La politique en Côte-d’Ivoire face au repli ethnique

Le mercredi 6 mars dernier, le président du PDCI a rencontré les chefs traditionnels Baoulé à Yamoussoukro pour « débaptiser » comme l’avait prédit « Le Nouveau Réveil » Alassane Ouattara, intronisé dans le même lieu Allah Gnissan.

Au cours de cette rencontre, Henri Konan Bédié a successivement parlé de la marche du PDCI, des problèmes rencontrés avec son ancien allié, Alassane Ouattara, qui a refusé de tenir sa promesse de soutenir son parti lors de la présidentielle de 2020, avant de promettre que « nous allons protéger l’héritage cher à Houphouët-Boigny en mettant fin à l’alliance avec le RHDP ».

Ce n’était pourtant pas la première fois que le président du PDCI entretient la chefferie traditionnelle Baoulé sur des problèmes propres au parti et, de manière spécifique, sur ceux qu’il rencontre avec le chef de l’Etat. En effet le 23 septembre 2018, monsieur Bédié avait déjà décidé de s’en ouvrir prioritairement aux chefs traditionnels Baoulé avant de se prononcer sur la crise qui couvait entre lui et monsieur Alassane Ouattara.

Le jour de cette rencontre, il avait même fait un discours en Baoulé devant près de 500 chefs traditionnels pour expliquer, là également, les problèmes que rencontrait le parti unifié et analyser les pressions exercées par le pouvoir sur les cadres du PDCI…

Bref, la première conséquence qu’on peut tirer de ces différentes séquences, c’est que la chefferie Baoulé émerge de fait de l’organisation du PDCI comme une instance à part entière du parti avec laquelle l’ancien chef de l’Etat traite ou analyse des problèmes partisans de l’heure soit en consultant soit pour rendre simplement compte. Exactement comme il le ferait devant le Bureau politique ou devant n’importe quelle autre instance.

La deuxième conséquence est que pareille intronisation dans l’espace public, et notamment politique, n’est pas sans effet sur le mandat même de ces chefs qui représentent avant tout l’ensemble des courants de pensée qui traversent le pays à l’échelle de leur village ou contrée. Et à moins de penser que tous les Baoulés sont des militants du PDCI, on peut logiquement douter du crédit de ces chefs traditionnels en représentant plus une idéologie plutôt que d’être un vecteur de l’unité du village.

Donc en plus d’être la traduction d’une mauvaise inspiration, l’instrumentalisation des chefs traditionnels pour des besoins bassement politiques au nom de leurs liens ethniques avec le fondateur du PDCI d’une part, et de son successeur, de l’autre, démystifie le rôle de recours que les chefs traditionnels sont amenés à jouer auprès de leurs concitoyens.

Or, ils ne peuvent le faire sans faire preuve d’un minimum de neutralité sans laquelle leur autorité ne vaut plus rien.

Bien sûr, la question ethnique n’est pas le seul apanage d’Henri Konan Bédié. On la voit d’ailleurs diffuse dans tous les partis mais, plus exactement, à la manière dont le parti au pouvoir dans notre pays a validé le rattrapage ethnique comme une théorie de la discrimination positive envers les ressortissants du nord. Cela dit, la façon dont monsieur Bédié scénise ses rencontres avec les chefs Baoulé n’a rien de réconfortant. A la limite, cela nous montre que de nouvelles guerres nous attendent. Parce que le réflexe ethnique est toujours dangereux.

JOSEPH TITI
Source: Aujourdhuinews.net

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