Côte-d’Ivoire: McDonald ne pourra plus présenter des éléments de preuve contre Gbagbo et Blé Goudé

Quelques extraits du document, traduction à partir de l’anglais

COMMUNIQUÉ DE LA CPI DU 4 JUIN 2018

CI-dessous le dernier ordre rendu par la Chambre de première instance I dans l’affaire Le Procureur c. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, établissant le calendrier pour la suite de la procédure :

Second Order on the further conduct of the proceedings, 4 June 2018

– La Chambre y déclare que la présentation des éléments de preuve du Procureur est désormais close;

– Elle ordonne à la Défense de M. Gbagbo et M. Blé Goudé de déposer, au plus tard le 20 juillet 2018, leurs soumissions sur les questions pour lesquelles, à leur avis, les éléments de preuve présentés par le Procureur ne sont pas suffisants pour soutenir une condamnation;

– Elle ordonne aussi au Procureur et au RLV de déposer, au plus tard le 27 août 2018, leurs réponses respectives, selon les mêmes modalités;

– Elle décide enfin de tenir une audience, le 10 septembre 2018 et plus si nécessaire, au cours de laquelle les parties et participants seront autorisés à illustrer ou compléter leurs observations écrites, ainsi que de répondre aux observations et à toute question que pourrait avoir la Chambre.

Cordialement,

Unité des affaires publiques

PublicAffairs.Unit@icc-cpi.int

(…) De 1 à 5

6. La Chambre a examiné le Mémoire du procès. Elle a noté que, malgré quelques changements mineurs concernant un nombre limité d’allégations, l’exposé global est resté essentiellement le même que celui qui figurait dans le mémoire préalable au procès.

7. Les deux accusés soutiennent qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour condamner l’un ou l’autre sur la base des accusations confirmées par la Chambre préliminaire.

8. La Chambre est consciente, à cet égard, de la décision rendue par la Chambre d’appel dans l’affaire Ntaganda en ce qui concerne les requêtes «sans suite». Selon la Chambre d’appel, les parties ne peuvent pas obliger la Chambre de première instance à examiner des requêtes «sans appel» et une Chambre de première instance peut «décider de conduire ou de refuser de conduire une telle procédure dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire». que chaque affaire peut être différente et qu’il incombe à la Chambre de première instance d’établir un équilibre entre l’opportunité et l’équité compte tenu des circonstances particulières de l’affaire 9, à condition que le procès soit équitable et expéditif conformément aux articles 64 (2) et 64 (3 ) a) du Statut.

9. La Chambre est d’avis que, dans le cadre de sa responsabilité d’assurer l’efficacité et l’équité de ces procédures, elle doit veiller à ce que le procès ne dure pas plus longtemps que nécessaire. Cela exige que la Chambre élabore des mesures procédurales appropriées qui «contribuent à un procès plus court et plus ciblé, offrant ainsi un moyen d’accroître l’économie et l’efficacité judiciaires d’une manière qui favorise la bonne administration de la justice et les droits d’un accusé».

10. En conséquence, la Chambre estime que, à ce stade, la manière la plus appropriée et la plus efficace de procéder à la lumière de ses devoirs statutaires est d’autoriser la Défense à faire des observations concises et ciblées sur les questions factuelles spécifiques pour lesquelles, selon elle, le preuve présenté est insuffisant pour soutenir une déclaration de culpabilité et à l’égard de laquelle, en conséquence, un jugement d’acquittement total ou partiel serait justifié. Plus précisément, la Défense est invitée à expliquer pourquoi il n’y a pas suffisamment de preuves susceptibles de justifier une condamnation. Afin de ne pas aller à l’encontre de leur objectif, et à la lumière du stade atteint par ces procédures, de telles communications doivent être déposées et résolues rapidement.

11. La Chambre laisse à la discrétion des équipes de la Défense le soin de décider de l’organisation de leurs soumissions, et en particulier si elles souhaitent traiter séparément et spécifiquement chacun des éléments des crimes et des formes de responsabilité incriminés. La Chambre observe que, conformément à l’article 142 (2) du Règlement, elle doit décider séparément de chaque chef d’inculpation et séparément des accusations portées contre chaque accusé. La Chambre est également d’avis qu’il n’est pas approprié de fixer une limite de page précise pour les requêtes à déposer conformément à cette ordonnance et qu’il est préférable de laisser aux parties le soin de décider de la portée à leur donner. Néanmoins, les parties sont invitées à déposer des observations écrites concises et ciblées qui favorisent un examen efficace par la Chambre.

12. Compte tenu de la nature criminelle du procès et en vue de la pleine application des principes primordiaux de la publicité et de l’oralité de la procédure, la Chambre considère qu’il est également nécessaire, une fois qu’elle a reçu les observations écrites, de tenir une audience publique afin d’entendre d’autres observations et de permettre aux parties de répondre à des questions précises des juges. Dans la mesure du possible, la Chambre s’efforcera d’informer les parties de ces questions avant l’audience, sans préjudice des autres questions posées par les juges au cours de l’audience.

13. Ces arguments aideront la Chambre à déterminer si les éléments de preuve présentés par le Procureur suffisent
pour justifier la poursuite du procès et entendre la déposition de l’accusé, ou si la Chambre devrait immédiatement faire son évaluation finale en ce qui concerne tout ou partie des charges.

POUR CES MOTIFS, LA CHAMBRE, PAR LA PRÉSENTE,

DÉCLARE que la présentation des éléments de preuve du Procureur est close;

ORDONNE à la Défense de M. Gbagbo et à la Défense de M. Blé Goudé de déposer, au plus tard le 20 juillet 2018, des conclusions traitant des questions pour lesquelles, à leur avis, les éléments de preuve présentés par le Procureur ne suffisent pas à justifier une condamnation;

ORDONNE au Procureur et au LRV de déposer, au plus tard le 27 août 2018, leur réponse, selon les mêmes modalités;

DÉCIDE de tenir une audience à compter du 10 septembre 2018 et de prolonger si nécessaire, pendant laquelle les parties et les participants seront autorisés à illustrer ou à compléter leurs arguments, ainsi qu’à répondre aux arguments des autres et à toute question que la Chambre pourrait avoir .

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Judge Cuno Tarfusser, Presiding Judge
Judge Olga Herrera Carbuccia
Judge Geoffrey Henderson

Dated 4 June 2018
At The Hague, The Netherlands

CPI: les avocats de Gbagbo et Blé Goudé pourront plaider l’acquittement

Les juges de la Cour pénale internationale ont autorisé l’ex-président ivoirien et son ancien ministre à demander l’acquittement suite à la clôture du dossier de l’accusation. Des audiences sont prévues le 10 septembre.
De notre correspondante à La Haye,

Dès les prémices de l’affaire Gbagbo, les juges de la Cour pénale internationale ont demandé à l’accusation de revoir sa thèse. De l’étayer dans le détail, et d’en apporter la preuve. En 2013, déjà, ils avaient refusé de mettre en accusation l’ancien président et son co-accusé, Charles Blé Goudé, forçant le procureur à revenir devant eux avec un dossier – à peine – plus étayé, quelques mois plus tard.

Le scénario des derniers mois dans l’affaire Gbagbo est à bien des égards similaire. Après deux ans de procès, le substitut du procureur, Eric McDonald, avait, le 19 janvier, appelé à la barre son 82e et dernier témoin. Peu après son interrogatoire, les juges avaient demandé au procureur de leur remettre un mémoire précisant sa thèse, sur la base des témoins entendus à La Haye et des pièces enregistrées au dossier. En substance, les trois magistrats laissaient entendre que la thèse de l’accusation n’était pas en phase avec le dossier présenté devant eux pendant deux ans.

Au lieu de saisir l’opportunité de reformuler ses accusations, le substitut Eric McDonald s’est enferré dans son récit initial. « Malgré quelques changements mineurs concernant un nombre limité d’allégations, le récit global est resté essentiellement le même que celui qui figurait dans le mémoire préalable » au procès ouvert en janvier 2016, reprochent les juges dans une décision rendue le 4 juin. Les magistrats critiquent aussi les allégations imprécises et les répétitions du procureur. Le procureur refuse de modifier son récit des événements de 2010/2011, au risque que soient acquittés, au moins partiellement, les deux accusés.

Une crise politique qui a fait plus de 3 000 morts

La crise politique qui a endeuillé la Côte d’Ivoire, faisant selon l’ONU plus de 3 000 morts, est pour l’accusation le résultat d’un complot à sens unique dans lequel l’ancien chef d’Etat aurait volontairement ciblé les civils. Il fait l’impasse sur la présence de la rébellion favorable à Alassane Ouattara et donne au final le visage d’une guerre éloigné de la réalité. Pour le substitut du procureur, Eric McDonald, Laurent Gbagbo a mis sur pied une politique criminelle destinée à conserver le pouvoir au prix de meurtres, de viols, de persécutions et d’autres actes inhumains, ciblant les partisans de son adversaire à la présidentielle de 2010, Alassane Ouattara. Pour ce faire, l’ex président ivoirien aurait établi un système de commandement parallèle au sein des forces de sécurité ivoiriennes. Le tout, avec son « cercle » proche, dont sa femme, Simone Gbagbo, poursuivie par la Cour mais jamais transférée par les autorités ivoiriennes à La Haye, et Charles Blé Goudé, son co-accusé.

Depuis le 1er juin, date officielle de clôture de l’accusation, les deux accusés auraient dû, à leur tour, présenter leurs propres témoins pour contrer la thèse du procureur. Mais en mars dernier, leurs avocats demandaient à la Cour d’en finir là, de les autoriser à demander l’acquittement. Aucune preuve « susceptible de justifier une condamnation » n’a été présentée au cours du procès, disaient les avocats de Charles Blé Goudé, maîtres Claver N’Dri et Geert Knoops. Quant à l’avocat de Laurent Gbagbo, maître Emmanuel Altit, il dénonçait une enquête « approximative » sans rien « de concluant », et dénonçait l’absence d’authentification de preuves fournies par le pouvoir en place, celui-là même qui a succédé à Laurent Gbagbo avant de l’envoyer à La Haye, en novembre 2011.

Les avocats pourront plaider l’acquittement

Dans leur décision du 4 juin, les trois magistrats acceptent donc que les avocats plaident l’acquittement. Ils demandent désormais aux défenseurs de l’ancien président ivoirien et de son ex-ministre de présenter « des observations concises et ciblées sur les questions de fait précises pour lesquelles, à leur avis, la preuve présentée est insuffisante pour justifier une déclaration de culpabilité et à l’égard de laquelle, par conséquent, un jugement d’acquittement total ou partiel serait justifié. » Les avocats ont jusqu’au 20 juillet pour présenter un mémoire expliquant « pourquoi il n’y a pas suffisamment de preuves susceptibles de justifier une condamnation ». Après quoi, le procureur et les représentants des victimes auront jusqu’au 27 août pour présenter leur propre mémoire, avant de venir défendre leurs arguments devant les juges, en audience publique, le 10 septembre.

Le code de procédure de la Cour ne prévoit aucun délai pour la décision. Une telle procédure de demande d’acquittement, à mi-parcours d’un procès, n’a précédemment été demandée que dans l’affaire William Ruto, le vice-président du Kenya. Les juges avaient mis près de trois mois avant de conclure au non-lieu. Dans ce dossier, ils n’avaient pas prononcé d’acquittement, estimant que l’affaire s’était effondrée en raison de pressions sur les témoins. Rien de tel dans l’affaire visant Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé.

Avec RFI

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