Droit du pire en Côte-d’Ivoire: l’heure des adieux

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Grâce à la page Facebook de la Présidence, nous savons tous les jours quel pays est en fête. Aujourd’hui, c’est la Palestine, le sultanat d’Oman, le Maroc. Hier c’était la Moldavie… Grâce à la présidence, on se cultive – si, si, car avec chaque pays, on vous donne également le nom de son dirigeant et la description de son drapeau ! –.

C’est la dernière trouvaille: quand il n’y a rien à écrire, on s’enquiert des autres, de ceux qui sont loin. On ne s’enquiert pas des proches : pour eux, tout va bien. La preuve ? Les gendarmes désarmés se font abattre par une population qui les confond avec des militaires de l’“armée nouvelle”. Mais il ne s’agit pas là d’une information, n’est ce pas ? Cela ne vaut pas la culture fournie clé en main via le site de la Présidence : la connaissance des anniversaires des pays lointains ! On apprend par les agences de presse que les dozos sécurisent le trajet du café-cacao pour assurer l’embarquement de ces précieuses denrées à destination des États-Unis et de l’Europe. Alors que la consommation ne cesse d’en augmenter, le cacao se brade : sur place il ne vaut rien; “on” l’achète pour quelques piécettes, puis “on” le revend à prix d’or, une fois bourrées au passage – après les urnes – les poches de qui vous savez, et du fiston chéri de Blondame.

En cette fin de semaine, ne filtre du côté des rattrapés gouvernementaux aucune information digne de ce nom sur l’illégalité de la Commission Electorale “Indépendante” ivoirienne, telle que vient de la mettre en lumière la Cour de Justice de l’Union africaine ! Mais bon, c’est vrai que l’on est dimanche : après le Maroc, Ouattara se rapproche de Paris, et beaucoup de ministres avec lui; il faut les excuser : ils ne sont pas là pour commenter l’actualité. Blondame est très certainement déjà sur place, pour s’approvisionner dans les boutiques de la ville-lumière en chocolats de Noël à l’intention de ses chouchous ivoiriens.

Pendant ce temps les Ivoiriens – les autres, pas les chouchous de Blondame – continueront de mourir en nombre. Il n’est pas un jour où, sur facebook, je ne voie un ami endeuillé. Ceux qui partent ne sont pas des vieillards rassasiés de jours, non ! Ce sont des jeunes, fauchés avant l’âge, faute de soins, d’argent, de nourriture.

Et la nouvelle Constitution – tellement appréciée, n’est-ce-pas –, accorde maintenant aux veuves et aux orphelins de la Fonction publique la faveur de pleurer encore davantage, grâce à de nouvelles lois iniques taillées sur mesure : rien n’est assuré pour soutenir les familles de ceux qui meurent dans l’exercice de leur fonction. Les gendarmes privés des moyens de se défendre en font les frais, alors qu’ils devraient être encouragés dans leur travail de protection des populations, face à une corruption endémique. J’ai même lu qu’un diplômé de l’école normale n’était payé qu’après trois ans de bénévolat : est-ce seulement imaginable, dans cette banlieue coloniale d’une France omniprésente, omnipotente et à la pointe du progrès social ?

Et on nous demande de rester sereins, car la Solution a tout prévu; là, elle est absente pour cause de séjour parisien; dans deux jours, le 22, elle rencontrera François Hollande. Ragaillardie par les forces nouvelles que lui aura impulsée ce fécond briefing, elle va rentrer au pays chanter mieux et plus fort, les louanges d’une Constitution qui exproprie, vole, spolie, étouffe et légalise l’innommable, sur fond de « plébiscite » – pensez donc : un 42,42%, alors que partout les ivoiriens se sont abstenus, même dans les fiefs du RDR ! – 42,42% de quoi ? De cinq pour cent de votants ?

Nous attendons, passé ce dimanche, de connaître la réaction des candidats aux législatives – indépendants, affistes, membres du Lider, voire même les RDR dégoûtés par la lenteur du changement et l’assèchement de la pluie des milliards tant promis –, face à l’exigence énoncée par la Cour de Justice africaine, que lui soit présentée dans les plus brefs délais une nouvelle Commission électorale, dont la composition réponde aux critères de sa dite indépendance. Continueront-il leur danse du ventre autour du grand Manie-tout, ou rejoindront-ils enfin ceux qui refusent désormais toute main tendue au mensonge personnifié, à la corruption et au racket institutionnalisés, à l’indifférence labellisée, à la violence cultivée – du microbe de base au sommet de la hiérarchie –, à l’indifférence et au mépris de tous ces Ivoiriens qui souffrent, au blasphème perpétuel de ces mécréants qui ne se réclament occasionnellement de la foi que pour mieux en bafouer les fondements, eux qui n’ont pour dieu que leur ventre, leurs profits et leur place au soleil ici bas ?

Mais voilà, peut-être touchons-nous enfin, en ce pré-début d’hiver, au terme de la belle saison pour les crapules de tous poils et de tous acabits. Ivoiriens, n’attendez pas que Paris, Washington, Londres ou Berlin vous gratifient d’une autre potiche, quand celle-ci ne pourra définitivement plus être reboulonnée. Imposez vos conditions, votre visibilité, vos actions. Pensez à vos enfants, vos petits enfants, et vous hommes et femmes politiques, défendez-vous par l’action !

La Françafrique n’est pas un monstre des griffes duquel on se sort à coup de verbiage incantatoire. Cessez de vous en remettre à “Sainte Communication”; cessez d’invoquer la parole comme on agite un gri-gri : Pour dialoguer, il faut un vis-à-vis. Au cours des cinquante-cinq mois écoulés depuis le holdup de la Maison Côte-d’Ivoire, cela n’a jamais été le cas; pas un jour, pas une heure. Et l’exemple vient de haut : dans son programme pour les “primaires républicaines”, notre inénarrable grand délinquant Nicolas Sarkozy, commanditaire du coup d’Etat que l’on sait, en était encore à défendre bec et ongles l’option nucléaire française, totalement conditionnée par la quasi-gratuité de l’uranium africain… Or ce soir, dégrisé, le Parrain du Régime que l’on sait, congédié sans ménagement par le Maître de toute destinée, ne se trouve plus qu’aux portes… du pénitencier ! Haut les cœurs, donc ! Et chacun son tour…

Certes, l’avenir ne redeviendra pas rose du jour au lendemain. Mais c’est là qu’il faut du courage, des tripes, de l’abnégation; c’est là qu’il faut apprendre à ne plus compter sur d’éventuelles récompenses, prébendes, avancements et autres avantages, à l’exemple ce ceux qui n’ont fait avancer l’histoire que parce qu’ils n’en rien attendaient rien pour eux-mêmes. De cette histoire à réinventer, sans plus de meurtriers aux commandes, apprenez à ne rien attendre, si ce n’est les visages souriants et confiants de vos enfants et petits enfants, durablement affranchis de l’obligation de connaître le calvaire de vos pères et le vôtre…

Alors, tous unis ! Tous unis pour refuser quelque participation que ce soit à une autre mascarade électorale; tous unis pour dénoncer cette dictature de Père Fouettard qui vient remplir de vos biens sa hotte vide, pour en déverser l’inestimable contenu aux pieds de ses copains richissimes. Oui, tous unis, n’ayant de cesse que de voir l’horizon de notre belle Eburnie dégagé des miasmes de l’intrus.

Shlomit Abel, le 20 novembre 2016

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