Les 3 pièges dans la non-candidature du président Ouattara en Côte-d’Ivoire

Pr. PRAO YAO SERAPHIN

Le président ivoirien Alassane Ouattara a annoncé le 5 mars 2020, qu’il ne sera pas candidat à un nouveau mandat en octobre 2020. C’était une annonce surprise, mais le président Ouattara justifie cette décision par son respect des engagements pris. Les militants du RHDP ont vite embouché leurs trompettes pour multiplier les qualificatifs à l’endroit du président Ouattara. Il serait à la hauteur de Mandela, Luther King voire même le Dieu des démocrates. Même si les militants et cadres du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ont été pris de court, ils ne pouvaient qu’accueillir cette nouvelle avec beaucoup d’émotion. Cependant, la réaction d’une partie de l’opposition étonne et effraie les démocrates ivoiriens. Tétanisée par le régime Ouattara, l’opposition ivoirienne semble ne rien comprendre dans le jeu du président Ouattara.

Dans les lignent qui suivent, nous voulons revenir sur le massage du 5 mars et mettre en exergue les trois pièges que les opposants ne perçoivent pas.

Premier piège : perdre de vue qu’il est l’auteur de tous les maux de la Côte d’Ivoire. En effet, l’entrée en politique du président Ouattara est très bizarre et mauvaise. En 1995, à Paris, il disait ceci « On ne veut pas que je sois candidat parce que musulman et du Nord ». En se faisant passer pour la victime, il s’est attiré l’empathie de tout Musulman se sentant victime d’ostracisme religieux ; mais également la sympathie de toute personne révulsée par la discrimination d’où qu’elle vienne. C’est ainsi que les frères du Nord se sont radicalisés car, comme on le dit, une identité marginalisée est une identité qui se radicalise. Il a longuement surfé sur la corde tribale et religieuse. Réagissant au mandat international lancé contre lui, pour faux et usages de faux, par le régime Bédié, l’opposant Ouattara disait ceci : « Je frapperai ce régime moribond, il tombera comme un fruit mûr ».

L’Histoire a noté que quelques temps après, le régime Bédié est tombé, lors du fameux coup d’état de décembre 1999. Il ne faut pas oublié que le Coup d’état de 1999 était perpétré par des soldats dont la plupart faisait partie de la garde rapprochée de l’opposant Ouattara, quand il était premier ministre de la Côte d’Ivoire. En 2002, à Bouaké, il affirmait encore de façon guerrière, « il n’y aura pas d’élection sans moi. S’ils veulent qu’on mélange le pays, on va le mélanger ». Au regard de ce passé trouble, le président Ouattara ne peut pas se faire passer pour un politicien exemplaire. Il n’a fait que respecter, pour une fois, ses engagements politiques.

Deuxième piège : s’accrocher au pouvoir sans se présenter. Le président Ouattara n’a pas changé la constitution pour rien. Il comptait faire un troisième mandant, mais c’est bien la mobilisation des démocrates ivoiriens qui a découragé ses ardeurs. Mais la parade trouvée est de réviser la constitution pour donner une longueur d’avance au candidat du RHDP, monsieur Gon Coulibaly. En décidant de supprimer le « ticket » présidentiel, c’est une manière subtile de s’effacer au moment des élections tout en étant le potentiel vice-président de la Côte d’Ivoire si le candidat Gon est élu. Si ce plan ne marchait pas, il pourrait compter sur un autre. Le RHDP est capable de créer un pseudo coup d’Etat ou des troubles partout, en Côte d’Ivoire, pour éviter les élections. Dans ce cas, le mandat des parlementaires sera prolongé puisqu’il sera impossible d’organiser les élections dans les délais prévus. Il ne faut surtout pas oublier les avertissements du diplomate Essy Amara, en ces termes : « il faut qu’on se prépare au pire cas possible, parce que moi, je sais que les gens (RHDP), pour rien au monde, ne vont laisser le pouvoir. Ce sont des hommes d’affaires ».

Troisième piège : indisposer Gbagbo et Bédié concernant son désir de passer le flambeau à une jeune génération. En effet, certains commentateurs ont vite fait de dire que la déclaration du président Ouattara visait à prendre de court Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, potentiels candidats à l’élection présidentielle d’octobre 2020. Notons que depuis la mort du « père fondateur » de la Côte d’Ivoire, Felix Houphouët Boigny en 1993, la vie politique était dominée par le trio de rivaux : Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié (président 1993-1999) et Laurent Gbagbo (2000-2010). Avec la situation du président Gbagbo, c’est bien le président Bédié qui est le bien placé pour sortir victorieux face à n’importe quel candidat du RHDP. Il est vrai que le président Gbagbo, aura 75 ans et son grand frère, Henri Konan Bédié, 86 ans, mais nous devons nous interdire toute conclusion hâtive. Aux Etats-Unis, le « vieux Trump » a succédé au « jeune Obama », sans un disfonctionnement de l’administration américaine. A notre avis, les vraies élections se dérouleront en 2025, où nous allons compétir avec nos idéologies respectives. Mais pour la prochaine élection présidentielle, elle consacrera une période de transition et de réconciliation. Les candidatures des présidents Bédié et Gbagbo ne doivent pas poser problème.

Le président Bédié peut bien revenir au pouvoir en 2020, une façon pour la Côte d’Ivoire, de conjurer définitivement les démons de coup d’Etat dans notre pays. Dans tous les cas, les cinq années à venir seront des années de réconciliation nationale et non un véritable mandat. Pour notre part, il ne faut pas que les démocrates ivoiriens tombent dans le piège de l’ « âge » car le pays a besoin de voir autre chose que le théâtre hideux proposé par le RHDP. Même si l’alternative est portée par un «vieillard de 100 ans ou un jeune de 10 ans, les ivoiriens s’en contenteront.

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3 réflexions au sujet de “Les 3 pièges dans la non-candidature du président Ouattara en Côte-d’Ivoire”

  1. CIRCULEZ ! Il N’Y A RIEN À VOIR
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    Analyse insipide. Fatras de d’opinions sans fondements. Incohérence dans le raisonnement pour un universitaire, de surcroît récent agrégé CAMES. Fût-il le dernier de sa session.

    L’objectif déclaré de ce texte vide serait donc de nous amadouer face à la candidature d’un croulant, veritable has been politique, en l’occurrence Aimé Henri KONAN BEDIÉ.

    Vouloir comparer une élection américaine à une élection africaine c’est faire faire l’idiot et en passant TRUMP avait 70 ans au moment oû il accédait au pouvoir. Donc bien loin des 86 déclarés de ton cheval agonisant.

    L’autre énormité qui nous est servie c’est que l’élection de 2020 serait une élection de transition et non une élection en vue d’un réel mandat présidentiel. La réconciliation seul objectif de cette élection n’étant pas en soi, et sous ce rapport, un projet de gouvernement à part entière. Et pourtant ! Que nous a-t-on chanté durant ces dernières années.

    Aider BEDIE à ne pas désespérer est peut-être en soi louable mais de grâce. En quoi doit-il forcément être à bouveau Président pour que la Côte d’Ivoire retrouve la paix. Bien au contraire ! Un carton rouge CONSTITUTIONNEL à tous les acteurs d’un accrochage violent sur la pelouse fait du bien pour le reste de la partie.

    Au vestiaire ils auront le temps de régler leurs velléités ou de se réconcilier à l’abri des regards.

  2. L’HISTOIRE DE LA COTE DIVOIRE : UNE CONTINUITÉ A ASSUMER
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    Pour l’assumer, il faut bien entendu la connaître ! Une évidence pas toujours évidente avec nos nouveaux agrégés de pacotille.

    En 1980 suite à un simple amendement constitutionnel un poste de Vice Président avait été créé par le Premier Président.

    Pendant 5 ans le poste restera vacant. Au motif selon Houphouët Boigny que sur avis motivé, ce poste serait très convoité et source de beaucoup d’enjeux.

    En 1985 un autre amendement constitutionnel dans les mêmes conditions le supprimera.

    Ouattara continuateur historique de la mission de Boigny, a réhabilité le poste. Il l’a expérimenté. Il propose une retouche pour un meilleur fonctionnement pour EVITER UN FUTUR BLOCAGE AU SOMMET DE L’ÉTAT. Nous ne sommes ni le Nigéria encore moins les États Unis d’Amérique. Nous ne sommes pas aussi le pays des Tsars et la Russie de l’ex KGB.

    Le ticket Président et Vice-0Président nécessite une forte préparation institutionnelle et un ancrage démocratique fort. Cela viendra au fil du temps LA MATURITÉ INSTITUTIONNELLE.

    Il faut réfléchir avant de critiquer. A défaut il faut écouter. Je l’avoue c’est aussi difficile pour ceux qui croient qu’une peau d’âne leur donne tous les savoirs !

  3. REGLER DANS LE TEXTE LA QUESTION DU COMPTEUR DES MANDATS
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    Telle que formulée (volontairement ou non) la question du nombre de mandats était juridiquement discutable.

    Elle l’a été au cours d’un grand forum organisé au Sénégal avec d’éminents constitutionnalistes. Forum organisé pour justifier la candidature de Wade à un 3è ou (2+1) mandat suite à des modifications constitutionnelles.

    Les mêmes arguments à peu de reformulations contextualisées auraient pu être opérantes.

    Le Pr Soumarey nous l’a démontré ici sur ce site. Enfin je parle ici pour ceux qui savent lire son texte d’érudit. Je suppose en passant que l’aspirant d’alors à une agrégation de sciences économiques PRAO sait lire un argumentaire de droit.

    OUATTARA a été élégant. Comme un Aigle. Oui Mamadou Koulibaly Ouattara est un Aigle. Un Aigle Royal qui ne vole pas avec les hirondelles ni les colibris. L’Aigle a laissé la place pour que sa parole soit parole. Pour sa parole reste parole. Quand bien même en droit pur, elle ne trancherait pas à la place de loi constitutionnelle. Ce qui lui ouvrait le boulevard de la candidature au regard des considérations juridico-juridiques qui auraient pu être développées par le tribunal des sages du Conseil Constitutionnel.

    C’est pourquoi l’occasion est fort belle pour réécrire cet amendement d’une formule SANS ÉQUIVOQUE. Quoique l’équivoque en droit n’est jamais absolu.

    Et des pays ont dû le faire ! POURQUOI PAS NOUS ?

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