La presse broie du noir en Côte-d’Ivoire: Mévente des journaux, salaires impayés, licenciements…

Serge Alain KOFFI

Au pays d’Houphouët-Boigny, c’est peu dire –tant cela parait comme un doux euphémisme- que d’affirmer que la plupart des entreprises de presse sont au bord de l’effondrement. Entre mévente, salaires impayés, personnel démotivé et licenciement, elles traversent toutes pratiquement une situation financière très dégradée, qui menace leur survie.

La situation financière de la quasi-totalité des journaux ivoiriens était déjà peu reluisante selon des acteurs du secteur qui espéraient toutefois en de lendemains meilleurs. Ces derniers mois, elle s’est davantage détériorée malgré l’augmentation en avril 2014 des prix qui sont passés de 200 à 300 FCFA pour les quotidiens et de 300 à 500 FCFA pour les hebdomadaires.

Une précarité croissante que le relèvement des prix des journaux -présenté par des acteurs du secteur comme la solution miracle- n’est pas non seulement parvenue à juguler mais plutôt renforcer.

Les récents licenciements d’employés à Fraternité Matin, journal gouvernemental et premier quotidien de Côte d’Ivoire et au groupe Olympe, un autre fleuron de la presse ivoirienne, en sont des illustrations éloquentes.

Le quotidien d’Etat Fraternité matin (Fratmat), premier journal de Côte d’Ivoire, va licencier près de la moitié de ses effectifs pour redresser ses comptes, selon une note transmise aux représentants du personnel et dont l’Agence France-Presse (AFP) a eu copie, mardi 20 novembre.

Dans une note datée du 16 novembre 2018, la Société nouvelle de presse et d’édition de Côte d’Ivoire (SNPECI), propriété de l’Etat ivoirien et éditrice de Fraternité Matin (FratMat), avait annoncé, pour redresser ses comptes, le licenciement de “123 salariés’’, qui s’ajoutaient à “32 départs volontaires’’: soit 155 départs sur un effectif de 339 personnes. Onze journalistes figuraient parmi les licenciés.

Pour justifier ce plan social massif qui a pris effet depuis le 18 décembre 2018, la SNPECI a invoqué sa situation financière dégradée. Les ventes du quotidien Fraternité matin atteignent moins de 5.000 exemplaires par jour, selon les chiffres publiés par le Conseil national de la presse ivoirien sur son site Internet.

Au groupe Olympe, éditeur des quotidiens indépendants Soir Info et L’Inter, qui figurent dans le top 5 des journaux les plus vendus en Côte d’Ivoire depuis dix ans, ce sont une vingtaine de salariés qui ont été récemment remerciés.

“Je vous avoue que nous avons des problèmes parce que nous ne vendons pas assez de journaux papiers et le prix d’achat du papier journal a augmenté (…) Nous commençons donc à être financièrement étouffés. Pour la survie de l’entreprise des décisions devaient être prises’’, a expliqué la Directrice générale du Groupe Olympe, Imane Rayess, dans une interview publiée sur le site d’information AFRIKIPRESSE.

“Les journaux papiers ne se vendent plus comme par le passé (…) C’est un peu compliqué lorsqu’on ne vend pas les journaux papiers de pouvoir assumer des charges importantes (…) nous sommes confrontés à des problèmes sur le plan économique’’, diagnostique-t-elle.

En plus des impayés dus à la mévente, la suspension cette année par le gouvernement de sa traditionnelle aide de subvention à l’impression, a contribué à assombrir davantage le tableau peu reluisant.

Le Fonds de soutien et de développement de la presse (FSDP), organe étatique chargé d’accorder des subventions aux médias, avait soulevé le courroux des patrons de presse en décidant d’affecter désormais l’aide annuelle à l’impression à d’autres chapitres de dépenses notamment, la distribution.

Pour la presse écrite, cette aide publique, octroyée depuis 2007 aux entreprises privées et aux organisations professionnelles, est généralement l’équivalent de six mois d’impression des journaux, toute ligne éditoriale confondue, et est directement verser à l’imprimeur par le FSDP.

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