Les meetings ont montré leurs limites en Côte-d’Ivoire

Annoncer qu’on ne fera pas ce qui est interdit par la Constitution (la nôtre interdit de faire plus de deux mandats à la tête du pays) relève tout simplement du bon sens et donc n’a rien d’exceptionnel. Cela ne fait pas non plus entrer dans l’Histoire celui à qui la France a demandé de ne pas rempiler. Le départ de Nelson Mandela du pouvoir, en revanche, était quelque chose d’historique et d’extraordinaire parce que le premier président noir de la nation arc-en-ciel a quitté le pouvoir 5 ans seulement après l’avoir exercé, parce qu’il était encore adulé par son peuple au moment où il s’en allait, parce que, pendant ces 5 années de pouvoir, Mandela ne s’est pas vengé grossièrement et idiotement des Blancs qui l’avaient emprisonné pendant 27 ans, parce qu’il ne s’est pas occupé uniquement des gens de son ethnie ou de son parti, parce qu’il n’a pas passé son temps à terroriser ses compatriotes et à persécuter les opposants sud-africains, parce que ni l’Angleterre ni les États-Unis ne l’ont sommé de quitter le pouvoir. C’est un sacrilège que de mettre la vertu et le vice autour de la même table. Mandela ne fut ni criminel ni imposteur pour que des incultes en mal d’idolâtrie le comparent à Ouattara.

Bref, il faut avoir un pois chiche à la place du cerveau ou être zinzin pour applaudir un individu qui a mis un pays à feu et à sang avant de le diriger d’une main de fer et qui en 10 ans n’a fait qu’enrichir ceux qui l’ont installé dans le fauteuil présidentiel. Cette annonce d’une décision prise par Paris, n’en déplaise à ceux qui se laissent vite impressionner, n’a donc rien d’extraordinaire.

Les meetings et conférences de presse de l’opposition ivoirienne ne sortent pas davantage de l’ordinaire. Le 15 mars 2020, sauf imprévu, Yamoussoukro devrait abriter un énième meeting de la coalition FPI- PDCI-EDS-CDRP pour dire « non » au tripatouillage de la Constitution.

Mais où se trouve la garantie que le tripatouilleur écoutera cette fois-ci les partis et groupements de partis qu’il n’a pas écoutés hier ? Qu’est-ce qui nous dit qu’il entendra raison enfin ?

La logique du tripatouilleur est simple : pas question de discuter directement avec l’opposition tant que celle-ci n’a pas inversé le rapport de force. Or qu’est-ce qui change le rapport de force dans un pays ? Lorsque l’opposition et la société civile sont en capacité de faire descendre deux ou trois millions de personnes dans la rue, lorsque leurs actions bloquent ou paralysent le pays. Il n’y a pas longtemps, ceux qui sont en quête de liberté et de justice ont pu voir et admirer, en Algérie et en Guinée, cette démonstration de force qui a fait reculer Abdelaziz Bouteflika et Alpha Condé.

Ouattara “ne fait rien” avec les meetings et conférences de presse organisés jusqu’ici par l’opposition parce que ça ne lui fait rien. La question qui émerge ici est la suivante : pourquoi persister dans une voie qui s’est révélée inefficace ? Pourquoi reconduire des méthodes qui n’ont apporté aucun changement à un pays qui est en train d’échapper à ses enfants ?

Nous devons essayer autre chose et cet autre chose, c’est la prise de la rue comme au début des années 1990 où Laurent Gbagbo, Bernard Zadi Zaourou, Bamba Moriféré et Francis Wodié, la main dans la main, occupaient la rue pour protester contre la confiscation de nos libertés par le régime Houphouët.

Nous ne pouvons pas nous réclamer de ces valeureux combattants et avoir une peur bleue de la rue, surtout au moment où les Mawa Traoré, les vendeurs de drogue et autres voyous la prennent sans être inquiétés. Au fait, pourquoi devrait-on refuser à des résistants pacifiques ce qui est facilement concédé à des hors-la-loi ?

En un mot, je voudrais dire que les meetings et conférences de presse ont montré leurs limites. Le malade ne peut pas ingurgiter indéfiniment le même médicament quand sa situation va de mal en pis. Peut-être le médecin obtiendra-t-il un résultat différent s’il change de médicament. De la même façon, les partis politiques, les mouvements de la société civile, les Ivoiriens qui ne sont d’aucune obédience politique, tous doivent prendre la rue (un autre médicament) pour sauver la patrie.

Jean-Claude DJEREKE

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2 réflexions au sujet de “Les meetings ont montré leurs limites en Côte-d’Ivoire”

  1. LES LIMITES DE LA SOLUTION PAR INTERNET
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    « Lorsque l’opposition et la société civile sont en capacité de faire descendre deux ou trois millions de personnes dans la rue, lorsque leurs actions bloquent ou paralysent le pays….. »

    Si malgré les multiples appels aux solutions de la rue, ça ne prend pas toi aussi dis toi que la rue n’a plus de client !
    La solution du 1990 était valable en 1990.

    Et la Côte d’Ivoire de 2020 n’est ni l’Algérie ni la Guinée.

    Seul un aveuglement congénital peut empêcher un observateur d’appréhender cette réalité.

    A distance on peut jouer les héros. Cela restera toujours un jeu !

    L’argentin Ernesto GUEVARA dit le Che, medecin de son état avait tout abandonné pour implanter la révolution dans le tiers monde. C’est pourquoi il a aussi sillonné l’Afrique après le premier succès à Cuba.

    Tu as laissé la soutane c’est ton choix. Pour passer désormais à la guérilla urbaine, il faut être sur le terrain. Pas à des milliers de kms et faire les éternels donneurs de leçons.

    Et surtout n’attendez pas que d’autres fassent le sacrifice suprême pour que vous veniez ramasser EN OUVRIER DE LA ONZIÈME HEURE (votre expression) l’oeuvre d’autrui !

  2. Drôle de solution, complètement déconnectée de la réalité.
    Il est vraiment décevant de voir à quel point l' »opposition ivoirienne » est si dépassée par les événements. Des quidams se prétendant éveilleurs de consciences se terrent derrière leurs ordinateurs pour laisser libre cours à leurs élucubrations. Les ivoiriens n’ont rien à foutre de vos médicaments qui puent la haine. Le RDR de Ouattara ne domine pas l’arène politique parce qu’il réalise des prouesses, mais simplement parce qu’il n’y a pas d’opposants en Côte d’Ivoire. Toutes les revendications de nos chers « opposants » portent sur des questions purement d’ordre politique. Quid de la corruption dans les administrations, les problèmes dans les écoles et universités, la vie chère? Ce n’est pas leur problème. Tout ce qui les préoccupe c’est comment arriver au pouvoir pour s’en mettre plein les poches?
    Et ça, les ivoiriens l’ont désormais compris. Vous mettrez du temps à assouvir vos sales besognes!!! Qui vivra verra!!!

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