Serge Koléa, super Ebony 2019/Côte-d’Ivoire: «J’ai traversé le désert, c’était la galère, c’était difficile mais… »

Interview – Serge Koléa (meilleur journaliste de Côte d’Ivoire, Super Ebony 2019):

«Licencié de la Rti en 2012, Super Ebony 2019, je ressens une fierté »

‘’ Tout est dans la détermination, l’envie, la passion…’’

‘’ Hommage à Koné Lanciné. Sans lui je n’aurai jamais connu ce destin’’

Le 18 janvier 2020, l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (Unjci) a clos son agenda 2019 par la remise du prix récompensant le meilleur journaliste de Côte d’Ivoire. Le jury a décerné le prix Super Ebony 2019 à Serge Koléa de la télévision ivoirienne Rti 1. Avec Connectionivoirienne.net, le lauréat évoque ses sentiments et la préparation qui a été la sienne et qui lui a valu d’être distingué parmi plusieurs autres prétendants. Entretien…

Comment vous sentez-vous après que le jury vous a consacré meilleur journaliste 2019 ?

C’est une joie et une grosse satisfaction d’être désigné Super Ebony 2019. Il faut dire que le parcours a été long, une course de fond, et d’obstacles qui a commencé pour moi en 2014. Au-delà, je ressens une fierté parce que le Super Ebony rime avec de grands noms du secteur de la Communication et des Médias. Lassiné Fofana, Claude Franck About, Yoh Claude alias Sacré Yoh, Jean Roch Kouamé, Moussa Touré, Irène Bath, Marcelline Gneproust, Jérôme Kouakou, Sethou Banhoro, Bénédicte Bolou, Pargasoro Koné et bien d’autres. Je suis fier de faire partie de cette liste.

Est-ce que vous vous attendiez à un moment donné à cette consécration ?

C’est une ambition légitime que de vouloir décrocher le prix Ebony pour tout journaliste exerçant en Côte d’Ivoire. Et Je me suis toujours senti capable de décrocher le Prix Ebony. J’ai compris aussi que la clé du succès, c’est la persévérance, l’abnégation au travail. Il ne faut surtout rien lâcher, insister à travers ses productions chaque année et un jour le Jury reconnaîtra votre valeur. Maintenant pour le Super Ebony, c’est une autre paire de manches. C’est sur des détails donc chaque année je partais avec mes ambitions et le secret espoir de monter sur la plus haute marche du Podium.

On vous a entendu dire des mots de reconnaissance à l’endroit de vos supérieurs hiérarchiques de la Rti. Quel est le vrai sens de cet hommage particulièrement à Habiba Dembélé ?

Oui j’ai rendu hommage à mes supérieurs hiérarchiques. D’abord au DG de la RTI parce que c’est un bon manager, il a beaucoup de qualités humaines, c’est un professionnel accompli qui a fait ses preuves dans le métier. C’est un meneur d’hommes qui a déjà gagné l’estime de la majorité des travailleurs de la RTI. Je ne suis donc pas le seul à lui reconnaitre ces valeurs. En tant que Journaliste spécialiste des questions culturelles, j’ai eu à travailler avec lui, quand il était Directeur de Cabinet du Ministère de la Culture et de la Francophonie. Et puis en 2016, lorsque j’ai remporté le Prix Spécial Ebony du Meilleur Journaliste culturel à Yamoussoukro, c’est lui qui me l’a remis. Il représentait à cet effet le Ministre Maurice Bandaman. Le DG me porte donc chance. C’est mon boss, on a de bons rapports. C’est sa première année à la RTI et du coup je suis Super Ebony avec 4 Prix au total en une soirée, alors comprenez que beaucoup d’éléments militent en faveur de cet hommage.
En ce qui concerne Habiba Dembélé, tous mes proches connaissent la nature de nos rapports. En plus d’être la Directrice de l’Information et des Journaux Télévisés, c’est-à-dire ma patronne directe, elle a été témoin de mon épouse à notre mariage civil. Elle a été une des marraines de notre mariage religieux musulman. C’est une mère pour moi dans la profession. Elle m’a vu évoluer à la RTI depuis les années de stage. Bref c’est un soutien de tous les instants. Elle ne ménage aucun effort pour mettre tous ses collaborateurs dans les meilleures conditions de travail. Aujourd’hui c’est moi qui lui rends hommage, mais je vous assure que chacun de mes collègues de la RTI nominés l’aurait honorée s’il était super Ebony parce que tout simplement, C’est elle le coach de l’équipe. C’est elle qui nous met en confiance, c’est elle qui nous permet d’exprimer notre talent. Il faut rendre à César ce qui est à César.

Certains se disent mais s’il est de la Rti et qu’il a gagné, il n’y a pas de surprise à cela. La Rti, c’est la télévision d’Etat, elle a les moyens et les conditions sont moins pénibles que dans les médias privés. Que répondez-vous à ceux qui tiennent ce discours ?

Oui c’est vrai que la Direction Générale de la RTI nous permet de travailler dans les meilleures conditions. Ça ne veut pas pour autant dire que nous sommes des privilégiés dans le milieu de la Presse. Chaque rédaction a ses réalités, ses difficultés, ses problèmes. La vie d’un Journaliste de la RTI n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Loin de là. En tant qu’agent nous faisons aussi des sacrifices pour donner le meilleur à l’antenne. En fait la RTI c’est une image de marque, la marque du service public, un label vieux de 57 ans que chaque agent a le devoir impérieux de préserver au-delà de l’amélioration des conditions de Travail. C’est une question de conscience professionnelle, d’engagement citoyen et patriotique vis-à-vis d’une maison qui constitue quelque part le miroir de la Côte d’Ivoire d’hier à aujourd’hui. Sinon il ne faut pas forcément croire que tout y est rose. Cela dit, le Super Ebony n’est pas la chasse gardée de la RTI. Des médias de moindre envergure que la RTI ont déjà décroché le graal. Je veux parler de La Radio communale de Yopougon qui a damé le pion à ce grand Média d’Etat, de dimension Nationale et Internationale. Voila ! La Presse écrite aussi a connu ses heures de gloire, avec le Super Prix Ebony maintes fois remporté. Tout est dans la détermination, l’envie, la passion, le talent et le professionnalisme. Ces vertus que je cite sont essentielles dans notre métier. Elles ne se mesurent pas forcement à la surface financière d’une Entreprise.

Est-ce que Serge peut décliner les productions et leur particularité qui ont incliné le jury à lui décerner le Super Ebony 2019 ?

Alors, comme à l’accoutumée, 9 productions choisies parmi mes meilleurs sujets de l’année, étaient en lice. Dossiers ou Enquêtes, Reportages et Interviews.
Je pense qu’en Interview, le Jury a largement apprécié mes prestations et bien sûr celles de mes interviewés. Je pense notamment à ce sujet sur les droits des personnes handicapées, réalisé avec Loukou Josué Kouamé Président de l’Association des Paralysés de Côte d’Ivoire. On a parlé des aspirations des personnes handicapées, de leur employabilité avec notamment le recrutement dérogatoire. L’homme a abordé également ses ambitions politiques pour la cause des handicapées.
Une autre Interview sur le droit à l’Information des personnes malentendantes a été menée avec Feu Jonas Bonéo, Interprète du langage des signes depuis 13 ans sur RTI 1. Comment travaille-t-il ? Son message passe-t-il ? Les personnes malentendantes sont-elles satisfaites ? Une interview Testament, puisque le doyen est décédé environ un mois après.
Nous avons aussi interrogé un spécialiste de la Croix Bleue de Côte d’Ivoire. Il nous a révélé que La drogue sévit dans le milieu scolaire dès l’âge de 12 ans.
Concernant les Dossiers et Enquêtes j’ai fait une incursion dans le quotidien des agents de sécurité privée. Ceux qu’on appelle les vigiles. Dans ce milieu, les vigiles sont à la merci de leurs employeurs. Ils sont surexploités, ils souffrent en silence, de véritables « gagne-petit », pourtant leur mission est primordiale dans la société actuelle.
J’ai abordé le thème de l’Intégration avec mon sujet intitulé : Treichville une commune Abidjanaise aux couleurs sénégalaises.
Enfin un regard a été jeté sur la ville historique de Grand Bassam patrimoine de l’Unesco. Le titre de ce Dossier était, Grand Bassam : Etats des Lieux d’un patrimoine en quête de restauration
En Reportages, des Thématiques comme la Migration irrégulière ont été traitées. Il y a eu aussi un clin d’œil au Faso Dan Fani, le pagne local qui représente l’identité culturelle du peuple Burkinabé.
Je pense que j’ai dû être excellent en Interview notamment avec deux Prix. Meilleurs interviews, et Meilleures productions sur les droits de l’homme.
En Reportage et en Dossier, même si je n’ai pas eu de Prix, je pense avoir assuré l’essentiel. A défaut d’être excellent, je pense y avoir été bon. C’est cette complémentarité qui a fait la différence. Même quand tu n’as pas de Prix dans une catégorie, fais en sorte d’être à la hauteur.

Serge Koléa c’est aussi un moment de galère après l’éviction de la Rti en 2011/2012. Mais plus tard vous êtes réintégré. Pouvez-vous conter ce passage à vide de votre carrière ? Y a-t-il des personnes qui ont eu à jouer un rôle pour que vous reveniez à la Rti ?

Le 12 Mars 2012, j’ai été effectivement licencié de la RTI pour motif économique. Je n’étais d’ailleurs pas le seul. Bon nombre d’agents avait subi le même sort. La traversée du désert a duré pratiquement deux ans. Ma deuxième fille est née dans la foulée. J’ai dû quitter l’appartement de 3 pièces que je louais à la Riviera Palmeraie pour vivre une autre vie sous le toit de mon jeune frère et sa petite famille dans un camp de Gendarmerie où les mesures restrictives sont de mises. Etant moi-même enfant de gendarme, j’ai vécu la moitié de mon existence en caserne. Il fallait tout simplement me réadapter et je l’ai réussi avec le soutien de mon petit frère et de sa femme.
Mon épouse de son côté est retournée chez son père dans un autre quartier d’Abidjan. C’était la galère, c’était difficile mais Dieu a préservé notre dignité. On ne quémandait pas. On était soutenu par nos proches. Je travaillais parfois en free-lance, des amis et anciens collègues me mettaient sur quelques projets de documentaires, de films institutionnels etc. J’ai même monté une webTV avec des confrères qui nous occupait et j’ai gagné en 2013, le Prix Canal+ du Meilleur Reportage de l’émission ‘’+ D’Afrique’’. Ce prix m’a permis d’avoir une caméra professionnelle Sony HD. A cette époque, j’ai bénéficié aussi du soutien financier et moral d’un grand homme, Doulaye Coulibaly Ex Directeur de l’orientation et des examens (Dorex) aujourd’hui Député. Il était là chaque fois pour décanter les situations difficiles. Je voudrais profiter de cette tribune pour rendre hommage à mon ancien Directeur de L’Information M. Koné Lanciné. C’est lui qui est allé me chercher lorsque j’étais à la rue, C’est lui qui m’a remis en selle en me rappelant en novembre 2013. Il a cru en moi. Sans lui je n’aurai certainement jamais connu ce destin de Super Ebony. Que Dieu bénisse ce grand professionnel de l’audiovisuel, homme rigoureux, homme au grand cœur.

Réalisée par SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr

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