«Étrange symphonie» en Côte-d’Ivoire (un éditorial de Venance konan)

Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) de Henri Konan Bédié s’est réconcilié avec le Front populaire ivoirien (Fpi) de Laurent Gbagbo et les deux partis ont marqué leurs retrouvailles en organisant un grand meeting au Parc des sports le samedi.

Dans ce pays qui a connu tant de crises depuis la mort du père-fondateur, il y a déjà un quart de siècle, nous ne pouvons que nous réjouir chaque fois que des Ivoiriens se réconcilient. Félicitations donc au Pdci de Konan Bédié et au Fpi de Laurent Gbagbo pour avoir enterré la hache de guerre et décidé de fumer le calumet de la paix.

Il n’empêche cependant que cette symphonie me semble bien étrange. Bédié, où est passé Pascal Affi N’Guessan ? Il me semble, lorsque tu parlas de te réconcilier avec le Fpi, qu’il fut le premier que tu rencontras. Pourquoi n’était-il pas aussi au Parc des sports ? C’est parce qu’il ne s’entend pas avec Laurent Gbagbo, nous le savons. Mais ton rôle à toi, Bédié, toi l’aîné de la politique ivoirienne, toi l’ancien chef de l’État qui aspire à le devenir de nouveau, ton rôle n’aurait-il pas été de commencer par réconcilier d’abord Gbagbo et Affi ?

Bédié, où est passé Alassane Ouattara, celui qui t’appelait « grand frère », celui que tu reçus en grande pompe chez toi à Daoukro en 2014, celui qui donna ton nom à un pont de la ville d’Abidjan ? Pourquoi n’était-il pas aussi au Parc des sports ? C’est parce que tu ne lui adresses plus la parole, nous le savons. Nous savons aussi que c’est parce que tu t’es séparé de lui et qu’il te faut des alliés à tout prix pour l’ambition que tu nourris de revenir au pouvoir, que tu t’es jeté dans les bras de Gbagbo.

Bédié, où sont passés Daniel Kablan Duncan, Jeannot Ahoussou-Kouadio, Patrick Achi, Kobenan Kouassi Adjoumani, Pascal Abinan, Amichia François, Aka Aouélé, Alain Donwahi, Emile Ebrotié, Ahoua N’Guetta, Ahoua N’Doli, Raymonde Goudou Coffie, Paulin Danho, Amedé Kouakou, Robert Beugré Mambé, Théodore Gnamien, Koffi N’Guessan Lataille, Michel Koffi Benoit, Yao Noël, Michel Kouamé… Ça fait beaucoup et la liste est loin d’être épuisée. Où sont donc passées toutes ces personnes qui, il y a à peine deux ans, ne juraient que par toi ?

On me dira peut-être qu’ils ont cherché à protéger des postes ou qu’ils sont allés au restaurant. Je ne vois pas en quoi l’on devrait blâmer une personne qui chercherait à protéger son acquis ou à avoir mieux, mais ceci ne suffit pas à expliquer cela. Lorsque l’on affirme dans un livre que l’on n’a pas d’amis mais seulement des suiveurs, il faut s’attendre à ce que ces derniers décident un jour de suivre un autre chemin dans leurs vies. C’est à dessein que j’ai cité Ahoua N’Guetta que l’on présentait naguère comme le meilleur ami de Bédié. Où est-il aujourd’hui ?

Quelle est donc cette réconciliation qui se fait en se séparant de ses amis, de ses parents, de ses enfants, pour s’allier à son ennemi ? Quelle est donc cette réconciliation dont le ciment est la haine envers un autre ? Soro est devenu le « bon petit » parce qu’il ne s’entend plus avec le Président Ouattara. Et Gbagbo est devenu très fréquentable et digne de confiance puisque l’on veut se servir de sa haine supposée contre Ouattara. Lorsque l’on a contribué à diviser les Ivoiriens il y a un quart de siècle, n’acquière-t-on pas plus de grandeur en tentant de les réunir à nouveau pour terminer sa carrière politique ?

Au contraire, l’on est en train de semer à nouveau la graine de la haine dans les cœurs. On a recommencé à catégoriser les Ivoiriens entre « vrais » et « faux ». Cette fois-ci, personne ne pourra dire qu’il n’a pas vu venir les choses. Personne n’aura d’excuse.

C’est pour cela qu’il est urgent que les intellectuels ivoiriens et africains se mobilisent dès maintenant pour faire barrage à la xénophobie qui pointe à nouveau le bout du nez. Nous avons peut-être oublié notre histoire qui n’est pourtant pas si ancienne, mais nous avons actuellement sous les yeux l’exemple de ce qui se passe en Afrique du Sud. Plus jamais cela en Côte d’Ivoire ! Il n’y a sans doute aujourd’hui aucun Ivoirien qui ne condamne ce qui se passe en ce moment en Afrique du Sud.

Mais savons-nous que nous sommes en train de souffler sur les braises qui ont conduit le pays de Mandela à cet incendie qui est en train de le consumer ? Comme on dirait à Treichville, « ça nous a loupé une fois, ça ne nous loupera pas une deuxième fois ». Ou, comme diraient Magic System, « premier gaou n’est pas gaou. C’est deuxième gaou qui est gnata. »

Pdci et Fpi se sont donc réconciliés. Bravo ! Mais pour combien de temps ? Le magazine Jeune Afrique a affirmé que Bédié était allé demander à Gbagbo de l’aider pour reconquérir le pouvoir. En échange de quelques postes de ministres et d’un appui à son retour au pays.

La réconciliation durera donc tant que Bédié aura la conviction que Gbagbo veut bien l’aider à reprendre son fauteuil. S’il plaît donc à Gbagbo, en fonction de ses intérêts, de changer d’allié, il verra comment il sera traité par le Pdci. Pour le moment, le meeting de samedi avait plutôt l’air d’être à la gloire de Laurent Gbagbo et pour son retour. Qui vivra verra, comme aime à le dire un de mes amis.

Venance Konan
Fraternité Matin

Commentaires Facebook

2 réflexions au sujet de “«Étrange symphonie» en Côte-d’Ivoire (un éditorial de Venance konan)”

  1. Il n’est pas crédible mais il faut du bien aux militants du rhdp.
    En Côte d’ivoire quel que soit sa position antérieure, lorsque tu insultes l’opposition les gens t’applaudissent.

  2. “Cinétique des Samedis … Il n’est pas crédible mais il faut du bien aux militants du rhdp. … Cinétique des Samedis “

    Krrrr krrrr krrrr …

    @Raymond Assouman alias @marianne Cinétique moncon des week-ends

    Venance Konan, lui au moins, assume ses couilles poilues sans se cacher derrière un pseudonyme féminin. Entre lui et vous, qui est crédible?

    Krrrr krrrr krrrr …

    té ande

Les commentaires sont fermés.