L’opposition significative peut-elle se réinventer en Côte-d’Ivoire avec la nouvelle CEI controversée ?

Par Connectionivoirienne

Seuls, contre l’avis de plusieurs organisations politiques et de la société civile le pouvoir et ses alliés viennent de mettre en place la nouvelle commission électorale indépendante. Une commission taillée selon le bon vouloir de l’exécutif qui n’a que faire des récriminations actuelles de l’opposition.

Lundi, à l’issue d’un long huis clos dont des observateurs avertis connaissaient l’aboutissement avant terme, le bureau de la nouvelle CEI sans Youssouf Bakayoko a été constitué. On connaît le nouveau patron. Le magistrat Coulibaly Ibrahime Kuibiert, 53 ans a pris la tête de la nouvelle commission de 15 membres et il a donné des gages d’assurance. Insuffisants pour l’opposition qui a aussitôt donné de la voix par la plateforme Cdrp de Bédié. « De par sa composition, elle revêt tous les attributs d’une chambre d’enregistrement à la solde du Rhdp », a chargé Gnamien Konan lors d’une conférence de presse.

Evidemment, c’était le piège. Quand le camp Ouattara se satisfait d’un pas en avant sur le processus électoral, l’opposition reste dans sa contestation habituelle. Elle n’avait pas réussi à imposer sa vision dans la phase préparatoire de la mise en place de l’organe lorsque courant avril, le pouvoir a lancé ce qu’elle a qualifié de dialogue inter-ivoirien. Les termes de référence et le mode opératoire jugés flous et inégalitaires avaient amené le Pdci et le Fpi-Eds à boycotter les activités. Un vide qui profita à de micro partis comme le Fpu de Zadi Djédjé ou le Rpc-Paix de Lagou Henriette comme interlocuteurs du gouvernement. Depuis lors, le Rhdp reste maître du jeu.

C’est clair, en poussant l’opposition significative à se replier sur elle-même et à être aux abonnés absents, en choisissant des personnalités non consensuelles, incapables du devoir d’ingratitude, le pouvoir joue à fond une stratégie qui a déjà marché. Il s’agit là, in fine, d’obtenir une fois de plus, la non-participation des mécontents à la future élection présidentielle qui aura lieu dans douze mois exactement. Toute chose qui lui ouvrirait un boulevard pour la conservation du pouvoir.

Il faut alors s’interroger sur la capacité de l’opposition à inverser le rapport de force. Au Fpi-Eds, les éléments de langage restent la réconciliation et le retour de Gbagbo. Ce parti évoque peu la présidentielle de 2020 quoique du bout des lèvres, il manifeste l’envie d’y aller. Au Pdci, on attend les instances internationales telles que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples qui avait remis en cause la CEI version Bakayoko ou bien la Cedeao et les chancelleries occidentales. Combien de temps tout cela va prendre avant que les deux alliés n’harmonisent leur position en vue de participer à l’élection ? En tous les cas, le temps n’est pas leur allié du moment. A 12 mois de l’élection, ni le Fpi-Eds, ni le Pdci n’ont fait connaître leurs candidats et ils parlent peu programme ou projet de société. Ouattara peut donc tranquillement les narguer et dire qu’il a fait mieux en 8 ans qu’en 50 ans de règne du Pdci d’Houphouët.

Les partisans de Soro, lui aussi pressenti pour la bataille présidentielle, remettent eux aussi en cause la recomposition de la nouvelle CEI. Ils mettent en garde, menacent sans que tout cela ébranle Alassane Ouattara qui promet qu’il ne tolérera pas la violence avant, pendant ou après le scrutin. Il rassure même les partenaires de la Côte d’Ivoire que tout se passera bien. Evidemment, il considère qu’il n’y a rien en face.

Avec ce tableau, on se demande bien comment l’opposition peut se tailler une place et une crédibilité si elle ne réinvente pas sa stratégie dans laquelle Ouattara est le seul maître d’orchestre. Bientôt, la nouvelle CEI va lancer l’inscription sur la liste électorale. L’on voit mal comment avec un organe qu’elle conteste, l’opposition pourra se mettre en ordre de bataille pour mobiliser ses militants à s’inscrire sur ces listes surtout que le débat sur les titres d’identité nécessaires à ladite inscription piétine. Le gouvernement a fixé à fin juin 2020, l’expiration des cartes nationales d’identité (Cni) délivrées en 2009. Il faudra seulement 4 mois, de juillet à octobre 2020 pour produire des CNI en masse. Une gageure qui en rajoutera aux tensions entre pouvoir et opposition.

Comme on peut le deviner, l’élection de 2020 ne sera pas une partie de plaisir et de sérénité. La situation est telle que nous nous acheminons vers des rivalités explosives. A moins d’un accord salvateur.

SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr

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