Les perruques aux mèches humaines, pour paraître « chic et class » à Abidjan, Côte-d’Ivoire (MAGAZINE)

Manuella YAPI

« Quand tu portes ça dans la rue, les connaisseurs savent que tu n’es pas n’importe qui », lance une cliente, au toucher d’une « lace wig » (perruque indétectable) faite avec du « remy hair », un type de mèches vierges d’origine humaine parmi les plus chers sur le marché, dans un magasin de vente de mèches et perruques dans la commune de Cocody (Est d’Abidjan).

Imitant à la perfection le cuir chevelu humain grâce à une étoffe de tulle (appelée lace ou dentelle) sur laquelle sont généralement implantées, une par une, des mèches humaines de diverses sortes (brésiliennes, péruviennes, indiennes, cambodgiennes etc.), la lace wig est une technique de coiffure qui vient des Etats-Unis, accessible en Côte d’Ivoire depuis plus d’une dizaine d’années à des coûts valant jusqu’à 40 fois les mèches synthétiques produites dans les usines du pays.

Front lace, full lace, 360° (selon l’emplacement de la perruque où la dentelle est utilisée), closure, pouces, raw hair… tout un lexique complexe et diversifié autour du choix et de l’achat de ces perruques que Marie-France, environ 25 ans, maîtrise parfaitement au bout de trois ans d’achats réguliers.

En plus d’être un accessoire de beauté, les perruques aux mèches humaines en provenance d’Asie principalement, représentent aussi, pour beaucoup de femmes, un signe extérieur de richesse, comme en témoigne Marie-France: « porter des humaines de qualité, c’est comme avoir un Iphone 11 actuellement. On ne passe pas inaperçue. Plus les mèches sont chères, plus on est respectée. Ça fait chic et class ».

Aïcha, la trentaine, explique son choix par le « côté pratique » de ces perruques réutilisables qui « permettent de faire des économies mais aussi des soins capillaires sur les cheveux naturels », sans toutefois nier qu’elle « préfère les mèches humaines parce qu’elles sont plus chères, plus belles » et surtout pour ne pas « ressembler à tout le monde » dans les rues.

Des économies, Aïcha finira par admettre qu’elle n’en fait pas véritablement, dans la mesure où elle « fait confectionner régulièrement de nouvelles perruques », alors qu’elle en possède déjà « une dizaine » encore utilisables pendant « deux ou trois ans ».

Les femmes achètent, les hommes « déboursent les sous »

« Je ne suis même pas encore en CDI (contrat à durée indéterminée), mon salaire ne me permet pas d’acheter des perruques avec des mèches humaines », admet Marie-France, ajoutant, sourire en coin: « c’est celui pour qui je me fais belle qui donnent les sous ».

Avec des prix allant de 60.000 (le salaire minimum interprofessionnel garanti en Côte d’Ivoire) à plus de 350.000 Fcfa, les perruques « reviennent très chères et la plupart des femmes qui les portent ne sont pas celles qui déboursent ces sommes », explique Aïcha, qui affirme sans sourciller que sa lace wig « la moins chère vaut plus que (son) salaire » mensuel.

« Il y a de nouvelles qualités qui arrivent chaque jour et j’aime me faire plaisir. J’ai vu une perruque à 300.000 Fcfa dernièrement, dès que j’en aurai la possibilité j’irai l’acheter », poursuit-elle, assurant qu’elle n’aurait « aucune gêne » à s’offrir « une perruque d’un million Fcfa », alors que ses revenus propres ne lui permettent pas de le faire.

Si elle assure elle-même les dépenses pour ses tresses et autres tissages aux mèches synthétiques, Vanessa, 29 ans, ne « voit pas l’intérêt d’acheter (sur fonds propres) des lace wigs qui coûtent un loyer à Cocody (commune huppée d’Abidjan) ».

« La dernière fois que j’en ai mis, c’était pour mon anniversaire en octobre et franchement c’est avec l’argent d’un prétendant que j’ai acheté ma perruque. Elle a coûté 200.000 Fcfa et a valu plus de 1.000 likes sur facebook quand même », ajoute-t-elle, avec des éclats de rire.

Plus de 40 millions d’unités de mèches de cheveux sont consommées en Côte d’Ivoire chaque année pour un montant officiel de 500 millions de Fcfa, soit 15% des revenus des femmes, ce qui met les mèches à la troisième position des dépenses après l’alimentation et les vêtements, selon des données officielles rapportées à la télévision nationale dans son magazine économique Made in africa.

Une étude réalisée en 2015 par Euromonitor international a estimé pour sa part à environ six milliards de dollars us, soit 3.559 milliards FCFA les dépenses des femmes africaines dans l’entretien des cheveux et l’achat de mèches, perruques et extensions, dont 1,1 milliard de dollars (652 milliards FCFA) dépensés en Afrique du sud, au Nigéria et au Cameroun.

Alerte info/Connectionivoirienne.net

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