoire et de Laurent Gbagbo.

Kalvin SOIRESSE NJALL
Journaliste
Radio Campus Bruxelles

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