Programmation budgétaire: « Effectivement la Côte-d’Ivoire n’y est pas! », Tribune de N’da Ametchi Jean-Claude

Exclusivité de Connectionivoirienne

Sur l’auteur: Cadre financier, monsieur Jean-Claude N’da Ametchi est l’initiateur du projet de création de la Versus Bank en République de Côte d’Ivoire, dont il reste le grand visionnaire et le chef d’orchestre. Il a été son Premier Administrateur Directeur Général. Dans cette tribune réactualisée selon l’actualité, monsieur N’da Ametchi, en toute responsabilité, nous fait partager sa vision et sa réflexion sur la situation économique et sociale de la Côte d’Ivoire. Il est bon de souligner que monsieur N’da Ametchi avait livré une prestation de haute facture et de haut niveau intellectuel lors du panel organisé par le GRAPA-PDCI, le 27 avril 2019 à Paris. Le panel réunissait outre monsieur Jean-Claude N’da Ametchi, messieurs Akossi Bendjo, Bernard Houdin et madame Aminata N’diaye. Sa contribution avait été fortement appréciée par le grand public présent ce jour. La modération de ce forum était confiée au directeur de publication et cofondateur de ce site, Gbansé Douadé Alexis. Monsieur N’da Ametchi est actuellement sollicité sur bien d’autres forums de réflexion et courants de pensée.

EFFECTIVEMENT, LA CÔTE-D’IVOIRE N’Y EST PAS !

Au sortir du conseil des ministres du mercredi 12 juin 2019, le porte-parole du gouvernement, Tiémoko Sidi Touré, a annoncé : « le budget de l’Etat pour l’année 2020 est prévu pour s’établir en ressources et en charges à 8.048,4 milliards de francs CFA, soit une hausse de 9,8% par rapport au niveau du budget actuel de l’Etat.»

Ce niveau devrait continuer de s’accroître pour atteindre 9.283,1 milliards de francs CFA en 2022, a-t-il ajouté.

Le gouvernement a décidé de passer dès janvier 2020 du budget annuel au budget-programme élaboré sur une période de trois ans, conformément à une directive de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA). (in News.abidjan.net, samedi 15 juin 2019)

Côte d’Ivoire : plus de 8.000 milliards FCFA pour le budget de l’Etat sur la période 2020-2022.

Cet acte est une bonne initiative tant dans son esprit de gestion que de programmation budgétaire.

Cependant, la bonne question qui mérite d’être posée à cet instant : comment ce budget triennal est financé ; c’est à dire, par quels types de ressources financières en couverture des dépenses publiques sur la même période de trois ans ?

Le gouvernement ivoirien entend donc poursuivre sur sa même lancée de politique budgétaire financée par la dette contractée sur les marchés des capitaux au niveau national, régional et international, avec tous les risques inhérents.

Le budget pour l’exercice 2019 s’établit à 7.334,3 milliards de francs CFA.

Le besoin de financement global de l’économie ivoirienne pour l’année 2019 s’élève à 2.416,9 milliards FCFA, a indiqué vendredi 18 janvier 2019 le directeur général adjoint du trésor public, Lassina Fofana lors d’une cérémonie de cotation d’emprunts.
1er constat : le budget de l’Etat est déficitaire, financé par l’endettement.

D’avril 2011 à 2019, le budget de l’Etat de Côte d’Ivoire est passé de 3.045 milliards FCFA à 7.334,3 milliards de FCFA.
(Le budget 2011, dernier budget sous le Président Laurent Gbagbo était de 2.907,3 milliards de FCFA, celui de 2010 s’établissait à 2.924 milliards de FCFA).

Analysant l’évolution du budget de l’Etat de 2011 à 2019, on note que plus le budget croît, plus le stock de la dette augmente aussi (2ème constat). Pourquoi cette hausse vertigineuse du budget de l’Etat dont la structure fondamentale demeure déficitaire?
A fin septembre 2018, le stock de la dette publique s’élevait à 11.149,80 milliards FCFA, avec une dette extérieure principalement libellée en dollar US. Ce qui fait peser des risques sur le pays (risque de variation du cours de change, risque de taux d’intérêt, risque de contrepartie, risque de liquidités…).

Il est bon de rappeler à nos bons souvenirs que l’atteinte de l’initiative PPTE le 26 juin 2012, a permis l’annulation de 4.090,01 milliards FCFA sur un stock de dette de 6.373 milliards FCFA en 2011. Soit un stock résiduel de dette ramenée à 2.282,99 milliards FCFA (source DG du Trésor, vendredi 23 juin 2017).

Quelques repères au titre de la dette publique : au 30 juin 2013, le stock de la dette s’établissait à 3.843,92 milliards FCFA, c’est à dire quelques mois après l’annulation d’une part importante du stock de la dette. En moins d’une année, le régime actuel a emprunté plus de 1.500 milliards FCFA.

Et en 2014, le stock était de 7.804 milliards de FCFA soit un montant supérieur à celui des 6.373 milliards FCFA d’avant l’atteinte de l’initiative PPTE.

Faisant le point de la situation de nos politiques en matière de fiances publiques, on pourrait aisément se poser la question de savoir : qu’est ce qui a véritablement changé après l’obtention de l’initiative PPTE ?

Quelles sont les retombées réelles du programme PPTE sur l’économie nationale et sur la situation financière de la Côte d’Ivoire ?

En tout état de cause, la dette excessive est un poison pour toute économie notre économie nationale. Elle est un frein à son développement stratégique et durable.

De l’autre côté, la Côte d’Ivoire possède deux principales ressources financières en propre : impôts (I) et douanes (D). Nos recettes financières sont essentiellement d’ordre fiscal. Pour l’exercice 2019, elles ont été respectivement fixées à 2. 513,4 milliards FCFA (I) et 1.915,7 milliards FCFA (D) soit un total de 4.429,1 milliards FCFA, montant largement inférieur au niveau du budget de dépenses de 7.334,3 milliards de FCFA. D’où le recours à l’endettement effréné pour financer le budget de l’Etat. En conséquence, l’Etat de Côte d’Ivoire est confronté à un déficit budgétaire et à un endettement chroniques.

Concernant la politique fiscale de l’Etat, il est à souligner qu’un accord a été consigné entre l’Etat et le secteur Privé dans le cadre de la réforme fiscale pour la période 2018-2020. La mise en œuvre de cette réforme connaît une année de retard par rapport au calendrier élaboré par le premier ministre Amadou Gon Coulibaly. Cette réforme fiscale toujours attendue par les entreprises et l’ensemble du secteur privé, a souhaité le président du patronat ivoirien, qu’elle porte notamment sur l’élargissement de l’assiette fiscale et non sur la hausse des impôts. On se rend donc compte que la marge de manœuvre du gouvernement est bien étroite voire inexistante. (3ème constat).

La baisse des impôts passe par la baisse de la dépense publique. Il faut baisser la dépense publique pour pouvoir baisser les impôts.

Relativement à l’attractivité économique, la France, pour la première fois depuis 2002, fait partie du top cinq du classement des pays les plus attractifs au monde, réalisé par le cabinet de conseil américain A.T. Kearney, au mois de mai 2019. L’Hexagone entre ainsi pour la première fois dans le quintette de tête, à la cinquième place derrière 1. les Etats-Unis, 2. l’Allemagne, 3. le Canada et 4. le Royaume Uni.

Les indicateurs poussant à investir sont : la confiance des investisseurs, l’amélioration de l’environnement des entreprises, les qualités en matière d’innovation, de technologie de pointe et de taux d’imposition.

La Côte d’Ivoire ne figure pas dans ce classement des pays les plus attractifs du monde. Et ce, « malgré son taux de croissance de l’ordre de 8%, la classant parmi les quatre pays du monde ayant les plus forts taux de croissance. Une chose est certaine, j’ai un bilan qui est inattaquable. Nous avons un bilan qui est remarquable » a dit, le chef de l’Etat sur RFI, le 11 février 2019, à l’invité Afrique de Christophe Boisbouvier.

Toujours dans la même veine, la Côte d’Ivoire ne figure pas non plus au classement 2019 des vingt cinq pays les plus attractifs du monde composé de : 1. United States, 2.Germany, 3.Canada, 4.United Kingdom, 5.France, 6.Japan, 7.China, 8.Italy, 9.Australia, 10.Singapore, 11.Spain, 12.Netherlands, 13.Switzerland, 14.Denmark, 15.Sweden, 16.India, 17.South Korea, 18.Belgium, 19.New Zealand, 20.Ireland, 21.Austria, 22.Taiwan (China), 23.Finland, 24.Norway, 25.Mexico (Source : The 2019 A.T. Kearney FDI
Confidence Index).

Effectivement, la Côte d’Ivoire n’y est pas !

Donc, le compte n’y est pas !

Notre pays ne figure pas dans ce classement international de référence parce que ne possédant pas les valeurs réelles d’attractivité économique. Cette référence internationale tant convoitée par le concert des nations, se place largement au-dessus de l’indice du développement économique par la norme « taux de croissance ». A ce propos, l’écologiste Nicolas Hulot dira : « la croissance est un médicament qui tue ».

Ici, il ne s’agit nullement de dogmes budgétaires habituels et obsolètes mais d’infrastructures techniques, économiques et sociales dans un cadre de vie aseptisé et sécuritaire. Il s’agit plutôt de données tangibles et concrètes ayant un impact positif sur le chômage, le rétablissement des comptes publics, le pouvoir d’achat, les subventions dans la recherche et développement, la qualité de la formation, les investissements nouveaux dans l’innovation, la fiscalité, l’immigration maîtrisée, la qualité de la formation et sur l’humain.

En toute franchise, la Côte d’Ivoire connaît des difficultés d’ordre économique, financier et social.

Les symptômes sont connus, les remèdes beaucoup moins. Il nous faut traiter les causes de la maladie. Cela passe par la transformation du pays en proposant de la transformation à tous les niveaux et dans tous les domaines.

Nous devons sortir du marketing électoral ainsi que de la propagande politique pour se fixer sur les enjeux stratégiques et économiques.

La Côte d’Ivoire doit avoir le courage de lancer les réformes institutionnelles et structurelles devant lui permettre de trouver le bon équilibre économique et social.

Il est impératif de baisser la dépense publique pour ne pas augmenter la dette publique et les impôts.

La situation ne nous permet pas de nous satisfaire de l’instant.

C’est pourquoi, il faut faire large place au combat des idées dans notre diversité assumée.

Une politique économique ne peut réussir que si une politique sociale l’accompagne.

Pour terminer, nous souscrivons à la réflexion de Jean-Baptiste Placca dans son éditorial du samedi 15 juin 2019 : «L’on en est que plus malheureux pour la Côte d’Ivoire, tant le niveau du débat politique semble d’une médiocrité désespérante. C’est à qui frapperait le plus bas. Il s’agit plutôt de détourner le débat sur toujours plus de futilités ».

Nous réservons la der des der à l’immense intellectuel Juan Branco : « finalement, les hommes politiques lorsqu’on les approche, on se rend compte qu’ils sont aussi foireux que nous ».

Jean-Claude N’DA AMETCHI
Cadre Financier
Société Civile

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