« La Côte d’Ivoire n’est pas entrée en guerre parce-qu’elle manquait de routes et de ponts ! »

3epont

Boutade signée collectivement par messieurs Ouattara Josué et Kouadio Kouamé, militants actifs du PDCI-RDA en réponse aux dirigeants de leur parti selon lesquels « le pont HKB vaut à lui tout seul un deuxième mandat au président Ouattara ».

in Le Bélier Intrépide du vendredi 30 janvier 2015.

Le président Ouattara peut s’estimer heureux, pour en avoir été averti à temps.

En son temps, cette même opinion a été fatale au président Laurent Gbagbo, qui pensait que, sa passion sans commune mesure pour la construction de Yamoussoukro, suffirait à lui conférer le vote des populations riveraines. C’était tout le contraire qu’il a récolté.

Dans les milieux RDR, en guise de réponse à Gbagbo qui aimait fièrement égrainer ses performances économiques après juste deux ans de pouvoir, (reprise de la coopération avec les institutions financières internationales, budget sécurisé…) la réplique était invariablement la même:

« Tu es mal élu, dégage »

Et quand on remonte un peu plus loin dans le temps, le constat est le même. Henri Konan Bédié, malgré ses projets futuristes et objectivement prometteurs de 12 chantiers de l’éléphant d’Afrique bien ficelés et montés par le polytechnicien Tidjan Thiam, alors DG du BNETD, a été le première victime du signe indien. Ci-dessous ce qu’en pensait en 2010, le Pr. Koby Assa Théophile (cf Nouveau Réveil- 9/6/2010).

« Il m’a semblé que Bédié (président de la République de 1993 à 1999, NDLR) qui a travaillé dans le sillage de Houphouët avait un plan allant dans le sens de la valorisation et du renforcement de l’héritage de ce dernier. Il me semble que ses priorités allaient dans le sens du renforcement du poids régional d’Abidjan en accordant la priorité à l’économie. Il voulait faire d’Abidjan un hub, une mégapole régionale avec un rayonnement encore plus grand que sous Houphouët. Dans son projet pour  » L’éléphant d’Afrique  » pour un pays émergent à l’horizon d’une génération, Abidjan avait une place centrale dans la mise en œuvre du processus de redéploiement de la Côte d’Ivoire au seuil du troisième millénaire. Pour y parvenir, il a commencé d’abord par accroître le potentiel énergétique national avec la construction des centrales de production d’électricité à Vridi et à Azito. En un peu plus de six ans de gestion de l’Etat, le régime Bédié avait doublé la production d’énergie électrique de la Côte d’ivoire à partir d’Abidjan, électrifié plus de localités que dans le parcours global du PDCI en quarante ans, au rythme moyen de 120 localités par an. L’Aéroport international Félix Houphouët-Boigny est pour le moment le plus moderne de notre sous région, et c’est une réalisation de Bédié. Le coup d’Etat de 1999 n’a pas permis de poursuivre le projet d’extension et de modernisation de cet aéroport qui était techniquement bouclé. Le palais de la culture est une autre réalisation du régime Bédié dans son projet en faveur du rayonnement de « l’Ivoirité culturelle ». Sur les « 12 travaux de l’Eléphant d’Afrique », la modernisation de l’aéroport FHB, la construction de la centrale thermique d’AZITO étaient déjà réalisées. Les travaux pour le 3ème pont d’Abidjan (Riviera-Marcory) étaient en cours. Les travaux d’extension du port d’Abidjan étaient adjugés à une société anglo-néerlandaise dont les représentants étaient déjà en place. Les chantiers du prolongement de l’autoroute du Nord, de l’autoroute Abidjan-Bassam, étaient en voie de démarrage. Le démarrage du chantier du 4ème pont d’Abidjan (Sud-Banco, Yopougon-Plateau) était imminent. Le marché de l’abattoir d’Anyama était déjà attribué bien avant le coup d’Etat du 24 décembre 1999. Une salle de conférences de 4.800 places, et des hôtels hors taxes étaient près de voir le jour dans le périmètre aéroportuaire ainsi que le  » Parc des expositions de Port-Bouët  » et sa marina, qui devaient permettre d’accueillir à Abidjan les plus grands forums et assemblées générales. Il faut ajouter à cela les efforts projetés en direction de Yamoussoukro. Car outre les édifices prestigieux construits à Yamoussoukro du temps du Président Houphouët-Boigny, le Président Bédié, dans sa politique de relance de la capitale politique, avait notamment achevé la résidence du Préfet, ainsi que la voie triomphale qui devait servir de cadre au défilé du 7 août 2000 à Yamoussoukro. Le plan d’urbanisme directeur de Yamoussoukro avait été actualisé par le BNETD, les décisions de réaliser le transfert progressif de la capitale à partir de 2001 en commençant par les institutions, les ministères de l’Intérieur et de l’Agriculture, de tenir des conseils de ministres à Yamoussoukro, et d’y bâtir un palais présidentiel avaient été déjà prises. Le programme d’urbanisme du  » Grand Abidjan  » avait été adopté en conseil des ministres en 1999 avant le coup d’Etat. Des programmes immobiliers importants (construction de 3 tours sur le site de l’ex-marché du Plateau, construction d’un hôtel 3 étages à l’emplacement actuel de l’AIP par des opérateurs privés) avaient été approuvés par le gouvernement en 1998-1999. Nous pouvons affirmer sans fausse modestie que si le coup d’Etat de 1999 n’avait pas mis un coup d’arrêt au projet de l’Eléphant d’Afrique, le paysage et la personnalité d’Abidjan auraient été tout autre, en bien, et Abidjan aurait conservé son image de la plus belle escale sur le littoral atlantique de l’Afrique Occidentale. Gbagbo concentre, me semble-t-il, ses efforts sur le transfert de la capitale politique à Yamoussoukro qui est sa priorité ».

On le voit, ce n’est pas pour absence de programme infrastructurel que Bédié et Gbagbo ont perdu le pouvoir ! Loin s’en faut.

Pour que l’opinion publique jugent les candidats à l’élection présidentielle, non au niveau de leur apport au développement infrastructurel, mais plutôt au niveau de leur apport à la concorde nationale, cela veut dire que le problème ivoirien est plus profond.

Encore une fois, cette boutade recentre le débat autour de l’impératif de la RECONCILIATION NATIONALE comme principal enjeu de la présidentielle de 2015. Les élections de 2015 doivent redonner à la Côte d’Ivoire sa vocation originelle: La Patrie de la vraie Fraternité.

L’émergence, quoi que nécessaire, est une préoccupation de seconde zone, par rapport aux défis qui se posent à la Nation ivoirienne, une nation menacée dans ses fondements existentiels. L’émergence, une aspiration de divers pays (Niger, Tchad, Mauritanie, Burkina-Faso, Erythrée, Ethiopie, Soudan, Togo…) nous préoccupe biensûr, mais pas à la dimension de la paix durable.

Le comprendre éviterait une deuxième crise postélectorale 2015, avec son lot de morts, de départ en exil, d’arrestations puis de transfèrement de dirigeants à La Haye.

Car, si la procureure de la CPI, madame Fatou Bensouda, fait valoir à qui veut l’entendre que la présence de Laurent Gbagbo se justifierait parce qu’il était le chef suprême des armés et des milices, elle n’hésitera pas à appliquer le même argumentaire au président actuel, aux cas où d’autres tueries intervenaient en 2015.
C’est donc dans l’intérêt bien compris du président de la république et du RDR que le DESARMEMENT des milices avant la période électorale s’impose.

Pour preuve, alors que nous ne sommes ni en période trouble de campagne électorale, ni en guerre, voilà que des tueurs froids arrivent avec une fâcheuse facilité déconcertante à déjouer le dispositif de vidéosurveillance hyper sophistiqué du ministère de l’intérieur pour commettre froidement des enlèvements massifs suivis de décapitation de leurs captures à la Samory Touré. En moins d’un mois, Abidjan est jonchée de cadavres décapités, horreur rapprochant le pays à une terre de cannibales, au lieu d’une terre de la vraie fraternité.

Notre chance est que les présents enlèvements et assassinats massifs ne se sont pas produits en pleine campagne électorale, sinon, nous serions partis pour nous entre-découper dans une confusion totale. Tout nombre supérieur ou égal à 17 morts, en référence à Charlie Hebdo, servant dorénavant de seuil de qualification des crimes contre l’humanité, voilà comment le basculement dans la guerre nous guette encore.

Ne pas attirer l’attention des protagonistes, c’est pousser le président de la république à la faute et ensuite l’abandonner dans les mains de la justice internationale.

Le passer doit servir à éclairer le présent. Et le dire, ce n’est pas être contre le Président Ouattara ni le président Bédié. Mais au contraire, c’est parce que nous les aimons d’un amour sain tâche que nous leur demandons d’ouvrir grandement les yeux afin de éviter un autre catastrophe humanitaire.

Si d’autres sont prêts à revivre le remake de l’élection passée, pour notre part, nous sommes contre ce suicide collectif. Et bien, parce que nous avons été témoins d’innombrables décès de femmes en accouchements compliqués devant nécessité des opérations chirurgicales dans un contexte d’embargo total et austère sur les médicaments et sur les outils chirurgicaux (bistouris, réactifs, alcool et matériel de stérilisation).

Mais gloire soit rendue au créateur de ce que malgré cet embargo ayant entrainé la fermeture de gré ou de force la presque totalité des hôpitaux et des pharmacies, des enfants ont pu voir le jour, le don gratuit du ciel.

Au total, admettre l’opinion selon laquelle, « la Côte d’Ivoire n’est pas entrée en guerre parce qu’elle manquait de routes et de ponts », c’est de rechercher les vraies causes de la crise postélectorale précédente pour mieux préparer l’environnement de l’élection présidentielle de 2015.

C’est l’affaire de tous, parce que le péril guette tout le monde, sans exception à priori.

DAPA Donatien
Chroniqueur Indépendant
dapadonacien@yahoo.fr

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