Côte d’Ivoire Universités « levée du mot d’ordre de grève » La COEECI dénonce «une œuvre de manipulés»

ozouk

Interview: Levée du mot d’ordre de grève à l’université

Aristide Ozoukou, secrétaire général de la Coordination des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (Coeeci), qui a lancé un mot d’ordre de grève illimité pour revendications non satisfaites fait des éclairages. Notamment sur la levée « surprise » du mot d’ordre de grève par des syndicats estudiantins « manipulés », selon ses termes. Pour lui, les problèmes à l’université demeurent, sans aucun début de solution, et il faut que le gouvernement y apporte une réponse concrète.

Le mot d’ordre de grève lancé la semaine dernière a été levé par plusieurs syndicats dont la Fesci, mais le votre, la Coeeci, ne s’est pas encore prononcé. Comment expliquez-vous ce fait ?

La Coeeci a lancé son mot d’ordre de grève depuis le lundi 23 mars 2015. Le même jour, la Fesci a lancé son mot d’ordre de grève de 72 heures quand la notre était illimitée. L’école a été paralysée et au cours de nos différentes manifestations, plusieurs de nos camarades ont été arrêtés. Ils sont jusque-là détenus à la préfecture de police et à la Maca (principale prison ivoirienne). M. Diawara, conseiller du président de la République qui nous a reçus, nous a demandé la levée de notre mot d’ordre de grève, du moins, sa suspension. Nous lui avons dit que le préalable avant toute négociation était la libération de nos camarades arrêtés. Il a estimé qu’il fallait lever d’abord le mot d’ordre de grève pour que les négociations puissent se poursuivre. Nous en étions à ce préalable lorsqu’à notre grande surprise, la Fesci par la voix de son secrétaire général, a suspendu son mot d’ordre. Disons au passage que notre camarade de la Fesci, Assi Fulgence a été arrêté et libéré le même jour (mercredi 25 mars). Je suis entré en contact avec lui pour en savoir les raisons. Il m’a expliqué qu’il fallait faire la preuve de notre bonne foi pour mettre les autorités sous pression. Il m’a demandé d’aller faire une déclaration à la Rti (télévision publique ivoirienne) pour suspendre mon mot d’ordre de grève. Je lui ai répondu que pour l’heure, les véritables problèmes qui nous ont amenés à la grève n’avaient pas encore un début de solution et il n’y a aucun cadre créé pour en débattre véritablement. Il a encore tenté de me convaincre. Et comme dans tout combat il ne faut pas s’isoler, j’ai eu l’intention de lever le mot d’ordre de grève de la Coeeci. Mais à ma grande surprise, j’ai trouvé des structures qui n’ont rien à avoir avec notre grève à la Rti, produire des déclarations. Elles demandaient toutes la reprise des cours et elles ont été poussées par M. Diawara, conseiller du président de la République en mettant à l’écart ceux qui ont lancé la grève. Je suis allé rencontrer M. Diawara pour lui exprimer mon indignation et je lui ai dit que c’est de cette manière que les autorités orchestrent la violence à l’université. Je lui ai dit que je prends acte mais que je ne céderais pas à la manipulation. Nous luttons pour la cause de l’école et c’est cela qui nous guide dans nos démarches pour trouver les bonnes solutions. Nous sommes donc dans la réflexion et la Coeeci que je dirige n’a pas encore levé son mot d’ordre de grève, elle n’a encore rien dit et elle ne se reconnait pas dans la levée ou la suspension des mots d’ordre de grève. Nous exigeons la libération pure et simple de nos camarades encore détenus.

Les mouvements qui ont levé le mot d’ordre de grève sont-ils du milieu universitaire ? Si oui quelle est leur influence sur les étudiants ?

Généralement, ce sont les petits syndicats tels que l’Ageeci. Je ne peux me prononcer sur leur influence. Ce que je dénonce, c’est la procédure et la méthode utilisée pour essayer de nous casser. Ils n’ont jamais lancé de mot d’ordre de grève, ils ne peuvent donc se permettre de prendre les devants pour lever un mot d’ordre de grève auquel ils sont étrangers.

Est-ce que les cours ont repris à l’université à l’issue de tout ce que vous dénoncez ?

Il n’y a pas du tout d’influence. C’est plutôt timide. Les amphis restent fermés à ce jour dans leur majorité. C’est du zèle et de la cacophonie que les gens veulent instaurer. Mais nous ne les suivrons pas dans cette voie.

A part la libération de vos camarades qu’est-ce que vous revendiquez concrètement et qui ne trouve pas de solution ?

Nos revendications sont connues des autorités et nous n’allons pas fléchir. Nos responsables doivent les traiter dans le fond sinon nous prendrons nos responsabilités et les cours n’auront pas lieu au retour des congés. Nous disons que les résidences universitaires (occupées par les supplétifs de l’armée, ndlr) doivent être restituées aux étudiants pour qu’ils soient logés. Nous disons également que nous ne pouvons pas accepter que les inscriptions à l’université passent de 6 000 à 100 000 FCFA alors que nous sortons d’une crise qui a accentué la pauvreté de nos familles. Il faut réduire ces coûts à défaut de ramener l’ancien tarif. Aujourd’hui, pour s’inscrire en master 2 (équivalent du Dea dans le système UV, ndlr), il faut débourser de l’argent. Nous ne pouvons pas accepter cela de même que nous ne pouvons pas accepter le fait que les enseignants consentent à encadrer seulement 5 étudiants pour la soutenance parce que leurs primes ne sont pas payées. Nous ne pouvons pas accepter que des milliers de nos camarades soient ainsi sacrifiés. Gnamien Konan (ministre de l’enseignement supérieur) dit qu’il n’y aura plus de repêchage au Bac alors que ce diplôme relève du ministère de l’éducation nationale. Nous disons non à cela. Nous ne voulons pas de son cafouillage et de son mépris assorti de mesures draconiennes. Nous mettons à l’épreuve notre bonne foi pour que de vraies discussions soient engagées surtout avec ceux qui sont concernés par les mots d’ordre de grève et non avec des manipulés.

Récemment le ministre Gnamien Konan a eu des propos jugés très durs et graves à la charge de la Fesci. Comment avez-vous apprécié cette sortie de votre ministre ?

Je ne cautionne pas sa démarche et en tant qu’étudiant je ne peux approuver une telle dérive verbale, traitant nos camarades de Boko Haram. A ce que je sache, la Fesci n’est pas une organisation dissoute. Le ministre a donc le devoir de recevoir et de discuter avec tous ceux qui sont porteurs d’une revendication et de projets pour la bonne marche de l’université ivoirienne. Je profite de cette occasion pour vous dire aussi que Gnamien Konan n’est pas seulement contre la Fesci mais contre tous les syndicats. Son objectif c’est de nous faire disparaître. Parce que depuis que nous posons les problèmes, il refuse de discuter et nous décrions ce comportement d’un ministre de la République. Alors s’il refuse de discuter, qu’il trouve des solutions à nos problèmes ! De toutes les façons c’est la résolution de nos problèmes qui nous intéresse et non le fait de fréquenter son bureau.

SD à Abidjan

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