Affaire financement libyen: Qui a voulu tuer Saleh, l’ex-bras droit de Kadhafi?

Par Vincent Hugeux

Homme important dans l’affaire qui vaut à Nicolas Sarkozy, une garde à vue de 48 heures à Nanterre, suivie de sa mise en examen, Bachir Saleh a échappé de peu fin février à une tentative d’assassinat. A qui aurait profité le crime ? L’Express examine les hypothèses.

L’agression date du 23 février 2018. Elle a pour décor une avenue de Sandtown, quartier chic de Johannesburg. Ce vendredi-là, en début de soirée, un commando mitraille la voiture de Bachir Saleh, l’ancien-directeur de cabinet du défunt Guide libyen Muammar Kadhafi, établi en Afrique du Sud depuis 2012. En provenance de l’aéroport international OR-Tambo, la cible rentrait d’une discrète escapade au Zimbabwe voisin. Atteint de deux balles -une à l’abdomen, l’autre au thorax-, Saleh, 71 ans, est transféré puis opéré au Netcare Milpark Hospital. Il s’en sortira.

D’emblée, la police locale privilégie la thèse de l’attaque crapuleuse. Mais voilà: les assaillants s’éclipsent sans avoir rien dérobé. D’où le scepticisme affiché par plusieurs proches du miraculé, dont Mustapha al-Zaïdi, délégué général du Mouvement national populaire libyen, qui invite sur RFI les autorités à mener une enquête approfondie. Pas sûr qu’il soit entendu: « Aucun dossier n’a été ouvert », avait précisé dix jours après l’attaque la police du Gauteng, la province où se situe Johannesburg. Ce qui laisse supposer qu’il n’y a pas eu de dépôt de plainte. Étrange.

Tout indique que le « Noir de Kadhafi » -ainsi le surnomme-t-on en Afrique- a quitté depuis lors sa retraite sud-africaine. Chargés à l’évidence de la protection de ce patient VIP, les cerbères qui campaient dans la cafétéria de la clinique Milpark ont disparu. Selon un ami de Saleh, ce dernier aurait été exfiltré aux alentours du 9 mars vers les Emirats Arabes Unis (…)
Un mois après les faits, le mystère demeure (…)

La piste franco-libyenne
Le scénario le plus romanesque, mais pas nécessairement le plus crédible ; même s’il va de soi que la mise en examen mercredi soir de Nicolas Sarkozy risque de l’alimenter. Pour les adeptes de cette version, Bachir Saleh aurait ainsi payé sa connaissance intime des liens entre le clan Kadhafi et la tribu Sarkozy ; à commencer par les modalités de l’éventuel financement par Tripoli de la campagne présidentielle de 2007. Un précédent fatal tend à étayer une telle construction: la mort plus que suspecte de Choukri Ghanem, ancien Premier ministre puis ministre du Pétrole de la Jamahiriya, dont le cadavre fut repêché à Vienne, dans les eaux du Danube, en avril 2012. Dans ses carnets, dont le site Mediapart a révélé la teneur, apparaît la chronique des largesses dont aurait été gratifié l’ex-maire de Neuilly-sur-Seine. Il y est notamment question de la remise, par Saleh lui-même, d’1,5 million d’euros. « Kadhafi a dit qu’il avait financé Sarkozy, lâche ce dernier au détour d’un entretien accordé auMonde en septembre 2017. Sarkozy a dit qu’il n’avait pas été financé. Je crois plus Kadhafi que Sarkozy. » Autre indice: à en croire certains membres de son entourage, le rescapé de Sandtown, qui avait jusqu’alors opposé son « droit au silence » aux questions des juges français, aurait fait savoir récemment qu’il était enfin disposé à fournir des informations ; et se sentait depuis lors menacé.

Reste que Bachir Saleh avait semble-t-il promis à son ami Alexandre Djouhri, l’un des exécuteurs des basses oeuvres de la Sarkozie, aujourd’hui détenu -et hospitalisé- à Londres, de dédouaner « Nicolas ». Il n’empêche: la piste d’un éventuel « contrat » parisien se heurte à un écueil opérationnel quasiment rédhibitoire: la difficulté de monter sans laisser de traces un homicide en territoire sud-africain, et l’énorme risque encouru, même en cas de « succès ».

Le règlement de comptes libyano-libyen
Depuis l’an dernier, celui qui fut le loyal féal du Guide affiche ses ambitions politiques. Au point de livrer cet aveu à Jeune Afrique: oui, j’envisage de me porter candidat à un hypothétique scrutin présidentiel « si les Libyens le souhaitent ». « J’en ai le courage et j’en ai l’envie ». Nul doute qu’une telle prétention suscite une intense hostilité au sein d’une galaxie kadhafiste aussi fragmentée que revancharde. « Pour nombre de fidèles du Colonel, avance un familier de cette nébuleuse, Bachir reste le chaouch du chef. Voire celui qui a pillé les caisses du régime. Saadi Kadhafi -l’un des fils- est ainsi persuadé que Saleh est parti avec 220 millions de dollars ».

Un autre indice atteste la vigueur de ses appétits: sa bougeotte tout au long de l’année 2017. Fort du parrainage de son hôte Jacob Zuma, débarqué de la présidence sud-africaine voilà peu, mais aussi et surtout du dense réseau tissé au temps où il jouait le rôle d’émissaire subsaharien de Kadhafi et de dispensateur de ses oboles en cash, le fils d’infirmier natif du grand Sud a fait la tournée des palais. Du Sénégal au Togo en passant par la Guinée-Conakry, le Niger et Congo-Brazzaville.

Cornaqué par le sulfureux Jean-Yves Ollivier, businessman et entremetteur très en cour chez Denis Sassou Nguesso, il a ainsi hanté en septembre dernier les coulisses de la quatrième réunion du Comité de haut niveau de l’Union africaine (UA) sur la Libye. Deux mois plus tard, on le retrouve à Moscou où, pourvu du titre de « conseiller diplomatique » de Zuma, il sera reçu par le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov avant d’accorder un long entretien à la télé publique RTR Planeta. De même, le revenant moustachu aurait, selon Jeune Afrique, rencontré la figure islamiste libyenne Abdelhakim Belhadj à Istanbul (Turquie) puis à Khartoum (Soudan).

En février 2018 (…)

L’hypothèse sud-africaine

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3 réflexions au sujet de “Affaire financement libyen: Qui a voulu tuer Saleh, l’ex-bras droit de Kadhafi?”

  1. La mafia à l’œuvre pour faire taire les sachants. Quand on sait l’admiration sans borne que voue Sarkozy à Berlusconi (seul chef d’Etat qui trouvait grâce à ses yeux), et quand on connaît les liens du dernier cité avec la Pieuvre, on a tout compris.

  2. Que ça vienne de France ou de Libye, ce sont tous des amateurs parce que Paul Kagamé lui arrive à se « débarrasser » de ses opposants à l’étranger (notamment en Afrique du Sud) sans laisser de « traces ».

  3. C’est fabuleux cette façon qu’ont certaines personnes à boucler des enquêtes en une phrase !!

    Pop !!

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