Côte-d’Ivoire: Le meurtre du président de l’Association des Ivoiriens en Tunisie cristallise la colère des subsahariens

Manifestation d’Ivoiriens devant l’ambassade de leur pays après la mort d’une des figures de leur communauté, à Tunis, le 24 décembre. FETHI BELAID / AFP

C’est l’agression de trop. Une agression mortelle pour un simple téléphone portable, selon le récit du ministère de l’intérieur. Falikou Coulibaly a été poignardé à mort, dans la nuit du dimanche 23 au lundi 24 décembre, à La Soukra, un quartier de la banlieue nord de Tunis. Le meurtre de cet Ivoirien âgé de 33 ans a suscité une profonde émotion au sein de la communauté des Africains subsahariens résidant en Tunisie, qui se plaignent déjà régulièrement de comportements « racistes » à leur encontre.

Le suspect, âgé d’à peine 20 ans, a été arrêté le jour même et a reconnu les faits, selon la police. Lundi, le ministre chargé des droits humains et des relations avec les instances constitutionnelles et la société civile, Mohamed Fadhel Mahfoudh, a reçu des membres de la famille de la victime. Falikou Coulibaly était le président de l’Association des Ivoiriens en Tunisie. Père de deux enfants de 8 et 6 ans, restés en Côte d’Ivoire, « il comptait rentrer voir sa mère bientôt », affirme son ami Aboubacar Dounia, ému d’avoir perdu son « frère ».

Dénis de justice
Falikou Coulibaly était une figure, un symbole connu des centaines de manifestants qui ont afflué, lundi, devant l’ambassade de Côte d’Ivoire à Tunis. La plupart y concluaient une marche d’une vingtaine de kilomètres partie de l’hôpital de La Marsa, dans la banlieue nord de la ville, où la victime a succombé à ses blessures. « Liberté, liberté », « Tunisiens racistes », « Trop c’est trop », ont-ils scandé. L’exaspération et le ressentiment des Ivoiriens étaient dirigés contre les policiers, mais aussi contre leur propre ambassade, qu’ils accusent de ne pas suffisamment les protéger. Ce meurtre cristallise toutes les tensions et les frustrations de la communauté.

« Il a une famille, il est en règle, il a ses papiers ! », lance une jeune femme. « Et même s’il n’était pas en règle, il a le droit de vivre », réplique sa voisine avec virulence. Jean Ismael, arborant fièrement un maillot de l’équipe ivoirienne de football, s’emporte : « La police tunisienne voit des étrangers se faire agresser, elle ne réagit pas. Ils s’en foutent, ils disent que c’est un “kahlouch” » – terme péjoratif désignant les Noirs en dialecte tunisien. Mardi, une nouvelle manifestation a rassemblé plusieurs centaines d’Africains subsahariens devant le théâtre municipal sur l’avenue Bourguiba, au centre de Tunis. « Je ne veux pas mourir en Tunisie ! », ont-ils scandé.

Il est difficile d’obtenir des chiffres sur la diaspora ivoirienne en Tunisie. Ses membres sont étudiants, travailleurs, avec ou sans titre de séjour, arrivés depuis plusieurs années ou quelques semaines. Et ils préfèrent rester discrets dans un pays où l’Etat comme les citoyens les ignorent, les exploitent, voire les rejettent et les violentent.

Nombreux sont ceux à avoir fui leur pays lors des troubles de 2010-2011 provoqués par l’élection présidentielle contestée qui avait opposé Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo. « Aujourd’hui, nous sommes en Tunisie, c’était comme une terre d’asile, dit Rémy, un manifestant ivoirien. Mais si les autorités [locales] ne peuvent pas assurer notre sécurité, nous demandons qu’ils annulent les pénalités pour qu’on puisse rentrer chez nous. »

Par Mohamed Haddad
Lemonde.fr

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1 réflexion au sujet de « Côte-d’Ivoire: Le meurtre du président de l’Association des Ivoiriens en Tunisie cristallise la colère des subsahariens »

  1. Les américains pour un étudiant emprisonné en Corée du Nord ont demandé des milliards.

    Simplement parcequ il faut faire monter la rétorsion telle que pour toucher à son ressortissant il faut être sûr de maîtriser les conséquences.

    Les pays du magreb tous ceux qui ont fait des études là-bas vous le diront: il y a une grande proportion de mépris pour le noir au sein de la population. Il y a un aspect culturel historique et de pauvreté.

    C est la capacité de leurs gouvernants à sanctionner de façon exemplaire et surtout la réaction vigoureuse de notre diplomatie ainsi que des associations ivoiriennes locales qui peuvent protéger nos ressortissants.

    En plus des manifestations pacifiques qu’ ils ont fait, il faut prendre un avocat et mettre la pression pour que les responsables aient un châtiment exemplaire.

    Bon c est aussi vraiment que si nous même on livre nos ressortissants aux pays étrangers pour les juger on est peu crédible pour jouer les protecteurs de ses nationaux.

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