Côte-d’Ivoire Dossier Charly Watta: Son testament oublié, ses révélations sur Pololo et témoignages

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Par Afrikipresse

Vami Bi Koué Théodore, il s’appelait à l’état-civil. Mais le nom avec lequel sa légende s’est construite, ce nom qu’il laisse à la postérité est Charly Watta. L’émoi qui s’est emparé du milieu artistique mais surtout du côté des « Gros Bras » ivoiriens, à l’annonce de sa mort le 22 mai 2015, est à la dimension de l’impact que ce « Ziguéhi » a laissé dans les consciences de ceux qui l’ont côtoyé et admiré, certains à la limite de l’adoration.

En 2010, le journaliste Valery Foungbé alors à l’IA avait réalisé une interview exclusive et inédite avec cet homme atypique qui ne s’était jamais autant livré. 6 ans après, cet entretien a valeur de testament et de dernières volontés, notamment dans la partie relative à son fils qu’il chérissait et dont l’avenir lui tenait tant à cœur . Cet entretien est d’une valeur inestimable en ce sens que le loubard légendaire qu’il a été y donnait des conseils à ses amis afin qu’ils recadrent leur mode vie en pensant à demain. L’homme de la rue avait décidé de conscientiser la rue. Hélas… En guise d’hommage, l’IA publie cette interview qui avait permis de mieux faire connaître l’homme, dissipant bien des légendes sur compte tout en renforçant sa légende. Cette réédition est accompagnée de témoignages divers dont celui de notre ex- collaborateur Valery Foungbé que la rédaction remercie pour sa précieuse contribution.

Interview – Charly Watta (loubard) à propos de ses pouvoirs surnaturels : « Je n’ai jamais sacrifié mon sexe »

Pour les jeunes des années 90, l’évocation du nom ‘’Charly Watta’’ rime avec admiration, frayeur, engouement et curiosité. Car qui n’a pas entendu parler de cet homme sur lequel tous les fantasmes ont vu le jour. Dans le milieu très rude et impitoyable de la rue, il a su devenir, après le regretté John Pololo tué par le PC Crise au plus fort de la transition de 2000, le plus célèbre loubard ou – encore ‘’Ziguéhi’’- encore en activité. Charly Watta, c’est aussi celui qui a été avec sa force incroyable, la garde rapprochée de nombreuses personnalités de ce pays. C’est la vie tumultueuse d’un jeune homme qui dès le bas âge, a été emporté par une force intérieure qui lui a fait voir les méandres de la rue. Son coup de pied gauche, sa souplesse et son coup de tête sont depuis plus de 20 ans, un sujet de conversations dans tous les milieux des durs de la rue. Pour la première fois, Charly Watta livre tous les secrets de sa légende dominée par la rumeur sur le sacrifice qu’il aurait fait avec ses parties génitales. Il donne également son témoignage sur ses relations avec John Pololo dit ‘’Jonathan Sogbie’’, évoque son avenir avec son fils, sa carrière d’artiste et insiste sur son innocence à propos du décès d’un des ses amis à Yamoussoukro. Révélations d’une légende pas comme les autres.

Qui est exactement Charly Watta à l’état civil ?

Mon nom à l’état civil c’est Vami Bi Kouè Théodore et je suis né à Vavoua, le 30 décembre 1971. Charly était le nom de mon grand-frère qui faisait du Karaté. Très jeune, j’ai commencé à faire du Karaté avec lui et on m’appelait Petit Charly. C’est ce nom qui m’est resté jusqu’à présent et des amis ont ajouté par la suite Watta. C’est ce qui a donné Charly Watta. Je suis né à Vavoua, j’y ai grandi et j’y ai fait les bancs. Après le CEG de Vavoua, je me suis rendu à Yamoussoukro avant de regagner Abidjan.En fait, mon grand-frère était un grand bagarreur à Vavoua. Tout le monde avait peur de lui et le respectait, parce qu’il faisait du karaté. J’ai appris à ses côtés et à un moment donné, je comptais parmi les meilleurs karatékas de Vavoua. Les amis m’appelaient donc Petit Charly, en référence à mon grand-frère, mais le nom Watta m’a été donné par mon meilleur ami (paix à son âme) Papa Douguissa. Nous pratiquions les arts martiaux ensemble. C’est lui qui m’appelait Watta et c’est ainsi que ce nom est resté.

Comment avez-vous fait pour devenir une légende en Côte d’Ivoire, alors que votre maître est resté inconnu ?

Je pense que c’est inné. Très jeune déjà, je me bagarrais beaucoup à l’école. Après l’obtention du CEPE, je suis allé au CEG de Vavoua et là-bas, j’ai été renvoyé en classe de 6ème, parce que je faisais toujours des bagarres. Ma sœur voulait que je vienne la rejoindre à Abidjan, mais je passais mon temps à me bagarrer de quartier en quartier contre des jeunes de Vavoua, qui avaient des groupes. Nous étions quatre amis, Siaka Danger, Douguissa, Santana et moi, le plus jeune. Mais, partout où on allait, c’est moi qui me bagarrais beaucoup. Tout le monde parlait donc de moi dans la ville et c’est de là que tout est parti. J’étais très mince et c’est ce qui étonnait beaucoup de personnes. J’étais le plus petit et le plus mince du groupe, pourtant j’étais le plus têtu. Partout où on allait, c’est moi qui faisais des histoires, que ce soit dans les soirées dansantes, les booms…

Que s’est-il passé pour que vous veniez à Abidjan ?

J’ai seulement fait le premier trimestre quand j’étais en 6ème. Je me bagarrais toujours, j’effectuais des voyages avec mon ami Douguissa, puisqu’il résidait à Daloa. Il venait donc me chercher à Vavoua, parce que j’étais très souple et je pratiquais le karaté. Je faisais des démonstrations, j’allais à Séguéla, Zuénoula… J’ai donc passé une année sans aller à l’école. J’étais tout le temps dans la rue avec mon ami, qui lui aussi a été renvoyé de l’école. Nous étions avec notre « vieux père » Siaka Danger, jusqu’à ce que ma grande sœur, qui a remarqué que j’étais très intelligent à l’école , approche mon grand-frère pour que j’aille la rejoindre à Abidjan pour poursuivre mes études. Donc je me suis retrouvé à Abidjan, où j’ai été inscrit au collège Voltaire, à Treichville. C’est là-bas que j’ai rencontré des amis comme Gor la Montagne, Kam’so, Chikito et nous avons formé un petit groupe et chaque matin 9h 45mn, ils venaient me chercher à l’école. Nous faisions partie d’un groupe qu’on appelait Mapléss. Du collège Voltaire, je suis allé à Katiola pour mes études, parce que j’étais tellement bandit au Voltaire que j’ai obtenu une petite moyenne en Conduite. J’ai donc encore été renvoyé en classe de 4ème. Je suis alors allé chez mon frère qui était professeur au Cafop de Katiola. J’allais bien à l’école, mais en fin d’année, on m’a demandé d’aller dans une autre école, parce qu’on ne voulait plus de moi.

Pourquoi ne pouviez-vous pas changer votre conduite, alors que vous êtiez un bon élève ?

Je pense que c’est inné. C’est la seule explication que je peux donner, parce que je n’arrive pas expliquer ce qui se passait en moi. C’était vraiment plus fort que moi. J’avais toujours la moyenne en classe, mais c’est à cause de ma conduite qu’on me renvoyait. Ma grande sœur trouvait que j’étais très brillant et elle ne voulait pas me laisser sur le carreau. Elle a donc payé mon inscription dans un collège à Touba, avec l’appui de mon grand-frère. J’avais un oncle qui travaillait au peloton mobile de la ville. Mais, j’ai encore été renvoyé, parce que j’ai eu des problèmes. J’ai arraché une dent à un jeune qui habitait chez le préfet, au cours d’une bagarre. Tellement déçu, mon oncle m’a payé le transport pour que je quitte la ville. J’étais recherché, parce que le jeune avait pris un certificat médical contre moi. Mais, je me suis réfugié chez des amis pendant un moment. On a continué à se bagarrer, on allait à Man, à Biankouma… Après tout ce périple, ma grande sœur était découragée de moi. Je suis donc retourné à Vavoua et là-bas, c’était la totale dans le libertinage. Ma mère n’étant pas là, j’étais avec mon père qui allait tout le temps au champ. J’étais donc livré à moi-même et je me bagarrais toujours. C’était plus fort que moi. De Vavoua, je suis allé à Yamoussoukro en 1994.

Qu’est-ce qui vous a amené à Yamoussoukro, en 1994 ?

Je voulais vivre d’autres sensations. J’avais un ami du nom de Hervé Samson qui est venu me chercher, puisque nous étions à la veille des élections. Connaissant ma force, il avait besoin de moi et c’est ainsi que nous avons commencé à travailler pour le maire de Yamoussoukro. Mais, avant de venir à Yamoussoukro, je voyageais beaucoup. J’allais à San-Pédro, à Bouaké, Abidjan, partout. On me connaissait même avant que je n’arrive à Yamoussoukro. Comme d’habitude et grâce à Dieu ma légende me précédait. Pour quelqu’un qui travaillait pour le maire, on vous voyait chaque fois en ville lors des soirées, sans le maire.

Comment expliquez-vous cela ?

Quand nous sommes arrivés, le maire a loué notre maison, c’est lui qui était notre tuteur. Nous n’étions pas chaque jour avec lui, parce qu’il nous appelait quand il avait besoin de nous. Les autres jours, nous étions libres, c’est pourquoi on sortait avec des amis. Nous avions aussi d’autres « gombos », de sorte que quand il y avait des manifestations on plaçait nos gars sur place.

Comment votre contrat s’est-il déroulé avec le maire de Yamoussoukro ?

C’était bien. Le maire était notre père adoptif, mais il a trouvé la mort après. Ensuite, j’ai rencontré Ismaël Isaac avec qui je voyageais de temps en temps, parce que des amis lui ont dit que Charlie Wata est connu à l’intérieur du pays, il est beaucoup respecté. Donc, je voyageais avec lui lors de ses tournées, je suis donc devenu son bodygard et jusqu’à présent je suis avec lui. Il m’a beaucoup aidé dans la chanson et aujourd’hui grâce à lui, j’ai sorti un album.

D’aucuns disent que c’est vous qui avez rendu Ismaël Isaac ‘’loubard’’…

Il est né « ziguéhi », il a côtoyé les « ziguéhi ». Ce n’est pas nous qui l’avons rendu comme ça. À cette époque, le phénomène des loubards était en vogue.

Aviez-vous peur en venant à Yamoussoukro ?

Non, pas du tout. Celui qui maîtrisait la ville, « Boy », était l’un de mes amis. Donc, quand je suis arrivé, j’étais dans de bonnes mains. Nous avons même formé un groupe qu’on appelait la Kamora, qui regroupait tous les meilleurs loubards.

Pourtant, il y avait deux groupes, la Kamora et le groupe de votre ami Boy. Comment en est-on arrivé à cette division ?

Il n’y avait pas deux groupes. Nous sommes venus trouver Boy et ses amis, mais nous nous fréquentions, nous formions le même groupe ensemble. La division est arrivée lorsque j’ai eu des problèmes et que j’ai été arrêté, à cause d’une jeune fille qui était amoureuse de moi. Mes amis aussi n’étaient pas contents parce que Boy m’estimait beaucoup. Donc dans le groupe même il y avait trop de divisions, parce que les uns pensaient que je recevais trop de privilèges de Boy. On voyageait ensemble, ce qui suscitait beaucoup de jalousie. Ils se demandaient pourquoi Boy pouvait avoir une préférence pour moi qui venait juste d’arriver, alors qu’ils étaient là bien avant moi.

Pourtant vous avez-fini pas vous battre avec votre ami « Boy » , n’est ce pas ?

Cette bagarre est arrivée à cause d’une jeune fille qui m’aimait. Des amis sont allés dire aux parents de la fille qu’elle sort avec Charly Watta , si bien que la police est venue me prendre à la maison avec la jeune fille. On nous a envoyé au commissariat, pensant que j’avais séquestré cette fille. Elle a expliqué aux policiers que ce n’est pas le cas. C’est ainsi qu’on m’a mis en boîte. J’ai un ami du nom de Gunter qui est venu d’Abidjan et qui a remarqué qu’il y avait trop de divisions dans le groupe. Sous l’effet de la colère, il s’en est pris à celui qui est allé me dénoncer chez les parents de la fille. C’est de là que les bagarres ont commencé. Mais, entre-temps, nous étions dans le domaine des syndicats et quand j’étais en prison, ceux qui exerçaient comme syndicats avant nous, sont venus me voir pour me dire qu’ils vivent de ce travail et c’est avec ce qu’ils gagnent qu’ils s’occupent de leurs familles. Si nous leur arrachons totalement ce boulot, ils ne savent pas ce qu’ils vont devenir. Je leur dis que je ne pouvais pas de mêler de ça et je leur demandé d’aller rencontrer Boy pour discuter avec lui. Ils sont allés dire à Boy que je veux lui arracher le syndicat, avec mes amis venus d’Abidjan. Or Boy a gardé une dent contre moi et je ne savais pas. Un jour, un ami est venu d’Abidjan pour me voir. Nous sommes sortis prendre un pot et en chemin, nous avons aperçu Boy en pleine discussion avec des syndicats. Alors que nous étions dans un taxi , mon ami est descendu pour savoir ce qui se passe, mais dès que Boy l’a vu, il lui a donné un coup de tête. Il est venu m’expliquer, tout en sang, ce que Boy venait de faire. Je suis descendu du taxi pour demander à Boy ce qui se passe. Il m’a dit que moi je voulais prendre Yamoussoukro, c’est pourquoi il a agi ainsi. Je n’ai pas du tout apprécié et je lui ai dit d’arrêter ce qu’il fait. Nous nous sommes chamaillés et je suis parti. J’avais tellement mal au cœur que je ne pouvais pas rester sans réagir. Nous sommes retournés à la gare, où nous nous sommes retrouvés dans le kiosque de Boy. Et c’est là que la bagarre a eu lieu.

Quelques temps après cette bagarre, Boy a trouvé la mort et on vous a même accusé de l’avoir tué. Que s’est-il passé ?

Je n’ai rien à voir dans la mort de Boy, j’ai la conscience tranquille. Après notre bagarre, Boy et moi on se retrouvait, on bavardait ensemble. Il partait à Bouaké et on a appris qu’il a eu un accident en chemin. Je n’ai rien à voir dans cet accident. J’étais à Yamoussoukro, mais les gens racontaient que j’avais fait du fétichisme contre Boy, alors que c’est archi-faux.

Justement en parlant de fétichisme, On raconte partout que Charly Watta a le « pied d’éléphant ». Il a été aussi dit que vous avez sacrifié vos parties intimes pour avoir des pouvoirs. Pouvez vous confirmer cela ?

Ce sont des légendes. C’est archi faux ! J’ai même un enfant, je n’ai donc pas sacrifié mon sexe . Au fait ma grande sœur m’a raconté l’histoire d’un de mes oncles qui s’appelle Sui Bi Kouè. Il était un grand bagarreur, il s’est même battu avec mon père au début de sa relation avec ma mère, parce qu’il était très jaloux. Mon grand-père était le chef des Gouro de Vavoua et ma mère était donc une princesse. C’est cet oncle qui, lorsque je devais naître a demandé à ma mère d’appeler son fils qui arrive Kouè. Il aurait même craché sur le ventre de ma mère. Quand ma mère a accouché, quelques temps après mon oncle est mort et les gens disaient que c’est lui qui s’est réincarné en moi. De là à dire que j’ai fait des fétiches, vraiment ce sont des ragots, c’est du

Mais d’où tirez-vous votre souplesse phénoménale ? Des gens disent que lorsque votre pied gauche touche quelqu’un au cours d’une bagarre, il a l’impression que c’est un pied d’éléphant qui l’a touché. Qu’en est-il ?

C’est inné et c’est plus fort que moi. Je sais que mon pied est dangereux, mais je ne sais pas pourquoi. C’est vraiment dur à comprendre.

Mais entre nous, est-ce que vous ne pratiquez pas le fétichisme dans ce mouvement « Ziguéhi » ?

Dans le mouvement Ziguéhi, il n’y a pas quelqu’un qui peut dire qu’il ne pratique pas le fétichisme pour se protéger, parce qu’il y a trop de jaloux, il y a trop d’aigris. Donc il faut se protéger. Il y en a qui vont à l’église pour se protéger, d’autres ont des talismans. Chacun se protège à sa façon, parce que c’est la rue. Quand tu sors le matin, tu ne sais pas ce qui peut t’arriver et quand tu vas rentrer à la maison. Le mouvement est devenu bizarre actuellement, alors qu’avant c’était des bagarres à longueur de journée. Maintenant, ce n’est plus le cas, tout est devenu une histoire de groupe, avec des machettes…

Avez-vous déjà subi une défaite au cours d’une bagarre dans votre « carrière » de loubard ?

Franchement par la grâce de Dieu, je n’ai jamais pris de défaite. Dire que Charly a été daba (battu), vraiment, ce n’est jamais arrivé. Mais, il y a une de mes bagarres qui m’a marqué et que je n’oublierai jamais. C’est à San-Pédro que cela s’est passé et je crois que c’est entre 1999 et 2000, avec un « bobo »( sourd-muet). J’avais un petit-frère à San-Prédro qui s’appelait Auguste. Il avait beaucoup d’amis Libanais, ce qui fait que tous les Libanais de la ville me connaissent. Je suis allé rendre visite à un grand-frère lieutenant des douanes et je devais l’attendre. Je suis allé dans un maquis et le sourd-muet est arrivé. Je ne le connaissais pas, mais entre « Ziguéhi », il n’y a pas de problèmes. J’ai été étonné qu’il aille s’asseoir dans son coin, pendant que j’étais assis dans un autre. Je me suis rendu ensuite en boîte et il était encore là-bas. Je ne savais toujours pas qu’il était sourd-muet, parce qu’il dansait très bien. J’ai salué des amis Libanais et je suis allé dans les toilettes. À ma grande surprise, j’entends un grand bruit derrière moi. Je me suis retourné et j’ai vu le sourd-muet. Il était très grand et c’est en ce moment que j’ai compris qu’il ne parlait pas. Il me faisait des gestes comme s’il voulait me frapper, mais je ne comprenais pas pourquoi. Quelques instants après, les Libanais ont forcé la porte et sont entrés pour nous calmer. Pour moi, c’était une foutaise parce que je ne le connais pas et je n’ai pas affaire à lui. J’ai commencé à lancer des coups de pieds dans tous les sens, mais les gens m’ont calmé et je suis sorti. Il est venu s’arrêter devant la porte pour que je ne rentre plus dans la boîte. Je l’ai poussé, lui et le portier et je suis entré. Une fois à l’intérieur, il est revenu encore, mais cette fois, il ne s’occupait pas de moi. Il dansait comme si de rien n’était. Je suis sorti et je suis allé au Triangle, chez Bob. Il est arrivé là-bas vers 4 heures du matin et quand il m’a vu, il a dit à tout le monde qu’il va me frapper. Nous nous sommes bagarrés, mais c’est quelqu’un qui est résistant. C’est le seul « gnaga » (combat) où j’ai senti vraiment mon adversaire. Nous nous sommes battus pendant longtemps parce que son intention, c’était forcément de se battre contre moi. Il m’a pris par les reins, je lui ai donné un coup de tête mais il n’était pas K.O. J’étais dépassé, mais il était ensanglanté. On l’a transporté à l’hôpital après car j’ai fini par le terrasser.

Votre dernière bagarre date de quand ?

Cela doit faire deux ans maintenant, mais je m’entraîne beaucoup. Je ne bois pas, je ne fume pas, mais je m’entraîne. J’ai les mêmes réflexes d’avant, les mêmes changements, les mêmes coups de pieds. Mais j’ai modéré un peu parce que j’ai un enfant. Si plus tard on demande à mon fils « ton père fait quoi, et qu’il doit répondre loubard », cela fait qu’on devient un peu plus conscient et donc on cherche à se ranger, on évite beaucoup les histoires.

Avez-vous déjà fait la prison ? Oui, j’ai fait la prison à Daloa et à Séguéla.

A Daloa j’ai été condamné à deux mois de prison pour coups et blessures volontaires et à quatre mois à Séguéla , pour coups et blessures volontaires. Mais j’étais mineur à cette époque.

Quel est réellement le secret de Charly Watta ?

Je suis beaucoup aimé et c’est ce qui fait ma force. Dans le passé quand je me bagarrais , je défendais beaucoup les innocents et les faibles. Ce qui fait que tout le monde m’aime et parfois même il y a des complots contre moi. Il y en qui disent que Charly est ceci, Charly est cela. Mais, tout ce que fais ou tout ce que je dis, c’est Dieu qui est au contrôle.

Avez-vous durant votre vie, connu un policier aussi légendaire que vous du nom de Blanchard ?

Oui, j’ai entendu parler de Blanchard quand il était à la SAVAC, mais lui il ne m’a pas connu. Il connaissait mon frère qui était lieutenant des douanes à San-Pédro. Blanchard est un grand-frère qu’on évitait beaucoup parce qu’il était à la SAVAC. Il fait partie de la catégorie des Aké Raymond, Grand Blékis, qui sont nos doyens. Après eux, il y a eu la génération de John Pololo…

Comment vous êtes-vous intégré dans le mouvement , à votre arrivée à Abidjan ?

J’étais déjà intégré avant de venir à Abidjan. J’étais à Yamoussoukro certes, mais je partais toujours à Abidjan. J’étais déjà intégré depuis mon bas âge même.

Il y a eu de grands noms dans le milieu ‘’Ziguéhi’’, tels que John Pololo le plus célèbre, d’aucuns disaient que vous étiez des rivaux , qu’en est-il ?

John est mon grand-frère, parce qu’il est né en 1962. Mais, quand j’étais très jeune, j’étais l’un des fans de John. Il était très souple, moi aussi je suis souple. Il faisait du taekwondo, moi aussi lorsque j’étais à Vavoua. Quand John est sorti de prison, il était portier dans une boîte de nuit et il connaissait mon ami Gor la Montagne. Nous allions donc le voir où il travaillait et quand il est arrivé à la gare de Bassam, je venais l’aider souvent. Avant sa mort, on était régulièrement en contact. Une fois, il m’a demandé de passer le voir chez sa mère à Abobo et au cours de nos causeries, je lui ai dit que c’est vrai qu’on parle de moi un peu partout, mais quelle que soit ma force, il reste mon grand-frère. Il m’a dit que je suis son petit, il n’a pas eu son nom à l’église. Mais ce jour aussi il m’a fait une révélation en affirmant ceci : je sais qu’un jour je vais mourir par balle. Mon ami Gunter était avec moi quand John a fait cette révélation. Après cette rencontre, je suis allé à Divo et quelques temps après, nous devions nous retrouver à Yamoussoukro. Je l’ai appelé, mais il ne décrochait pas puisqu’il n’est pas venu. J’ai appelé Jean Jacques, son lieutenant et il m’a dit que John venait de mourir.

Est-ce que vous connaissez les circonstances de la mort de John Pololo ?

Quand je l’ai appelé et qu’il ne décrochait pas, Jean Jacques m’a raconté que John était allé le chercher à Marcory et ils se sont rendus à Abobo, où il avait acheté un bracelet en or à 70.000 FCFA et ce bracelet avait noirci. Quand ils sont arrivés, le bijoutier a eu peur, il s’est enfui et il est allé se réfugier dans un magasin de riz. John l’a suivi là-bas, parce qu’il s’est foutu de lui. Mais les gens ont commencé à demander pardon à John et ils lui ont remis la somme de 100.000 FCFA en guise de réparation. Après les mêmes personnes qui ont remis les 100.000 FCFA ont appelé au camp commando pour dire que John était venu faire des histoires avec eux. Mais John ne se reprochait rien parce qu’il avait raison. Après les explications de John, les gendarmes du camp commando ont demandé aux riverains d’appeler le PC Crise. Quand ils sont arrivés, John persistait toujours dans ses explications, parce qu’il avait été grugé par le bijoutier. Les éléments du PC-Crise l’ont emmené avec eux. C’est tout ce que Jean Jacques m’a dit au téléphone.

Êtes-vous aujourd’hui en contact avec sa famille, sa femme ?

Je suis en contact avec sa femme, qui est la sœur d’un ami. Il avait un petit frère à Daloa, du nom de Charly et chaque fois que je quittais Vavoua, c’est chez lui que je dormais souvent au quartier Lobia.

Avez-vous connu les « Faremois » de Bony du groupe RAS ?

J’ai connu les « Faremois », parce que quand j’étais au collège Voltaire, je partais toujours au « Farem », c’est-à-dire à Marcory , nous étions les « Mapléssiens », mais celui que je connaissais très bien s’appelait Tchori, qui est resté en France. Je voyais Bony, mais il n’y a jamais eu d’affrontements entre nous. Nous étions des frères, des amis, c’est vrai qu’il y avait des accrocs, mais il n’y a jamais eu d’affrontements. La tendance actuelle, c’est que tous les loubards sont dans le domaine du transport, ils exercent comme « syndicat ».

Pourquoi ? C’est là-bas que tout le monde mange. C’est la jungle, c’est le milieu où règnent les coups de poing. Mais à vrai dire, il n’y a pas trop de loubards dans ce secteur. Les loubards aujourd’hui assurent la sécurité de certaines personnalités, il y en a qui sont dans les boîtes de nuit… Mais moi j’ai dépassé ce stade, je ne peux plus aller surveiller des boîtes de nuit. Je suis dans le syndicalisme. Nous avons formé un petit groupe avec un certain Bolo, notre devancier. Nous exerçons à Marcory et à Cocody, mais en dehors de cela , j’assure la sécurité d’Ismaël Isaac et je chante aussi.

Où en êtes-vous avec l’album que vous avez mis sur le marché?

Nous n’avons pas eu un bon manager, sinon le mouvement allait prendre. Notre producteur nous a beaucoup aidé, nous avons confectionné des affiches, nous sommes passés à la télé dans l’émission Tempo, nous sommes passés dans des stations de radio à Abidjan… Le problème est que notre manager est trop porté sur l’argent , néanmoins on va reprendre la promotion. J’y pense beaucoup. Pour le moment, j’ai une copine qui vit à Gagnoa où elle est élève. Il faut dire que j’ai vécu avec des femmes avant, par exemple quand j’étais à Yamoussoukro, je vivais avec une fille du nom de Lydie. Nous avons fait près de cinq ans ensemble, il y a aussi la mère de mon enfant de sept ans qui est à Abidjan. En tout cas, j’ai connu beaucoup de femmes.

Est-ce que votre enfant vous ressemble ?

Je pense qu’il me ressemble. Il aime se bagarrer, il est très impulsif. J’ai un peu peur parce que je ne voudrais pas qu’il sache quoi que ce soit de mon passé. Je m’éloigne souvent de lui, pour ne pas qu’il me pose des questions parce qu’il n’a peur de personne , ni de sa grand-mère ni de sa mère. Je ne veux pas qu’il mène la vie de loubard, parce que c’est une vie dans laquelle tout est incertain. Tu ne sais pas ce qui peut arriver, le danger est permanent. C’est pourquoi, je prie et je remercie Dieu, parce que toute ma vie, je n’ai jamais tué. Je ne veux donc pas que mon fils suive mes traces, qu’il sache que son père est ceci ou cela. Il va à l’école, il joue au football, contrairement au souhait de sa mère qui voulait qu’il fasse du karaté.

Quel conseil pouvez-vous donner à tous les loubards de Côte d’Ivoire, à vos amis coxers et «syndicalistes» ?

Le seul conseil que je peux donner aux loubards, c’est d’être solidaires. Il faut qu’on oublie le passé, les bagarres par-ci par-là. Il faut que chacun fasse l’effort de se trouver une place au soleil, parce que dans le mouvement il y a la mort. Tu peux être fort, mais tu n’es pas plus fort que la loi. Il faut nous soyons conscients. En tout cas je remercie mon « vieux père » Aimso, tous les ziguéhis de Côte d’Ivoire, tous les syndicats. Il faut qu’on arrête d’avoir recours aux machettes et que l’aigreur disparaisse de nos rangs.

Est-ce que Charly Watta envisage de faire la politique un jour à Vavoua au vu de sa popularité ?

(Rires). Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve, mais Vavoua c’est chez moi. Sinon je n’en sais rien pour le moment. L’avenir nous le dira. Les gens ne vont pas me voter, parce qu’ils vont se dire que je vais les « daba », je vais « daba » les adjoints au maire et tout le village. Non, ils ne vont pas accepter

Interview réalisée par Valéry Foungbé, in l’IA du 12 Mars 2010
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Témoignages

David Tayorault, artiste : « C’est une grosse perte »

«La mort de Charly Watta est une grosse perte pour la musique ivoirienne et surtout pour le mouvement Ziguéhi dont il était membre. Paix à son âme ».

Aimond Williams, président de la Fondation des artistes africains : « Nous allons lui rendre hommage »

« Charlie a fait les beaux jours de la musique. Son dernier album a fait plaisir aux mélomanes. Sa mort est une perte pour tous les artistes et sa famille biologique. Nous allons lui rendre hommage ».

Black Berry, ex-organisateur de spectacles : « C’est le destin»

«Charly était respectueux. C’était mon petit. Il était dans le même registre que les John Pololo et autres. Il faisait quelques fois la sécurité et chantait».

Louis Praillis, karatéka : « Charly était Karatéka et chanteur »

«Il avait de la bravoure et du courage. Il n’aimait pas les foutaises. Paix à son âme ».

Valery Foungbé : « Une longue histoire qui a véritablement débuté il y’a 20 ans…. Je perds un ami »

« Charly Watta et moi, c’est une longue histoire qui a véritablement débuté à Yamoussoukro entre 1995 et 1996, il y a 20 ans. Son nom était déjà sur toutes les lèvres dans la ville et par curiosité, j’écumais quasiment tous les maquis et boites de nuit où il était signalé dans le secret espoir d’assister de visu à la légende qui entourait la force de frappe de son pied gauche. Il se racontait partout qu’il avait sacrifié ses parties intimes pour avoir une telle puissance et cette invincibilité dans le milieu des loubards. J’ai assisté à son combat contre « Boy » dit Américain qui était le maître de Yamoussoukro et j’ai compris pourquoi il était si respecté. On a sympathisé en ce moment et j’ai quitté la ville en 1997. Quand on s’est revu à Abidjan et que j’ai vu qu’il avait entamé une carrière musicale, je l’ai encouragé. Il m’a demandé si je pouvais parler de son album dans mon journal  »L’Intelligent d’Abidjan ». Je lui ai dit qu’il serait plus intéressant qu’au delà de son album, il se dévoile enfin. En février 2010, il est venu à mon bureau et nous avons réalisé cet entretien.Il en a acheté 20 exemplaires qu’il a distribués à ses amis loubards. On se voyait régulièrement à Marcory et à Angré où nous parlions de son avenir. Je retiens de Charly Watta, un homme assez timide, simple et respectueux en dépit de la légende qu’il était dans le milieu des Ziguéhi. Il avait de grands projets pour les enfants de la rue et les Ziguehi. J’ai perdu un ami. Qu’Allah lui accorde le paradis ».

Par la rédaction de L’Intelligent d’Abidjan

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