Refus d’arrêter Al-Bashir en 2017: La CPI renonce à traduire la Jordanie devant le Conseil de sécurité

Communiqué de presse : 06.05.2019


Affaire Al-Bashir : la Chambre d’appel de la CPI confirme la non-coopération de la Jordanie mais annule la décision référant cette question à l’AEP et au Conseil de sécurité de l’ONU

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Aujourd’hui, le 6 mai 2019, dans l’appel interjeté par le Royaume hachémite de Jordanie (« la Jordanie »), la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (« CPI ») a décidé à l’unanimité de confirmer la décision de la Chambre préliminaire II de la CPI (« la Chambre préliminaire »), dans la mesure où elle a conclu que la Jordanie, État partie au Statut de Rome de la CPI depuis 2002, avait manqué à ses obligations en n’arrêtant pas M. Omar Al-Bashir (alors Président de la République du Soudan (« le Soudan »)), et en ne le remettant pas à la CPI, alors qu’il était sur le territoire jordanien afin d’assister au Sommet de la Ligue des États arabes le 29 mars 2017. La Chambre d’appel, notant les circonstances particulières de cette affaire, a décidé à la majorité d’annuler la décision de la Chambre préliminaire de référer la non-coopération de la Jordanie à l’Assemblée des États Parties (« AEP ») et au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (« le Conseil de sécurité »).

La Chambre d’appel a estimé que l’article 27-2 du Statut de Rome de la CPI, qui stipule que les immunités n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence, reflétait le statut du droit international coutumier. Elle a conclu qu’il n’y avait pas d’immunité des chefs d’État en droit international coutumier vis-à-vis d’un tribunal international. Ainsi, dans les circonstances où la Jordanie (un État partie) est invitée à arrêter et à remettre M. Al-Bashir (chef de l’État du Soudan à l’époque des faits), alors que le Soudan est tenu de coopérer conformément au Statut de Rome de la CPI en raison de la résolution 1593 du Conseil de sécurité, l’immunité des chefs d’État est également inapplicable.

La Chambre d’appel a en outre conclu, à la majorité, que la Chambre préliminaire avait utilisé à tort son pouvoir discrétionnaire en référant la non-coopération de la Jordanie à l’AEP et au Conseil de sécurité, sur la base d’une conclusion erronée selon laquelle la Jordanie n’avait pas demandé la tenue de consultations avec la Cour. Les juges ayant joint une opinion dissidente auraient conclu que la Chambre préliminaire n’avait pas commis d’erreur, ni abusé de son pouvoir discrétionnaire, et auraient confirmé le renvoi de la Jordanie à l’AEP et au Conseil de sécurité. Les juges dissidents estiment que ce renvoi n’est ni de nature punitive ni une sanction infligée à la Jordanie. Il s’agit plutôt d’un appel à l’action visant à renforcer la coopération avec la Cour et à permettre la concrétisation effective des hautes valeurs et des objectifs inscrits dans le Statut de Rome de la CPI.

Avant de se prononcer sur l’appel interjeté par la Jordanie, la Chambre d’appel a invité le Soudan, M. Al-Bashir, d’autres États et organisations internationales et régionales ainsi que des professeurs de droit international à soumettre des observations écrites sur les questions soulevées dans cet appel, et a tenu une audience sur ces questions.

Les juges Eboe-Osuji, Morrison, Hofmański et Bossa joignent à cet arrêt une opinion concordante commune concernant le premier et deuxième motif d’appel. Les juges Ibañez et Bossa joignent à cet arrêt une opinion dissidente commune concernant le troisième motif d’appel.

Résumé non officiel de l’arrêt de la Chambre d’appel (Le jugement et le matériel audiovisuel seront distribués prochainement)

Contexte : La situation au Darfour (Soudan) a été déférée à la Cour par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies dans sa résolution 1593 datée du 31 mars 2005. Le Procureur a ouvert une enquête en juin 2005. Le 4 mars 2009 et le 12 juillet 2010, la CPI a délivré à l’encontre d’Omar Al‑Bashir deux mandats d’arrêt pour cinq chefs de crimes contre l’humanité (meurtre, extermination, transfert forcé, torture et viol), deux chefs de crimes de guerre (le fait de diriger intentionnellement des attaques contre une population civile en tant que telle ou contre des personnes civiles qui ne participent pas directement aux hostilités, et pillage) et trois chefs de génocide contre les groupes ethniques four, massalit et zaghawa au Darfour (Soudan), et ce, entre 2003 et 2008.

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