Côte d’Ivoire: Rien ne justifie la détention de 5 éléments du Commandant Tracteur à la Maca (avocat)

13 octobre 2018-13 octobre 2019. Cela fait un an que des éléments d’un proche de Guillaume Soro, Salif Traoré, alias Commandant Tracteur, sont détenus à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) sans aucun jugement jusqu’à ce jour.

Fofana Ibrahim, Koné Diakaridia, Kéita Mohamed, Djebkele Moustapha et Soro Doma Daniel sont les cinq éléments du Commandant Tracteur qui ont été arrêtés dans la commune d’Abobo, puis transférés à la gendarmerie d’Agban, avant d’être écroués à la Maca le 13 octobre 2018.

Les faits. En fin de soirée, le cortège de deux véhicules (une bâchée et un véhicule de type RAV 4) avec à leur bord, Salif Traoré et neuf personnes tombent dans un grand embouteillage sur la voie d’Abobo-Baoulé alors qu’ils accompagnaient des visiteurs qui étaient passés le voir à Attoban.

Un guet-apens ou simple embouteillage? Bien malin qui pourrait répondre par l’affirmative. De l’avis de l’un des proches du commandant Tracteur (présent le jour des faits) qui est passé nous voir le 9 octobre 2019, c’est une cinquantaine de jeunes, dont certains armés de machettes, qui ont commencé à encercler le cortège.

Pour notre interlocuteur qui a requis l’anonymat, cela ne faisait l’ombre d’aucun doute. Il s’agissait de ‘’membres d’un syndicat de transporteurs [ces groupes qui gèrent les gares de transport à Abidjan, ndlr]’’. Une scène qui, selon lui, s’est déroulée sous le regard ‘’complice’’ des éléments de la FRAP – une unité de la police – et de la gendarmerie.

La nuit tombait, la tension montait au fur et à mesure et la foule gonflait. Se sentant directement visé, Cdt Tracteur, l’une des figures de proue de la rébellion des Forces nouvelles (FN) ayant participé activement à la prise d’Abidjan lors de la crise post -électorale de 2010-2011, profite d’un moment de confusion pour se fondre dans la foule et s’évanouir dans le noir. Mais six personnes, dont son chauffeur et son garde du corps sont appréhendées et remises à la police.

Après avoir été maintenues en détention pendant dix jours au camp de la gendarmerie d’Agban, cinq d’entre eux sont détenus sans aucun jugement à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) depuis le 23 octobre 2018, « pour trouble à l’ordre public et détention illégale d’armes.»

En revanche, de sources proches de l’enquête, seul un pistolet automatique (dotation de Cdt Tracteur) a été retrouvé dans le véhicule de celui-ci. « Le permis de port de cette arme est entre les mains de la brigade de Recherche », révèle notre source.

Ce n’est pas la première fois, depuis la fin de la crise post-électorale, que l’ancien chef de guerre est visé. En décembre 2014, il avait été arrêté et détenu pendant près d’un mois sans preuve. De nombreuses armes avaient alors été saisies. Il était depuis sous étroite surveillance, certains membres de l’appareil sécuritaire le suspectant d’être lié aux mutineries de 2017.

Est-ce pour cette qu’il a essuyé une arrestation dans des conditions illégales, injustes et floues ? Puisque le trouble à l’ordre public s’explique difficilement dans ce contexte.

Pendant ce temps, depuis le 23 octobre 2018, les 5 éléments conduits à la Maca y croupissent arbitrairement. Selon maître Diallo, l’un de leur conseil d’avocat, les démarches entreprises pour leur libération provisoire sont restées sans suite.

Quant au procureur de la République, il observe un mutisme malgré notre approche dans cette affaire de droit de l’Homme, qui doit être traitée comme tel.

Le Montagnard

Propos de maître Diallo (avocat des détenus) : « Rien ne justifie le maintien de mes clients en prison… »

« Rien ne justifie le maintien de mes clients en prison jusqu’à présent au regard de l’infraction qui leur est reprochée.

Il y a de cela plus de 6 mois qu’ils ont été entendus en instruction pour la dernière fois. Et depuis, plus rien. Pourtant, l’enquête, à défaut d’être bouclée, est largement avancée. Mais sans risque de me tromper, c’est le Parquet qui s’oppose à leur libération provisoire.

J’ai introduit plus de dix demandes de libération mais c’est toujours le parquet qui s’y oppose sans jamais fournir d’éléments probants qui justifieraient le maintien en prison de mes clients.

Aujourd’hui, nous constatons que certains acteurs sont réfractaires à une saine application du Nouveau Code de Procédure Pénale à telle enseigne qu’on est en droit de se demander si ce nouveau Code de procédure Pénale n’est pas fait pour plaire aux bailleurs de fonds. C’est vraiment dommage, on fait de grandes réformes pour montrer que nous sommes un pays réformateur, mais hélas on applique quasiment pas les réformes de facto.

Mes clients sont en prison dans le dénuement total, sans savoir quand au juste, leur procès aura lieu. Parmi eux, il y en a un qui ne connaissait même pas ses co-inculpés et s’est donc trouvé simplement au mauvais moment au mauvais endroit. Il était de passage quand il a été arrêté.

Je suis désolé de le dire, mais nos prisons sont remplies de présumés innocents qui ne demandent qu’à être situés sur leur sort.»

 

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