Neuf soldats français tués en 2004 en Côte d’Ivoire: L’avocat des familles dénonce un mensonge d’État

15 ans après la mort de neuf militaires français en Côte d’Ivoire, Me Jean Balan, avocat à Gisors (Eure) estime que les responsables sont à chercher du côté de l’État français.

Dans son ouvrage, l’avocat n’a pas peur d’accuser ouvertement trois anciens ministres et avance la thèse d’un raid commandité par l’État français lui-même contre ses propres forces.

Gang des barbares, Action directe, bagagiste de l’aéroport de Roissy… Les affaires pour lesquelles Jean Balan a usé sa robe noire n’ont pas réussi à user le bonhomme. A 72 ans, cet avocat installé dans le Vexin normand à Gisors dans l’Eure, ancien membre du Conseil de l’ordre de Paris peine à s’endormir sur une pile de dossiers sensibles, pas toujours bien refermés.

Et comme tous les grands de sa profession, l’une d’entre elles continue de le hanter comme « l’affaire de sa vie ».

Un scandale d’État, d’après lui, dont il dévoile les rouages dans l’ouvrage qui vient de paraître : « Crimes sans châtiment, l’affaire Bouaké ».

Quinze ans de procédure

Après quinze ans de procédure et d’acharnement, et à quelques semaines d’un procès d’Assises qui devrait mettre l’affaire sur le devant de la scène en mars 2020, celui qui a eu à défendre plusieurs familles de victimes dénonce ce qu’il juge comme « l’un des plus grands scandales de la Ve République ».

Tout est documenté, tout est prouvé !

Le ton est donné dès les premières minutes de la rencontre, avec une pointe d’accent roumain qui rappelle sa naissance à Bucarest.

Dans sa véranda, l’avocat vide son sac, tout en remplissant son cendrier.

Je dénonce la mafia des gens biens nés, qui se connaissent depuis toujours et qui s’entraident y compris parmi les magistrats.

Dans sa ligne de mire, on retrouve les anciens ministres Michèle Alliot-Marie, Dominique de Villepin et Michel Barnier.

Bombardement de Bouaké : « Tout a été fait pour que la vérité ne soit pas connue »

Quinze ans après la mort de neuf soldats français et d’un civil américain en Côte d’Ivoire, l’avocat Jean Balan publie un livre à charge contre des ministres alors en poste à Paris.

L’affaire remonte au 6 novembre 2004 et se situe dans la ville de Bouaké en Côte d’Ivoire.

Ce jour-là, neuf militaires français engagés dans le cadre de l’opération Licorne perdent la vie après un assaut aérien lancé sur leur base. La thèse officielle attribue alors au président du pays Laurent Gbagbo la responsabilité de ce raid, dans un contexte de tensions avec Paris.

Dans son ouvrage, Jean Balan le confesse :

Au début, comme pratiquement tous les observateurs des événements de 2004, j’avais la conviction que le bombardement était un acte délibéré dont l’origine était le désir du président ivoirien d’en découdre avec la France, suite à des divergences profondes sur la mise en place des accords de Marcoussis.

Ces accords qui tentaient d’apaiser les rapports entre le gouvernement légitime de la Côte d’Ivoire et les groupes rebelles qui occupaient le nord du pays à cette époque étaient perçus comme désavantageux par le président ivoirien, ce qui aurait appuyé la thèse d’une culpabilité du pouvoir ivoirien dans l’attaque du camp français.

Un prétexte pour en finir avec Gbagbo ?

Très vite, plusieurs grains de sable viennent pourtant enrayer la thèse officielle aux yeux de Jean Balan.

Tous sont détaillés dans son ouvrage.

Il y a d’abord cette fermeture exceptionnelle du foyer des soldats, qui sera visé par un « tir précis », « comme si l’on avait demandé aux pilotes de fracasser un lieu censé être vide ».
Pire, les deux pilotes biélorusses à l’origine du bombardement sont d’après l’ouvrage arrêtés et laissés à la disposition des autorités françaises qui ne procéderont pourtant jamais à leur interrogatoire.
Ces deux hommes seront jugés par contumace en mars prochain, même si pour Jean Balan, le scandale est sans équivoque possible.

Il en est convaincu, le bombardement de Bouaké avait un but précis : trouver un prétexte pour se débarrasser de président Gbagbo.

À aucun moment, la vérité qu’une enquête judiciaire aurait révélée n’était souhaitée.

Pas de théorie du complot

Se défendant de verser dans la théorie du complot, l’avocat prétend révéler au public dans son ouvrage comment « fonctionne l’entre-soi ».

Dans une affaire qui d’après lui a totalement dérapé, et s’est soldée par la mort de neuf soldats français, ce sont bien les plus hauts responsables politiques français de l’époque qui sont pointés du doigt dans le cadre d’une opération qui aurait directement été commanditée par la France dans le but de destituer le président Gbagbo.

Je ne confonds jamais l’État et la raison d’État avec la manigance de certains hommes politiques. Les morts n’étaient certainement pas voulus, mais pour se débarrasser d’un chef d’État ami de la France, on a créé un incident, et on a tout fait ensuite pour étouffer l’affaire.

Jean Balan suivra de près les Assises qui s’ouvriront à Paris en mars 2020, pendant que le public pourra de son côté se faire une opinion sur ce ténébreux dossier, à la lecture de l’ouvrage d’un avocat qui confesse page après page, « l’affaire d’une vie ».

« Crimes sans châtiment, affaire Bouaké – l’un des plus grands scandales de la Ve République » de Me Jean Balan publié aux éditions Max Milo.

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