Côte d’Ivoire crise au Fpi – La solution sans solutions de Charles Blé Goudé depuis La Haye

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Comme il l’avait fait il y a quelques mois, Charles Blé Goudé s’invite dans la crise qui secoue le Fpi (son allié naturel). Le leader du Cojep se démarque des positions tranchées et propose une solution de compromis basée sur le dialogue, philosophie même du Fpi à travers le célèbre slogan : « Asseyons-nous et discutons ». Ci-dessous son approche de résolution de la crise.

En l’absence de son Président fondateur, le Président Laurent Gbagbo, une crise interne sans précédent secoue le Front Populaire Ivoirien (FPI), depuis le 22 Mai 2014. Crise doctrinale ou crise idéologique, crise de stratégies, de politiques ou crise de visions antithétiques, guerre de succession ou simple problème de leadership, de quelle nature est la crise actuelle au FPI ? Bien malin qui pourra le dire.

Dans l’urgence et vu la gravité de cette crise et les nombreux risques qui étaient déjà perceptibles, j’avais indiqué la voie de la discussion et du dialogue, pour une sortie de crise rapide et honorable. Malheureusement, cette voie n’a pas eu un écho favorable au sein de la case rose. Mais, plus grave, les choses se sont empirées et les positions de chaque camp se sont davantage cristallisées ; la crise a donc pris des proportions plus inquiétantes. Les camarades d’hier sont devenus des frères ennemis qui semblent avoir emprunté deux chemins de non-retour diamétralement opposés. Chacun, se prévalant de sa raison, campe sur sa position.
Plus préoccupant encore, par la force des choses, cette crise est sortie du cadre purement interne avec l’implication et l’activisme suspects d’acteurs politiques extérieurs et d’individus non membres du FPI. A ces panthères en peau de biche qui jouent les bienfaiteurs, est venu se joindre le pouvoir d’Abidjan. Et je ne crois pas qu’en agissant ainsi tous ces acteurs souhaitent que le FPI tourne la page de cette crise. Ils n’agissent ni dans l’intérêt du Premier Ministre Pascal Affi N’guessan, ni dans l’intérêt du FPI qu’ils veulent tous voir affaibli pour diverses raisons, à défaut de le voir disparaître, encore moins dans l’intérêt du Président Laurent Gbagbo dont ils rêvent de la mort politique. Seuls aux myopes politiques que peut échapper un tel traquenard grossier.

C’est tout logiquement que, portée devant une justice ivoirienne aujourd’hui, plus que jamais sous contrôle total de l’exécutif, la crise au FPI s’est présentée comme une aubaine, un cadeau royal doublé d’un plaisir immense qu’aucun chef d’Etat à la place d’Alassane Ouattara n’aurait boudé. Le pouvoir d’Abidjan qui ne demandait pas meilleur scénario, continue d’ailleurs d’en faire le maximum d’exploitation et de manipulation. C’est de bonne guerre ! Tous, nous le savons, en politique, cela s’appelle offrir du pain béni à son adversaire. Il n’est pas exagéré aujourd’hui de dire que le sort du FPI se trouve gravement subordonné aux décisions de cette justice que tous qualifient à juste titre de justice des vainqueurs.

C’est dans ce contexte que d’une part, à l’issue des dernières assises, l’on a assisté impuissant, à des décisions de justice ridicules avec une distribution de peines à la tête du client, souvent pour les mêmes faits. D’autre part, l’on continue d’assister à des arrestations sélectives de certains responsables du FPI qui, il faut le dire, est quasiment contraint aujourd’hui à entrer dans une clandestinité de fait. La bastonnade récente des jeunes et des femmes du FPI avec l’arrestation de Marie Odette Lorougnon sont aux antipodes de mon éducation politique. Ma conscience politique ne peut ni se conformer ni accepter de telles pratiques passéistes. C’est le lieu de condamner cette barbarie et de demander la libération de Marie Odette Lorougnon, de tous les responsables du FPI arrêtés dans le cadre de cette crise et de tous les autres prisonniers politiques arbitrairement et injustement détenus dans les goulags ivoiriens.
Par ailleurs, le pouvoir qui avait déjà procédé à la fermeture du siège du FPI, envisage même la dissolution de certains syndicats qui semblent échapper à son contrôle.
La crise au FPI fait aussi le lit du Président-candidat qui, en cette année électorale veut gagner sans une réelle compétition. Il a réussi à entretenir la division au sein du FPI, et à affaiblir ainsi toute opposition. Du coup, les actions de l’opposition, dont le FPI demeure le principal parti,se trouvent sérieusement plombées, limitées ou inefficaces dans le meilleur des cas. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’avec cette crise, les véritables problèmes auxquels se trouvent confrontés nos concitoyens sont mis sous le paillasson ou relégués simplement au second plan.
Comme on le voit, cette crise a ainsi fait le lit d’un recul sans pareille des acquis démocratiques obtenus au prix de mille sacrifices et de nombreuses pertes en vies humaines. Ne sommes-nous pas en train d’aller à reculons? 2015 n’est-il pas en train de ressembler à s’y méprendre à 1990 avec les mêmes acteurs ?
Cela nous prendrait beaucoup de temps pour égrainer le chapelet des conséquences de nos propres turpitudes qui sont désastreuses et sans appel.
Face à cette évolution défavorable de la situation au FPI avec des conséquences aussi inconfortables qu’incommodes sur notre jeune démocratie, surtout sur le quotidien des ivoiriens et plus généralement face à ce tableau socio-politique sombre, nous ne pouvions pas nous muer dans un silence coupable. Il nous faut toujours chercher à faire quelque chose pour aider notre partenaire à vite sortir de cette zone de turbulence afin qu’ensemble nous nous concentrions sur les véritables problèmes de nos populations qui souffrent de la gouvernance actuelle.

Voici le sens réel de cette autre déclaration que j’ai décidé de faire avec le quitus de la direction du COJEP.
Il est vrai que je ne suis membre d’aucune instance du FPI, mais les proportions de non-retour que prend la crise actuelle me font souffrir, même plus que mon enfermement ici à la CPI. C’est maintenant que je sens que je suis en prison.
Comment pouvons-nous sortir de cette catastrophe politique dans laquelle baigne notre cher pays ? Comment devons-nous aider réellement le Président Laurent Gbagbo et le FPI, pour le bonheur des ivoiriens ? Voici les vraies interrogations qui trottinent notre esprit et notre conscience et qui met notre intelligence à rude épreuve, vu qu’une telle crise peut susciter beaucoup de passion.
La sagesse africaine ne nous enseigne-t-elle pas que lorsque le champ du voisin brûle, nous devons l’aider à circonscrire le feu ? C’est à ce devoir de solidarité que j’ai cru bon de m’acquitter en proposant à mes aînés la voie que j’estime être la plus efficace pour aider à sauver le FPI, épine dorsale du combat pour les libertés démocratiques en Côte d’Ivoire.

En pareilles circonstances, nous devons apprendre à admettre qu’il peut exister une pluralité d’attitudes et de voies de sortie de crise à explorer.

Le COJEP, en proposant la voie de la discussion pour une sortie de crise honorable, n’en ignorait pas les conséquences ou commentaires de tout genre qu’elle peut susciter. Comme toute proposition, on peut y déceler des faiblesses ou insuffisances. Elle n’est donc certainement pas à la hauteur des attentes des uns et des autres ; je peux les comprendre. Mais, je ne peux offrir que ce que je sais faire le plus. Comme telle, elle n’a aucun caractère exécutoire pour l’organisation sœur à laquelle nous souhaitons de vite retrouver l’unité d’antan. Cependant elle tient lieu de ligne de conduite et d’instruction ferme pour tous les responsables et militants du COJEP sans exclusif, jusqu’à nouvel ordre.

Pour moi, il n’est pas payant de se bagarrer sur tous les sujets. Il est des circonstances où il vaut mieux sauvegarder notre capital et inscrire nos réflexions et nos actions sur le long terme.

‘’Frondeurs’’, ‘’Gbagbo ou rien’’, ‘’Affidés’’, ‘’Gbagbo et nous’’ ; voilà des vocables, facteurs de divisions qui sont inconnus de mon lexique politique. De mon point de vue, parler de ‘’frondeurs’’, de pro-Gbagbo, de pro-Affi au sein du FPI serait nous couvrir tous de ridicule. Au risque de me tromper, Laurent Gbagbo est un homme d’ouverture, un symbole de rassemblement dont la stature politique a dépassé les frontières ivoiriennes. Laurent Gbagbo n’est pas une étoile ; il est la lune. Au nom de notre combat commun, au nom de nombreux ivoiriens qui sont morts, au nom de ces nombreux exilés, réfugiés et déplacés de guerre dont les espoirs résident encore dans le FPI, principal parti d’opposition, face à un pouvoir aux pratiques qui chaque jour célèbrent le deuil de la démocratie, aidons plutôt le Président Laurent Gbagbo, en bon leader, à rassembler tous ses lieutenants sans exclusif autour de son idéal : cela n’est pas impossible. D’ailleurs, le Président Laurent Gbagbo l’a toujours fait, même avec ses pires ennemis.

C’est aussi le lieu de rappeler qu’en 2011, nous faisant une grande leçon de solidarité et de pragmatisme politique, nos adversaires ont mis entre parenthèse leurs différences et leurs différends ; dans l’unité, ils ont réussi à nous chasser du pouvoir. En avons-nous tiré la moindre leçon ? Alors, une fois encore, je vous en supplie chers aînés, enfermez-vous, rassemblez-vous autour du Président Laurent Gbagbo, faites la paix des braves et sortez-nous la fumée blanche.

Camarades, ouvrons grands les yeux et tendons bien nos oreilles ! Car, dans cette situation, moi je ne sais plus qui travaille pour l’adversaire. Des individus se faisant passer pour des partenaires ne sont-ils pas en train de détruire pernicieusement et malicieusement le FPI ? A qui profite le crime ? Le FPI n’est-il pas victime d’un vaste complot à plusieurs têtes ? Des individus insoupçonnés ne sont-ils pas en train de jouer sur nos intérêts pour nous embarquer dans un voyage dont eux seuls maîtrisent la destination finale ? En tout cas, je ne prendrai pas le risque d’être au nombre des passagers d’un tel voyage tout comme je n’y encourage personne.
Chers aînés, chers camarades, vous avec qui nous avons remporté des victoires certaines mais vous avec qui nous partageons aussi aujourd’hui tant de douleurs et de peines, à un moment où les ivoiriens ont plus que jamais besoin d’une voix qui puisse porter haut leurs espoirs, chacun ne doit-il pas avoir le sens du renoncement pour sauvegarder le FPI dont l’implosion serait absolument néfaste pour l’ensemble des ivoiriens ? Renoncer ici c’est quitter les chemins d’incertitudes pour emprunter le chemin du rassemblement. C’est quitter le terrain de la confrontation permanente pour glisser sur le terrain de la construction. Il ne s’agit surtout pas ici d’avoir raison ou tort ; il s’agit de trouver une solution interne à la crise actuelle ; une preuve de dépassement qui nous mettrait ainsi à l’abri du sarcasme de nos adversaires qui, en ce moment, j’en suis sûr, rient de nous.

Au regard du bicéphalisme actuel qui ne dit pas son nom, j’ai des raisons supplémentaires de m’inquiéter comme je l’avais exprimé dès la perception des premiers prodromes de la crise actuelle. C’est pourquoi, en définitive et en dernier ressort, j’encourage plutôt le Président Laurent Gbagbo, conformément à sa culture politique, à recevoir et à écouter tout le monde, y compris les mis en cause, pour les raisonner et leur indiquer la ligne politique qu’il a choisie. C’est lui le capitaine, et c’est à lui que revient le devoir de fixer le cap du navire. Ainsi fait, les spéculations prendraient définitivement fin et chacun saura à quoi s’en tenir désormais.
Chers aînés, chers camarades, si j’ai choqué, si j’ai déçu, si mon approche dans la crise actuelle n’est pas à la hauteur de vos attentes, que le pardon me soit accordé ; c’est certainement la preuve de mes limites en tant qu’être humain. Je ne saurais prétendre maîtriser la crise actuelle sous toutes ses facettes, mais le devoir me commande d’apporter ma pierre à l’édifice malgré ma position géographique.

Ensemble, nous sommes capables de merveilles
Ensemble, nous ferons de grandes choses !
Les défis qui nous attendent sont nombreux !
Que Dieu préserve le FPI des vautours !

Fait à La Haye le 08 Avril 2015

CHARLES BLÉ GOUDÉ
Ancien Ministre de la Jeunesse et de la Formation Professionnelle
Consultant en Communication Politique
Président Fondateur du COJEP, détenu à La Haye

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