Pendant plus d’une décennie la Côte-d’Ivoire a fait la promotion des criminels

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Issiaka Diaby – Président du Collectif des Victimes en Côte d’Ivoire (CVCI)

Le retour progressif de la Côte d’Ivoire vers un État de droit favorable à nos missions

La Côte d’Ivoire, à partir de son indépendance obtenue en 1960, grâce à la politique de son premier président Félix Houphouët – Boigny, fondée sur le respect des Droits de l’Homme, a amorcé son développement et a atteint ce qui avait été convenu d’appeler le miracle ivoirien.

La réactualisation du multipartisme en 1990, a traduit l’attachement de la Côte d’Ivoire aux valeurs démocratiques. Malheureusement cet état de fait a été galvaudé par l’opposition politique et a transformé le miracle ivoirien en mirage. Ainsi, la résurgence des propos racistes, mensongers, de haine et de violence, les actes d’atteinte aux droits essentiels de l’Homme et des populations, vont émailler la scène politique ivoirienne à partir de 1990.

Ces agissements inqualifiables de certains hommes politiques ivoiriens, accentués après le décès de Félix Houphouët – Boigny en 1993, en plus des violences liées à l’élection présidentielle de 1995 et le concept de l’ivoirité, serviront d’arguments en 1999, pour justifier le coup d’Etat militaire du Général Robert Guéi. Cette incursion des membres des Forces armées, sur la scène sociale et politique, va plonger la Côte d’Ivoire dans des crises politico – militaires pendant plus d’une décennie avec ses corolaires de violations massives et graves des Droits de l’Homme. A titre de rappel: le complot du cheval blanc, l’affaire de la Mercedes noire, la crise post- électorale des élections présidentielles exclusives de l’année 2000 à la suite de laquelle Laurent Gbagbo s’installer au pouvoir, selon ses propres termes, de manière calamiteuse.

S’en suivront, d’autres événements; le coup d’Etat manqué du 19 Septembre 2002, qui s’est mué en rébellion ayant déclenché la réaction des forces de défense et de sécurité Ivoiriennes et des jeunes patriotes, ces incidents occasionneront des violations massives des Droits de l’Homme y compris les massacres des populations civiles en 2004 par l’Armée française à l’Hôtel Ivoire. Le clou de ces violences politico-militaires sera la crise post électorale de 2010 – 2011 qui a fait plus de 3000 morts. Ces évènements, ainsi énumérés, survenus durant plus d’une décennie de crise politico-militaire, ont finalement fait de la Côte d’Ivoire, un Etat à population majoritairement victime.

Sous le pouvoir de Laurent Gbagbo, l’impunité des actes d’atteinte aux droits de l’Homme, survenus lors de la transition militaire, pendant la crise électorale d’Octobre 2000, la promotion de leurs auteurs, l’échec du Forum de réconciliation nationale de 2001 , suivies des violations flagrantes et constantes des droits fondamentaux des victimes, des stigmatisations, persécutions, assassinats, arrestations et disparitions forcées, dont ont été victimes, les citoyens d’obédience religieuse musulmane, les originaires du Nord de la Côte d’Ivoire, de l’Afrique de l’Ouest, particulièrement les burkinabés, sont à n’en point douter, à l’origine des évènements du 19 septembre 2002.

Pendant plus d’une décennie de crises et fort de la raison d’Etat, l’échec du processus de réconciliation nationale de 2001, la promotion des auteurs de crimes, et l’impunité de leurs actes, ont été érigés en mode de gouvernance, légalisés et institutionnalisés. Cette politique contraire à celle d’un Etat de droit, a favorisé en Côte d’Ivoire, les répétitions des actes de violations massives et graves des Droits de l’Homme, entre autres, la rébellion de 2002, le rôle des DOZOS, l’instrumentalisation de la jeunesse, particulièrement la jeunesse universitaire et scolaire, suivi de leur intégration et de celle de mercenaires dans la chaîne de commandement des Forces de défense et de sécurité, ces derniers, ont constitué les forces pro-Gbagbo, auteurs de graves commissions de crimes pendant la dernière crise.

A la fin de la dernière crise post électorale de 2010-2011, qui a fait plus de 3000 morts, pour les besoins de justice, de réconciliation, de cohésion sociale, de réinsertion, de désarmement et même des questions sécuritaires, la justice transitionnelle a été effectivement mise en place par la volonté du pouvoir Alassane Ouattara. La mise en œuvre du programme d’actions, des outils de cette justice transitionnelle, a enregistré la participation pleine et entière des victimes et parents de victimes, qui y ont fondé espoir de voir leurs droits fondamentaux respectés pour une fois en Côte d’Ivoire.

Cependant, il est à déplorer, la non représentativité da la société civile dans la conduite de ces processus, l’échec de la mission de certains outils de la justice transitionnelle tels que la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation (CDVR), pendant que, par manque de coordination, d’autres outils de la justice transitionnelle, se chevauchent entre eux et certains sont à la recherche de leurs repères. Ces manquements graves, favorables aux violations des droits des victimes, sont liés à la mauvaise gouvernance et au manque de transparence.

La mise en œuvre effective du plan d’actions, de certains outils de cette justice transitionnelle dont la Cellule spéciale d’enquête et d’instruction, traduit le retour progressif de la Côte d’Ivoire vers un Etat de droit, favorable à nos missions et à ceux de la justice répressive et réparatrice. Le Collectif des victimes en Côte d’Ivoire (CVCI), qui est à l’avant-garde de toutes les luttes en faveur de la promotion de la protection et de la défense des droits des victimes, a constaté et se réjouit, de ce que dans cette Côte d’Ivoire renaissante, depuis la fin de la crise, les exécutions extra judiciaires et disparitions forcées suite à des dénonciations et sur la base de préjugés, ont fait place à des ouvertures d’enquêtes judiciaires qui aboutissent à des procès, des non lieux et libertés provisoires.

La justice ivoirienne, restée dans un coma profond durant plus d’une décennie de crises, est en cours de renaissance, matérialisée par les dernières assises au tribunal d’Abidjan relative à l’affaire des 83 accusés de la crise postélectorale. Pour le retour effective de la Côte d’ivoire vers un état de Droit, la Cellule Spéciale d’Enquête et d’Instruction (CSEI), doit parfaire sa mission pour permettre à la justice de juger les auteurs de crimes conformément à la volonté affirmée des victimes, qui souhaitent la manifestation de la vérité, et se voir rétablir dans leur dignité. Seules les actions de la justice répressive et réparatrice pourront mettre fin à l’impunité et aux répétitions des actes de crimes graves en Côte d’Ivoire.

Cet objectif majeur, ne pourra se réaliser sans une justice inclusive, avec l’apport actif de tous. En plus du culte par les autorités ivoiriennes, de cette notion de justice, dans toutes ses dimensions, le culte du social en faveur des victimes en particulier et en faveur des populations en général est nécessaire. Il faut absolument que le gouvernement mette au centre des actions la question essentielle de la situation des victimes et le respect des Droits de l’Homme pour permettre à la Côte d’Ivoire de se hisser auprès du concert des Nations qui incarnent les vertus d’un état de Droit.

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