Côte d’Ivoire: Le régime Ouattara est un pouvoir clanique et ingrat

Pr. PRAO Yao Séraphin

Hypolite de Livry écrivait que « rien de plus noble que la reconnaissance, rien de plus vil que l’ingratitude ; autant un trait de reconnaissance touche l’âme, autant un trait d’ingratitude lui fait horreur ».

Pour sa part, Tahar Ben jelloun, écrivain, poète et peintre franco-marocain, affirmait que « dans une société où l’individu n’est pas reconnu, ce qui compte avant toute chose, c’est la tribu et le clan ».

Dans ces deux citations, il y a deux vilaines postures que tout homme d’Etat doit viter. Malheureusement, en Côte d’Ivoire, depuis 2011, celui qui dirige le pays accumule ces deux défauts. Dans les lignes qui suivent, nous allons brièvement présenter quelques faits qui montrent que le régime Ouattara est un pouvoir ingrat et clanique. Dans un souci de clarté, nous abordons dans un premier temps, le caractère clanique du régime d’Abidjan et dans un second temps, l’ingratitude des dirigeants actuels. Concernant le premier point, rappelons que la Côte d’Ivoire est devenue une poudrière tribale, dont les fondements sont l’appareil de l’Etat. Le tribalisme d’Etat est devenu la clé de répartition et de gestion des ressources du pays. Depuis 2011, c’est l’ethnie, la région et le parti politique qui déterminent l’ascension sociale des individus. Et c’est sur l’ethnicité que fonctionnent désormais les institutions de notre pays. Pour justifier ce « tribalisme d’Etat », le régime Ouattara a trouvé comme cache-sexe, l’équilibre régional ou du moins le rattrapage ethnique. Pratiquement, tous les postes de direction sont aux mains des membres de son clan.

En matière économique, si le pays affiche depuis 2011, un taux de croissance de 8% par an, en moyenne, il est tout de même crédité d’un taux de pauvreté record de 46%, un chiffre largement supérieur à celui qu’affichait le pays au lendemain de son indépendance. La raison est simple : la richesse est très mal redistribuée, la corruption gangrène plusieurs secteurs économiques favorisant des flagrantes inégalités sociales, sans oublier la promotion du clientélisme et la gestion clanique du pouvoir par un cercle familial qui a la main mise sur des pans entiers de l’économie ivoirienne. Les preuves de la gestion clanique sont nombreuses mais celles que nous venons de présenter suffisent pour démentir et démolir la façade du technocrate bien policé que l’actuel président ivoirien s’était inventée quand il cherchait le pouvoir. En dehors du caractère clanique du régime actuel, en Côte d’Ivoire, le pouvoir est également ingrat. Concernant ce second point, il suffit d’apprécier son attitude vis-à-vis de M. Soro Guillaume et du président Bédié. En ce qui concerne le premier, malgré le bien qu’il a fait au président Ouattara, avec ses rebelles, ce dernier le traite comme un inconnu. Ses proches vont en prison pendant que ceux du président pillent les caisses de l’Etat et ne sont jamais poursuivis pour leurs crimes. Tous les chefs de guerre pro-Soro sont surveillés comme de l’huile sur le feu. Nous assistons à une vraie scène d’épuration des fils du Nord qui ont pris position pour un des leurs, c’est-à-dire, M. Soro Guillaume.

Le député de Ferkessédougou est aujourd’hui en exil parce qu’il s’est déclaré candidat à la prochaine élection présidentielle. On se rappelle que le président de Générations et peuples solidaires (GPS), candidat déclaré au scrutin présidentiel d’octobre 2020, avait annoncé son retour à Abidjan, après six mois hors de la Côte d’Ivoire. Mais le jet privé le transportant n’a pu atterrir en terre ivoirienne. Comme si cela ne suffisait pas, il est aujourd’hui visé par un mandat d’arrêt international lancé par le président Ouattara. Concernant le président Bédié, les ivoiriens se souviennent de ce mercredi, 17 septembre 2014, où, depuis sa ville natale, le Sphinx de Daoukro, a lancé un appel qu’il est convenu de nommer « l’appel de Daoukro ». Il disait ceci : « Je donne des orientations fermes pour soutenir ta candidature à l’élection présidentielle prochaine. Je demande à toutes les structures du Parti démocratique de Côte d’Ivoire et des partis composants (…) de se mettre en mouvement pour faire aboutir ce projet. Tu seras ainsi le candidat de ces partis politiques pour l’élection présidentielle, sans préjudice pour les irréductibles qui voudront se présenter en leur nom propre ». Il convient également de rappeler le soutien que le PDCI a apporté en 2010 au candidat Ouattara.

Aujourd’hui, les lignes ont bougé, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara ont « divorcé ». L’alliance entre les deux hommes est rompue et l’appel de Daoukro appartient désormais à un passé lointain. Non seulement, le président Ouattara n’a pas tenu parole au sujet du « deal » conclu avec le vieux parti, mais également, il a chassé de l’administration, tous les cadres du PDCI. Cette attitude n’a pas mille noms mais un seul : l’ingratitude. En effet, l’ingratitude est le fait d’exprimer son manque de reconnaissance vis-à-vis de quelqu’un qui est légitimement en droit d’en attendre en raison des bienfaits qu’il vous a octroyés. Et Dieu seul sait ce que le président Ouattara doit à M. Soro Guillaume et au président Bédié. En définitive, que pouvons-nous retenir du régime Ouattara ? C’est un pouvoir littéralement démystifié, à tel point que l’Union Européenne, a dénoncé sans retenue, la mauvaise gestion d’un clan à la tête de la Côte d’Ivoire. Non seulement, le régime Ouattara a érigé les dérives autoritaires comme pratique politique, la corruption comme mode de gouvernance, et les restrictions des libertés politiques comme une norme politique, mais aussi l’ingratitude est devenue pour eux, une religion.

HOTEP

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