Quand des Ivoiriens sont des étrangers dans leur propre pays en Côte-d’Ivoire

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PRAO YAO SÉRAPHIN

« L’imitation ne se contente pas de rapprocher les gens ; elle les sépare, et le paradoxe est qu’elle peut faire ceci et cela simultanément »
(René Girard)

Depuis quelques années, certains hommes politiques ont passé le clair de leur temps à éteindre voire même gommer notre identité nationale. De façon ingénieuse, le catéchisme consiste à appeler les Ivoiriens à l’ouverture tout en ayant, en toile de fonds, l’idée centrale de faire de la Côte d’Ivoire, une terre sans identité ni âme. Pour cet objectif, les outils ne manquent pas. Ils font appel aux medias occidentaux, aux soutiens de certains pays frères. Leur rêve n’est pas loin de se réaliser car petit à petit, les Ivoiriens perdent leur repère, leur code et leur identité. Cette tendance s’est accélérée depuis 2011 à tel point que certains Ivoiriens sont comme des étrangers dans leur propre pays. Dans une première approximation, il est difficile de percevoir comment un Ivoirien peut se sentir étranger chez lui. Et pourtant, c’est la triste réalité. Pour le comprendre, il faut considérer, dans une deuxième approximation, la notion d’étranger. Il s’agit d’aborder cette notion d’un point de vue sociologique pour comprendre qu’effectivement, nous sommes nombreux à être des étrangers dans notre pays. Avant de donner quelques raisons de ce sentiment, nous allons essayer de définir la notion d’étranger pour que le lecteur capte la trame de notre pensée.

Qu’est-ce qu’un étranger ?

Il y a au moins trois façons de définir l’étranger. On peut le faire d’un point de vue technique, sociologique et du sens commun. La définition technique qui relève du registre juridique dit que l’étranger est celui qui n’a pas la nationalité du pays où il réside. La définition du sens commun renvoie à celui qui n’appartient pas à la communauté nationale ou à une autre communauté (régionale, locale, villageoise) ou qui ne semble pas lui appartenir à cause de ses caractéristiques, quelles qu’elles soient (physiques, langagières, vestimentaires, religieuses). Ces deux définitions ne peuvent pas nous aider car la nationalité ivoirienne, on la possède et en plus nous sommes natifs de ce pays. Il nous faut donc une autre définition qui reflète notre situation. Nous empruntons donc la définition sociologique de l’étranger. C’est celui qui est l’objet d’une mise à l’écart par le groupe majoritaire (ou au pouvoir) qui ne reconnait pas sa pleine appartenance au groupe, quels que soient ses points communs ou ses différences objectivement partagés avec les membres du groupe. On voit bien que cette définition sociologique rend compte de ce processus social de mise à l’écart, qui est justifiée, dans le sens commun, par les critères «rédhibitoires» que le groupe érige en normes pour écarter personnes. Le plus souvent, ces critères sont« naturalisés», réifiés par le sens commun, ils deviennent des caractéristiques «naturelles», «essentielles», de l’autre. Quelquefois, ces caractéristiques sont même abstraites; on entend: «Il est différent» comme si être différent était une caractéristique en soi, comme si il n’était pas «différent de nous» au même titre que nous sommes «différents de lui» par tel ou tel trait. Avec une telle définition, nous pouvons à présent donner les raisons pour lesquelles certains Ivoiriens ne sentent étrangers chez eux.

Pourquoi certains Ivoiriens se sentent étranger en Côte d’Ivoire ?

La première raison est que nos parents sont expropries de leurs terres. Deuxièmement, la majorité des Ivoiriens est exclue de la gestion des affaires et troisièmement, le sentiment d’être Ivoirien a disparu.

La première raison est que nos parents sont chassés de leurs plantations.

Nos parents de l’Ouest de la Côte d’Ivoire sont chassés de leurs plantations au profit de personnes étranges. En effet, depuis 2011, les citoyens ivoiriens impuissants ont assisté à des arrivages journaliers de bus qui déversaient par centaines des clandestins Burkinabés dans l’Ouest du pays, lancés à la conquête des plantations de café -cacao et se livrant à l’abattage sauvage de milliers d’hectares de forêt domaniale classée pour en augmenter la surface, et cela sans tenir compte des lois du pays. D’ailleurs, en août 2012, le PDCI “s’inquiétait vivement des informations persistantes tendant à accréditer le convoyage d’immigrants clandestins armés pour l’occupation intempestive de nos forêts et plantations au mépris du droit des propriétaires terriens et des exploitants qu’ils expulsent et assassinent”, par la voix de son secrétaire général, le professeur Alphonse Djedje MADY. Depuis Taï jusqu’à Toulépleu; de Toulépleu à Sémien, en passant par Guiglo, Duékoué, Bangolo et Kouibly, les Wê sont dépossédés de leurs terres ainsi que de leurs exploitations de cacao par des Dozos et des Burkinabé puissamment armés. Ces hommes étranges ont chassé les autochtones et se sont lancés dans l’agriculture et la déforestation, sans aucune règle de conduite, sans aucun respect de la propriété. Le professeur Francis AKINDES dit que l’Ouest du pays est le carrefour de la haine, justement à cause des conflits fonciers. Pour ces Ivoiriens, ils sont étrangers dans leur pays parce que chassés par des hommes étranges.

La deuxième raison est que la majorité des Ivoiriens est exclue de la gestion du pays

Depuis 2011, la Côte d’Ivoire est devenue le pays de la gouvernance publique ethnico-tribale. Notre pays est devenu une poudrière tribale, dont les fondements sont l’appareil de l’Etat. Le tribalisme d’Etat est devenu la clé de répartition et de gestion des ressources du pays. En Côte d’Ivoire, c’est l’ethnie, la région et le parti politique qui déterminent l’ascension sociale des individus. Selon le sociologue Max Weber, l’ethnicité est le sentiment de partager une ascendance commune, que ce soit à cause de la langue, de coutumes, de ressemblances physiques ou de l’histoire vécue. Et c’est sur cette base que fonctionnent désormais les institutions de notre pays. Le « tribalisme d’Etat » en Côte d’Ivoire a pour cache-sexe l’équilibre régional ou du moins le rattrapage selon les propres termes du Président Ouattara. Pratiquement tous les postes de direction sont aux mains des nordistes. Le rattrapage ethnique fonctionne à plein tube en Côte d’Ivoire. On a l’impression que les plus éduqués, les plus diplômés, les plus intelligents sont du Nord. Tous les régimes fascistes naissent comme ça, autour d’un clan, autour d’une communauté, sur des idées fausses voire des mythes.

La troisième raison est que nous ne nous sentons plus Ivoiriens

En Côte d’Ivoire, il y a un seul Ivoirien, il s’appelle Alassane Ouattara. Dans ce pays, c’est la « règle du 3 en 1 », tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains d’un seul homme, le Président Ouattara. Pour le matérialiser, les députés ivoiriens ont adopté, mercredi 10 avril 2013, une loi permettant au chef de l’Etat de « gérer » par ordonnances, en matière économique et sociale. Il est le plus beau, le plus grand, les autres sont des supplétifs. Ses proches sont des corrompus mais protégés. Pendant ce temps, les autres sont en prisons depuis 2011. Par-dessus tout, la nationalité Ivoirienne n’a plus d’attrait car elle se vend comme des galettes dans nos administrations. En une minute, les étrangers peuvent avoir la nationalité ivoirienne. La paix sociale qui était notre religion est devenue une idée ringarde avec le régime Ouattara. La justice est du côté des uns et contre les autres. La violence est devenue le sport adoré sous ce régime : des gamins tuent dans nos quartiers et les étudiantes sont violées dans les cités. Certains Ivoiriens ne se trouvent pas dans ce désordre social. Nous ne retrouvons plus le « pays d’Houphouët », ni la « Terre de Guei » et la « Patrie de Gbagbo ». Nos regards sont tournés vers l’Eternel, le Dieu de Justice.

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