En Côte d’Ivoire « le taux de bancarisation n’excède pas 12% » selon Ouattara

M6

Forum pour le Développement de l’Afrique : Allocution de SEM Alassane Ouattara,Président de la République de Côte d’Ivoire

(…)

Honorables invités,
Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureux de participer à cet important Forum, qui a pour thème « Des financements innovants pour la transformation de l’Afrique ». Ce thème est d’actualité pour une Afrique en pleine mutation et en passe de devenir le prochain continent émergent dans le monde.
La question qui se pose, c’est de savoir comment accompagner cette profonde transformation qui s’opère sous nos yeux, par des financements adéquats et novateurs. Tel est le défi que nous devons relever.
La première piste qui s’offre à nous est d’accélérer le développement de nos marchés financiers, en vue d’amorcer la transformation de nos économies.
A cet égard, nous devons créer des produits financiers innovants, tout en nous dotant d’institutions et d’infrastructures financières nationales et régionales efficaces.
Je pense notamment au développement des PME et du passage de ces PME du secteur informel au secteur formel. C’est une des conditions nécessaires à leur éligibilité à ce type de financement.
En guise de contribution aux échanges que vous aurez au cours de ce Forum, je voudrais mettre l’accent sur sept points qui me paraissent essentiels :

En premier lieu, la mobilisation de l’épargne locale. Le constat qui s’impose, c’est le faible taux de bancarisation dans notre région. A titre d’exemple, il n’excède pas plus de 12% en Côte d’Ivoire. Un volume de transactions financières trop important échappe encore au secteur financier. Cela a des conséquences négatives pour nos pays :
• Cette situation crée une compétition déloyale entre le secteur informel, en pleine croissance et le secteur formel. A cela, plusieurs raisons : trop de transactions échappent au système de taxation, ce qui engendre un manque à gagner important pour nos administrations fiscales ;
• Les ressources non bancarisées et non épargnées ne contribuent pas au développement économique de nos pays et empêchent la mobilisation de l’épargne ;
• Le cout d’émission de la monnaie (billets de banque) est élevé ;
• Le développement des transactions en cash est un facteur qui aggrave les risques de blanchiment d’argent, susceptibles de financer des activités illégales et même terroristes.
Nous devons donc faire des efforts pour augmenter de façon significative la bancarisation dans nos pays. Ce sujet me tiens particulièrement à cœur. C’est pourquoi, j’ai demandé à mon Gouvernement de travailler, en liaison avec la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), à la création de nouveaux instruments financiers permettant la mobilisation de l’épargne à long terme. Ce type d’épargne est important, notamment pour les compagnies d’assurance.

Le deuxième axe, c’est de donner un rôle plus important à la mobilisation boursière.
En effet, un secteur boursier dynamique est un facteur déterminant pour le développement de nos pays. A titre d’exemple, on peut citer la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) à Abidjan, qui est en plein développement.
Cependant, elle devrait mobiliser davantage de ressources, pour répondre aux besoins de financement de notre développement. Cela passe par une meilleure information et éduction de nos populations. Elles doivent être encouragées à investir dans les instruments financiers que propose la BRVM. Cette politique contribuera incontestablement au développement d’instruments financiers, avec un accroissement des revenus pour les individus ou les entreprises plaçant leurs ressources en bourse. Dans le même temps, elle permettra au secteur privé et aux gouvernements d’avoir accès à plus de ressources à long terme, à un coût plus compétitif.

Le troisième point concerne les mesures destinées à encourager le secteur privé à investir dans nos économies.
Comme chacun le sait, les fonds privés d’investissements ont fortement contribué au développement économique de régions telles que l’Amérique latine et l’Asie. L’Afrique doit en prendre le chemin. A cet effet, la liquidité des instruments financiers disponibles à la bourse permettra d’attirer les investisseurs internationaux. Pour ce faire, il faudra veiller à la transparence des procédures pour l’investissement, à favoriser le rapatriement des capitaux investis ainsi qu’à l’amélioration du climat des affaires.

Le quatrième point a trait à l’amélioration de l’image de l’Afrique. Ce point est primordial. Il suppose une implication des leaders africains que nous sommes, pour mieux faire connaître l’Afrique et changer le regard que le monde porte sur elle. Car, en réalité, l’Afrique change, évolue et devient de plus en plus compétitive.

En cinquième point, j’aborderai la question de la mobilisation des ressources des pays du sud.
Dans le contexte actuel de croissance des pays émergents, on ne saurait parler d’innovation de financement sans parler des financements sud-sud. En effet, bien que les grandes puissances émergentes aient de fort besoins au sein de leurs propres pays, elles consacrent de plus en plus de ressources aux autres pays du sud. De ce fait, elles créent de nouvelles sources de financement pour l’Afrique. Mais cela n’est pas suffisant. Il faut intensifier les relations entre les pays du sud.
A cet égard, l’exemple que le Royaume du Maroc donne en matière de coopération sud-sud, grâce à la vision et à la clairvoyance de Sa Majesté, est à saluer.

Le sixième point est relatif à l’accroissement du financement des Partenariats Publiques Privés. Les demandes et les besoins en financement de nos économies dans les années à venir seront tels que les ressources publiques ne suffiront plus. Il faudra alors faire appel nécessairement au secteur privé, pour faire face à cette réalité. La solution, c’est d’encourager le financement des grands projets structurants, pourvoyeurs d’emplois, par des Partenariats Publiques Privés. C’est pourquoi, mon Gouvernement a créé une cellule Partenariats Publiques Privés, pour tirer le meilleur profit de ce type de financement.
Je terminerai par un dernier point ; il s’agit de la structuration des financements autour des transferts de fonds des migrants.
Les transferts de fonds de migrants africains peuvent être des leviers importants pour le financement du développement en Afrique. Ils génèrent des ressources importantes, qui nécessitent une meilleure organisation des transactions.

Honorables invités,
Mesdames et Messieurs,

A ces différentes sources de financement que je viens d’évoquer, il faut ajouter le recours aux marchés internationaux de capitaux, sous forme d’émissions d’euro bonds.
La levée de fonds sur ces marchés par l’Afrique Subsaharienne, de janvier à fin septembre 2014, a atteint 6,9 Milliards de Dollars US contre 6,5 milliards de Dollars US en 2013. La Côte d’Ivoire a levé, avec succès, 750 millions de Dollars US en juillet dernier, à un taux de 5,625% ; la souscription a été beaucoup plus grande que le montant émis (environ 5 milliards de Dollars US).
En outre, l’Afrique du Sud, le Sénégal et le Soudan ont eu recours à des financements non traditionnels, tels que les obligations « SUKUK », pour financer leurs projets d’investissements, plus particulièrement dans le domaine des infrastructures.
Aussi, les institutions de Bretton Woods doivent tenir compte de nos besoins en financement et accepter d’augmenter le plafond d’endettement dans des proportions raisonnables.
La surliquidité des banques africaines est aussi un élément de préoccupation. Cette surliquidité démontre que nos banques ne participent pas encore suffisamment au financement de nos économies, notamment au développement de nos PME.

Honorables Invités,
Mesdames et Messieurs,

Pour conclure, permettez-moi de parler de mon pays, la Côte d’Ivoire, qui s’est fixé pour objectif d’atteindre l’émergence à l’horizon 2020.
Cet objectif est à portée de main : depuis 2012, nous avons une forte croissance, avoisinant 10%. Cela a été possible grâce notamment à l’amélioration du climat des affaires, à un code d’investissement plus attractif et aux importantes réformes sectorielles et structurelles. La Côte d’Ivoire a été classée, dans le « Business Report 2014 » de la Banque Mondiale, parmi les dix pays qui ont mené le plus grand nombre de réformes dans le monde.
En outre, nous avons énormément investis, notamment dans les infrastructures, l’énergie, l’agriculture, la santé, l’éducation et les Technologies de l’Information et de la Communication, à travers notre Plan National de Développement 2012-2015. Les investissements privés, y compris les Partenariats Publics Privés, représentent 60 % des investissements prévus. Ainsi, le ratio des investissements par rapport au PIB devrait passer de 9 % du PIB en 2012 à 16 % en 2014.
Nous avons organisé un forum des investisseurs en Janvier 2014, à Abidjan. Ce forum a été un franc succès, tant par la participation d’investisseurs venus d’un grand nombre de pays, que par leurs intentions d’investissements.
Notre croissance est également tirée par la consommation, du fait de l’amélioration des revenus des paysans 20% en trois ans), de l’augmentation des salaires des fonctionnaires et de la revalorisation du Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG).
L’objectif de notre pays est non seulement de maintenir une croissance forte et durable, mais aussi et surtout une croissance équitable, solidaire, respectueuse du genre et de l’environnement pour le bénéfice de tous.

Honorables invités,
Mesdames et Messieurs,

J’ai foi en l’Afrique. C’est un continent d’avenir. Un continent plein de promesses. Un continent qui surprendra le monde.
Je suis convaincu que les échanges qui se noueront au cours de ce forum, permettront à nos pays de mieux s’intégrer à l’économie mondiale.
Tout comme, je suis confiant que les conclusions de ce Forum aideront les pays Africains à mieux faire face aux défis d’une Afrique sur la voie de l’émergence.

Je vous remercie.
Marrakech, le lundi 13 octobre 2014

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