Côte-d’Ivoire: Pourquoi le Groupe parlementaire PDCI ne se reconnait pas dans le bureau de l’Assemblée (communiqué)

Communiqué

Le Groupe parlementaire PDCI-RDA informe la Communauté nationale et internationale que le Président du Groupe Parlementaire a été consulté par le Président de l’Assemblée nationale en vue de la constitution du nouveau Bureau de l’Assemblée Nationale. Les discussions engagées ont été infructueuses.

Par conséquent, le Groupe parlementaire PDCI-RDA ne se reconnait pas dans le bureau de l’Assemblée Nationale qui sera mis en place, le lundi 06 mai 2019.

Fait Abidjan, le 05 mai 2019

Pour le Groupe parlementaire PDCI-RDA
Le Président

Pr. Maurice KAKOU GUIKAHUE

«CONSTITUTION DU BUREAU DE L’ASSEMBLEE NATIONALE DE LA FIN DE LA LÉGISLATURE 2016-2020 »

Les Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT ET VOX POPULI ont animé une conférence de presse le mercredi 24 avril 2019 pour dénoncer les agissements du Président de l’Assemblée nationale tendant à restreindre leur participation au Bureau de l’Assemblée nationale.
En face de ces trois groupes parlementaires, s’est dressé le quatrième Groupe parlementaire de l’Assemblée nationale post-démission du Président Guillaume Kibafori SORO, le Groupe parlementaire RHDP, qui au cours d’une conférence presse tenue le jeudi 02 mai 2019, a tenté de prendre le contre-pied des récriminations des trois groupes parlementaires de l’opposition parlementaire.
Devant les nombreuses controverses dont le Bureau de l’Assemblée nationale est l’objet, il est nécessaire de s’interroger sur le statut de cet organe essentiel pour la doyenne des chambres du Parlement ivoirien et sur les modalités de sa constitution, à la lumière croisée aussi bien des textes que de la pratique observée depuis le retour au multipartisme en 1990.
Le Bureau de l’Assemblée nationale, entendu du Bureau définitif qui doit être distingué de prime abord du Bureau d’âge dont le rôle unique est de procéder à l’élection du Président de l’Assemblée nationale au début du mandat.

La Constitution reconnait au Bureau de l’Assemblée nationale deux attributions principales :

• La compétence en matière d’immunité parlementaire, hors session (Article 92) ;
• La direction de la séance lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat se réunissent en Congrès (Article 98).

Quant au Règlement de l’Assemblée nationale, il énonce que : « Le Bureau de l’Assemblée nationale a tous pouvoirs pour présider aux délibérations de l’Assemblée nationale ainsi que pour organiser et assurer la haute direction de tous ses services dans les conditions déterminées par le présent Règlement. Les délibérations du Bureau de l’Assemblée nationale sont sanctionnées par des arrêtés. » (Article 10 alinéa 1).
Le Bureau apparait ainsi comme, l’organe directeur de l’Assemblée nationale qui exerce des attributions propres selon des modalités définies par le Règlement de l’Assemblée nationale. Le Bureau agit en la personne du Président de l’Assemblée nationale qui en convoque et préside les réunions et surtout en signe les arrêtés.
Le Bureau ne saurait donc en aucune manière être assimilé au Cabinet du Président de l’Assemblée nationale.
Ce statut du Bureau est fortement tributaire de sa composition et du mode de désignation de ses membres qui sont encadrés par les Articles 6 à 12 du Règlement de l’Assemblée nationale.
Aussi, au terme de l’Article 6 dudit Règlement :

1. Le Bureau définitif de l’Assemblée nationale comprend :
 1 Président,
 11 Vice-présidents,
 3 Questeurs,
 12 Secrétaires.

2. Le Bureau doit être le reflet de la configuration politique de l’Assemblée nationale.
L’Article 8 alinéa 2 indique, à cet égard, la procédure de désignation des membres du Bureau, en dehors du Président de l’Assemblée nationale qui lui est élu pour la durée du mandat, en ces termes : « Les autres membres du Bureau sont élus pour un an renouvelable, sur proposition du Président de l’Assemblée nationale, après consultation des Groupes Parlementaires. »
C’est ici qu’apparait alors l’épineuse question de la configuration politique de l’Assemblée nationale : « Le Bureau doit être le reflet de la configuration politique de l’Assemblée nationale ».
Que recouvre cette notion de configuration politique et comment en obtient-on le reflet ?
La configuration politique d’une chambre parlementaire est sa composition politique qui s’exprime au travers des groupes parlementaires qui y sont administrativement constitués.
Aussi, refléter cette configuration politique, reviendrait-elle à accorder à chaque Groupe parlementaire une représentation dans les organes de l’Assemblée nationale, et notamment le Bureau, et ce, proportionnellement à son effectif.
En France par exemple, dont le parlementarisme ivoirien s’est fortement inspiré, les alinéas 5 à 7 de l’article 10 du Règlement de l’Assemblée nationale décrivent selon quels critères les groupes se répartissent les postes pour s’efforcer de reproduire la configuration politique :
« Il est attribué à chaque poste du Bureau une valeur exprimée en points : 4 points pour la fonction de Président, 2 points pour celle de vice-président, 2,5 points pour celle de questeur, 1 point pour celle de secrétaire.
« L’ensemble des postes représente un total de 35,5 points, qui est réparti entre les groupes à la représentation proportionnelle sur la base de leurs effectifs respectifs.
« Les présidents des groupes choisissent, en fonction du nombre de points dont ils disposent, les postes qu’ils souhaitent réserver à leur groupe. Cette répartition s’effectue par choix prioritaire en fonction des effectifs respectifs des groupes et, en cas d’égalité de ces effectifs, par voie de tirage au sort. L’un des postes de questeur est réservé à un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition. »
Au Sénat français, après l’élection du Président, les présidents des groupes se réunissent pour établir les listes des candidats aux fonctions de Vice-président, de Questeur et de Secrétaire selon la représentation proportionnelle des groupes au plus fort reste. La représentation proportionnelle est calculée d’abord pour les postes de vice-président et de questeur, compte tenu de l’élection du Président, puis pour l’ensemble du Bureau. Ces listes sont remises au président qui les fait afficher. Il peut être fait opposition à ces listes pour inapplication de la représentation proportionnelle.
En Côte d’Ivoire, le Bureau doit être le reflet de la configuration politique. C’est donc une obligation de résultat qui ici doit être d’instiguée de l’obligation de moyen introduite par l’expression « s’efforcer de reproduire la configuration politique » comme à l’Assemblée nationale de France.
Un bref rappel historique permet de se rendre compte de la manière dont les Présidents qui se sont succédé au perchoir à partir de 1990 se sont soumis à cette obligation.
Ainsi, le sens élevé de leurs responsabilités et la nécessité de faire fonctionner l’Institution sur une base inclusive qui ont habité les présidents successifs de l’Assemblée nationale dans le contexte du multipartisme, de SEM Henri Konan BEDIE à M. Guillaume K. Soro, leur ont permis, au-delà des clivages politiques, de constituer des bureaux reflétant la configuration politique de l’Assemblée nationale, comme en témoignent les tableaux qui suivent :

BUREAU DE L’ASSEMBLEE NATIONALE 1990-1995
Présidents Henri KONAN BEDIE puis Charles Bauza DONWAHI (PDCI-RDA)
N° Groupe parlementaire Effectif (175) Poids (175) Vice-présidents (12) Secrétaires (24) Questeurs (02) Total (38)
01 PDCI-RDA 165 94,28% 11 22 2 35
02 FPI 09 5,14% 01 2 0 3
Non-inscrit 01

BUREAU DE L’ASSEMBLEE NATIONALE 1995-1999
Présidents Charles Bauza DONWAHI puis Emile BROU (PDCI-RDA)
N° Groupe parlementaire Effectif (175) Poids (174) Vice-présidents (12) Secrétaires (24) Questeurs (02) Total (38)
01 PDCI-RDA 148 85% 10 21 2 33
02 RDR 14 8% 1 2 0 3
03 FPI 12 6,90 % 1 1 0 2
Vacant 01

BUREAU DE L’ASSEMBLEE NATIONALE 2000-2010
Président : Mamadou KOULIBALY (FPI)
N° Groupe parlementaire Effectif (255) Poids (253) Vice-présidents (11) Secrétaires (12) Questeurs (03) Total (26)
01 FPI 101 45,3% 6 6 2 14
02 PDCI-RDA 98 43,9% 4 4 1 9
03 UDPCI 13 5,8% 1 1 0 2
04 SOLIDARITE 10 4,5% 0 1 0 1
Vacants 02

BUREAU DE L’ASSEMBLEE NATIONALE 2011-2016
Président Guillaume K. SORO (RDR)
N° Groupe parlementaire Effectif (252) Poids (252) Vice-présidents (11) Secrétaires (12) Questeurs (03) Total (26)
01 RDR 136 54% 5 6 2 13
02 PDCI-RDA 88 35% 4 4 01 9
03 UDPCI 9 3,5% 1 0 1 1
04 DIALOGUE 11 4,3% 1 1 0 1
05 ESPERANCE 8 3,2% 0 1 0 1
VACANTS 3

BUREAU DE L’ASSEMBLEE NATIONALE 2016-2019
Président : Guillaume K. SORO (RDR)
N° Groupe parlementaire Effectif (255) Poids (255) Vice-présidents (11) Secrétaires (12) Questeurs (03) Total (26)
01 RDR 129 50,6% 5 6 2 13
02 PDCI-RDA 89 35% 4 4 1 9
03 UDPCI 9 3,5 % 1 0 0 1
04 NOUVELLE VISION 9 3,5 % 1 0 0 1
04 AGIR POUR LE PEUPLE 9 3,5 % 0 1 0 1
05 VOX POPULI 9 3,5 % 0 1 0 1
NON-INCRITS 1

Comme on peut le constater, l’obligation de refléter la configuration politique s’est traduite de façon constante par l’application de la règle de la proportionnelle : un groupe parlementaire obtient des sièges au sein du bureau de l’Assemblée nationale proportionnellement à son effectif.
Il est surtout à relever que ni les clivages politiques au sein de l’Assemblée nationale ni le contexte politique national parfois délétère n’ont pu faire échec à l’application de la règle de la proportionnelle pour l’attribution des postes au sein du Bureau de l’Assemblée nationale.
En effet, en 1990, c’est à l’initiative du Président de l’Assemblée nationale, M. Henri Konan BEDIE, que le Règlement de l’institution fut modifié pour faire passer de 10 à 8 députés l’effectif nécessaire pour la formation d’un groupe parlementaire afin de permettre au FPI, qui ne comptait que 9 députés alors, de se constituer en groupe parlementaire et ainsi intégrer le
Bureau de l’Institution (Voir Tableau 1).

De même, en 1995, alors que les Groupes parlementaires RDR et FPI avaient boycotté l’élection du Président Charles Bauza DONWAHI, celui-ci n’a pas hésité à les intégrer dans ‘’son ‘’ Bureau en leur reversant les postes auxquels ils avaient droit, proportionnellement à leurs effectifs respectifs (Voir tableau 2.).
Le boycott de l’élection du Président de l’Assemblée nationale par certains Députés, attitude qui n’est donc pas inédite en Côte d’ivoire, comme certaines personnes, par ignorance ou amnésie sélective, ont voulu le faire croire à l’opinion, ne saurait avoir pour conséquence de restreindre le niveau de participation d’un groupe parlementaire au Bureau de l’Assemblée nationale.
Il importe par ailleurs de rappeler aussi que dans le cadre du financement sur fonds publics des partis et groupemements politiques, alors que selon la loi, seuls ne pouvaient bénéficier de ce financement que les partis ayant des Députés, ce qui excluait d’office le RDR qui avait boycotté les élections législatives de 2000, ce sont les Députés PDCI-RDA qui se sont battus becs et ongles afin que ce financement puisse être étendu à des partis qui n’avaient que des élus locaux. Le RDR a pu ainsi bénéficier du financement public grâce à la bataille engagée par les Députés du PDCI-RDA.
C’est donc sans aucun doute pour des raisons qui lui sont propres que l’actuel Président de l’Assemblée nationale, le très Honorable Amadou SOUMAHORO, soutenu en cela par les membres du RHDP dont il est issu, a soumis aux Groupes parlementaires de l’opposition les propositions décrites dans le tableau suivant.

BUREAU DE L’ASSEMBLEE NATIONALE 2019-2020 (Proposition)
Président Amadou SOUMAHORO (RHDP)
N° Groupe parlementaire Effectif (255) Poids (252) Vice-présidents (11) Secrétaires (12) Questeurs (03) Total (26)
01 RHDP 153 61 % 5 6 02 20
02 PDCI-RDA 68 27% 1 2 01 04
03 RASSEMBLEMENT 16 6% 0 1 0 1
04 VOX POPULI 10 4 % 0 1 0 1
Non-inscrits 5 2%
DECES 2
DEMISSION 1

L’analyse de la situation ainsi créée appelle les observations suivantes :

1. Cette proposition n’est pas conforme à l’Article 6 du Règlement de l’Assemblée nationale parce qu’elle ne reflète pas la configuration politique de l’Assemblée nationale, loin s’en faut. Elle n’est pas non plus conforme à la pratique constante observée dans la constitution du Bureau de l’Assemblée nationale depuis 1990 comme le montrent les tableaux ci-dessus. Au demeurant, comment 61% des Députés pourraient-ils s’attribuer 22 postes sur 26, soit 85% des postes à pourvoir.
2. Cette proposition traduit surtout la vision étriquée du RHDP pour qui la gestion des affaires publiques se résume à une question de « tabouret ». Tous les postes politiques et toutes les responsabilités administratives de la Nation, y compris les postes électifs, ne doivent être occupés que par les membres du RHDP : Président de la République, Vice-président, Présidents d’Institution, Ministres, élus nationaux ou locaux, Directeurs généraux, fonctionnaires etc. doivent être tous RHDP, de gré ou de force.
3. Cette proposition du Président Amadou SOUMAHORO exprime enfin, un déficit criard de sagesse, chez ceux qui se réclament pourtant de l’houphouétisme, une idéologie politique faite de respect de la loi, de dialogue, de partage et de recherche permanente de la paix.
Au regard des dispositions permanentes du Règlement de l’Assemblée nationale rappelées ci-dessus et des usages parlementaires consacrés en la matière, le Bureau de l’Assemblée nationale devrait être constitué de manière à assurer la visibilité des forces politiques qui existent à l’Hémicycle. Dans cette perspective, la composition du bureau pourrait se présenter comme indiqué dans le tableau ci-après :
BUREAU DE L’ASSEMBLEE NATIONALE 2019-2020
(REFLET DE LA CONFIGURATION POLITIQUE)
N° Groupe parlementaire Effectif (255) Poids (252) Vice-présidents (11) Secrétaires (12) Questeurs (03) Total (26)
01 RDR 153 61 % 6 7 02 15
02 PDCI-RDA 68 27% 3 3 01 07
03 RASSEMBLEMENT 16 6% 1 1 0 2
04 VOX POPULI 10 4 % 1 1 0 2
Non-inscrits 5 2%
DECES 2
DEMISSION 1

Cette tribune a pour objet d’appeler l’attention de la Communauté nationale et internationale sur le non-respect des règles et des usages parlementaires qui régissent l’Assemblée nationale afin que nul n’en ignore.

Enfin il est important de rappeler aux uns et autres que dans la gestion des affaires de l’Etat, il est judicieux de poser des actes républicains qui rassemblent et non des actes qui sont de nature à créer des crises ou à les exacerber pour ensuite courir après la réconciliation.

Prof. Maurice KAKOU GUIKAHUE
Président du Groupe parlementaire PDCI-RDA

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1 réflexion au sujet de « Côte-d’Ivoire: Pourquoi le Groupe parlementaire PDCI ne se reconnait pas dans le bureau de l’Assemblée (communiqué) »

  1. Cédez leur tous leurs tabourets… Koudou Gbagbo et Affi N’guessan et associés du FPI ont combattu le « DIEU-des-Dieux », feu- Houphouet Boigny avec leur ventre creux et surtout sans poser une de leurs fesses sur l’un des tabouret-en-Or, offert par ce dernier.

    Le RDR parle de majorité après avoir acheté de nombreux cerveaux des bouffons du camp adverse.

    La majorité(en Politique) se montre et se démontre dans les urnes…et NON avec des liasses de billets de banques après « le match ».

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