Diviser et régner en Côte-d’Ivoire

Diviseur commun

« Que ceux qui ne connaissent pas nos us et coutumes arrêtent de créer, sur fond de mensonges, consciemment ou inconsciemment, une situation qui n’existe pas ».

Par la voix de l’ancien ministre Paul Akoto Yao, la mise en garde, le 8 avril 2019, de l’association des cadres et ressortissants de Sakassou est tombée dans l’oreille de sourd.

L’État ne reconnaît comme reine des Baoulé que Akoua Boni II. Et le 1er février 2020, Alassane Ouattara lui a rendu visite à Sakassou, siège de la royauté, exacerbant les clivages (photo).

Après la mort de Nanan Kouakou Anougblé III, en 2002, le royaume baoulé a connu 17 ans de vacance de royauté marquée d’abord par l’intrusion d’une « usurpatrice » qui s’est faite introniser, au temps de la rébellion armée, sous le nom de Abla Pokou II et ensuite par la régence de Moh N’Gah Tanou Monique, reine mère baptisée Akoua Boni II.

Le 7 mars 2016, le roi Anougblé III est inhumé et aussitôt les hostilités se sont ouvertes. Contrairement au rituel qui assure une succession matrilinéaire réglée comme l’horloge, le neveu remplaçant son oncle maternel, c’est la reine mère Akoua Boni II qui entreprend, avec ses partisans, de succéder à son frère, le roi défunt, pour court-circuiter son propre fils, Kassi Anvo Michel.

Dans l’épreuve de force, elle a bénéficié de l’appui de l’État dans ce que d’aucuns appellent le passage en force. Si les rites qui donnent, à Nanan Kassi, la plénitude des attributs de la charge royale ont bel et bien été célébrés dans la forêt sacrée, sa cérémonie publique d’intronisation, le 28 mars 2019, a été empêchée par un déploiement des forces de l’ordre.

Et le royaume baoulé est ainsi divisé entre deux souverains: la reine et le nouveau roi, qui vit aujourd’hui en exil, au Ghana.
C’est ce sort que vit un autre royaume akan dans la tourmente: le Sanwi dont le siège est Krindjabo.

Après l’intronisation contestée de Abakuaba N’Gandji Amgnou II, roi des Éhotilé, le 23 mai 2015, Nanan Amon N’Douffou V, roi du Sanwi, a officiellement saisi, par courrier en date du 31 mai de la même année, le ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Hamed Bakayoko.

Il espérait une oreille attentive du côté de l’administration pour tuer dans l’œuf les velléités séparatistes de certains peuples faisant partie intégrante du royaume.

Il a prêché dans le désert. Sous les coups de boutoir de l’État, le Sanwi est désintégré et émietté avec l’affranchissement des Adouvlai, Essouma et Éhotilé ou Bétibé des sous-préfectures respectives de Tiapoum, d’Assinie-Mafia et d’Étuéboué.

Le 6 juin 2015, Hamed Bakayoko a assisté à l’intronisation du roi des Essouma, Awoulaé Fian Mossou V. Et le 14 septembre de la même année à Adiaké, Alassane Ouattara a salué la mémoire de l’ancien roi des Éhotilé, sa Majesté Léon Amontchi.
Dans cette grande opération politique de redistribution des cartes au forceps, la ville balnéaire de Grand-Bassam n’est pas mieux lotie. Elle est secouée par une crise de leadership royale.

Deux rois sont en compétition: Nanan Assoumou Kangah, roi des Abouré de Moossou qui se considère comme le seul roi de Grand-Bassam, et Nanan Awoulaé Tanoé Amon, roi des N’Zima Kôtôkô ou Appoloniens.

Ici, le pouvoir s’est également jeté dans la bataille pour peser de tout son poids. Et l’État a pris partie.

Le 30 septembre 2011 à Grand-Bassam, Alassane Ouattara a rendu une visite de courtoisie au roi des N’Zima Kôtôkô, à l’Ahienfié (Palais royal) sis au quartier France, ignorant celui des Abouré, désormais mis aux archives.

Les jeux politiques sont, en effet, faits.

D’un, le vice-président de la République, Daniel Kablan Duncan, et l’artiste Frédéric Éhui dit Meiway, intronisé ambassadeur du peuple appolonien à travers le monde, sont N’Zima. De deux, non seulement Mme Simone Éhivet Gbagbo est Abouré de Moossou, mais ses compatriotes sont accusés de ne pas rouler majoritairement pour le régime actuel.

Alors, l’ancien vice-président de la Commission nationale pour la réconciliation et l’indemnisation des victimes (CONARIV) est dans les bonnes grâces du pouvoir. Il est le président du directoire de la chambre des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire.
Mieux, c’est Awoulaé Tanoé Amon qui est considéré comme « le roi de Grand-Bassam », selon les mots de Guillaume Soro, alors président de l’Assemblée nationale, le 7 octobre 2015.

Le pouvoir est ainsi à l’œuvre et se révèle le plus grand diviseur commun. Tous les partis politiques, à l’exception du RDR, sont fragilisés ou fractionnés pour les « vider de leur substance », comme le promettait Ouattara en parlant du FPI, et les institutions royales sont dans l’œil du cyclone au nom de la politique du diviser pour mieux régner.

F. M. Bally

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1 réflexion au sujet de « Diviser et régner en Côte-d’Ivoire »

  1. QUAND ON CONFIE SA CANDIDATURE A « USURPATRICE » QUI S’EST FAITE INTRONISER, AU TEMPS DE LA RÉBELLION ARMÉE, SOUS LE NOM DE ABLA POKOU II

    On peut rappeler à souhait les maximes des Grecs comme « Diviser pour régner « !

    Mais qui a divisé qui vraiment ?

    ============== NORD-SUD ======= 19 Novembre 2010 ======

    A la veille du lancement officiel de la campagne électorale pour le second tour de la présidentielle, Laurent Gbagbo, président sortant continue ses rencontres avec les chefs traditionnels ivoiriens.
    Laurent Gbagbo, candidat à sa propre succession, était, hier, à Sakassou, au cœur de la royauté baoulé. Objectif, confier sa candidature à la reine-mère, Nanan Abla Pokou II. « En tant que porte-parole du peuple, la reine n’a pas de position. Elle est neutre », a déclaré, au nom d’Abla Pokou II, Nanan Abouo III de Béoumi, porte-parole de tous les rois, princes et chefs traditionnels de la région présents. A l’en croire, la reine peut toutefois donner son appréciation.

    « Mais, ce n’est pas sur la place publique qu’on apprécie. Toute autorité émane de Dieu et c’est lui qui donne le pouvoir », a-t-il ajouté, non sans avoir imploré le Tout-Puissant d’inspirer les candidats, afin que leurs paroles conduisent les Ivoiriens à l’amour des uns envers les autres. Cette déclaration des garants de la tradition baoulé faisait ainsi suite à une requête de Laurent Gbagbo. « Je suis venu vous confier ma réélection. En bons chefs de canton, en bons chefs de tribu, vous devez regarder et voter pour celui qui peut vous amener loin. Je peux le faire. C’est pourquoi je suis venu demander vos voix », a-t-il dit. Selon le candidat de la majorité présidentielle, cette réélection lui permettra d’achever le travail qu’il avait commencé pour la Côte d’Ivoire, quand la guerre éclata en 2002. Deux ans après son avènement à la tête de l’Etat. Car, a-t-il soutenu: «si vous ne laissez pas quelqu’un travailler, vous ne pouvez voir ce qu’il est capable de faire. Il faut que le peuple voie ce que je sais faire. Il faut donc qu’on me donne le temps d’aller jusqu’au bout de ce que je peux faire, de ce que je sais faire ». C’est précisément à 15 h que Laurent Gbagbo a foulé le sol de la cour royale. Bien avant la cérémonie publique, il s’est entretenu en privé avec la reine-mère, dans un dialogue direct dont eux-seuls connaissent l’issue. Une chose est sûre, la reine et ses sujets ont affirmé avoir compris le message du président de la République.

    Message traduit en baoulé et en agni, respectivement par le ministre de la défense, Michel Amani N’Guessan et le porte-parole de Laurent Gbagbo, Pascal Affi N’Guessan. Outre ces deux personnalités, le Woody de Mama était accompagné de Christine Konan, haute autorité de développement de la Vallée du Bandama et du gouverneur du district de Yamoussoukro, Apollinaire N’Dri.

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