« Le Tourisme aura une très longue convalescence» en Côte-d’Ivoire, avertit Malékah Mourad-Condé (Dg Sodertour-Lacs)

Covid-19 et activités touristiques:

‘’L’ampleur de la crise appelle à un soutien de plus grande envergure de l’Etat. Nous avons mis en chômage technique 500 employés’’

L’industrie hôtelière est frappée de plein fouet par la crise sanitaire actuelle. Dans cette interview, la Dg de Sodertour-Lacs, la société qui gère le patrimoine hôtelier de l’Etat à Yamoussoukro, nous en dit plus.

Madame le directeur général, l’épidémie de corona virus a déjà eu d’importantes conséquences sur l’industrie touristique dans le monde. Qu’en est-il de Yamoussoukro et de ses réceptifs hôteliers sous votre direction ?

Le tableau est sombre. Sodertour-Lacs, société d’Etat chargée du développement touristique, gère le patrimoine hôtelier et touristique de l’Etat à Yamoussoukro et sa région ainsi qu’à Séguéla. L’industrie du tourisme dans laquelle nous travaillons est un facteur de socialisation et d’échanges. Nous sommes une industrie du voyage et de l’accueil. Suite à la crise sanitaire, le Conseil National de Sécurité a pris des décisions, certes salutaires, mais elles mettent à mal l’activité touristique et de loisirs ainsi que tous les secteurs qui gravitent autour, entraînant ainsi une perte sèche de 1,7 milliard de FCFA au 30 juin pour notre société.
Avec la fermeture de l’Hôtel HP Resort ex Hôtel des Parlementaires, l’Hôtel Carrefour de Séguéla, du Golf Club ainsi que l’Hôtel Président, nous enregistrons une absence de recettes. Les charges subsistent et la reprise incertaine. L’Hôtel Président quant à lui met à la disposition des clients 42 chambres.

Avec ce tableau sombre que vous dépeignez, qu’en est-il alors des employés de votre entreprise ?

Notre entreprise a été fortement impactée par cette crise sanitaire. En 2019, nous avions réalisé un chiffre d’affaires de 5 milliards. Quant au premier trimestre 2020, nous enregistrons un chiffre d’affaires intéressant de 1.2 milliard. Nous étions bien partis. Malheureusement, depuis le 11 Mars, avec la découverte du premier cas de covid-19 en Côte d’Ivoire, nous avons commencé à enregistrer des pertes avec les annulations de séminaires. Les décisions prises par le Conseil National de Sécurité n’étant pas compatibles avec notre industrie, nous n’avons pas eu d’autres choix que de fermer nos établissements. Quant à la situation des employés, elle est très critique. Avec la fermeture des établissements, nous avons mis en chômage technique 500 employés, arrêté 300 contrats de stagiaires et laissé également 1 500 employés journaliers.

Mais l’Etat a décidé d’appuyer les entreprises sinistrées par cette crise. Ce dispositif mis en place répond-il à vos attentes ou besoins ?

Nous saluons les décisions du Gouvernement mais attendons un peu plus. Le dispositif mis en place par l’Etat offre des solutions à court terme. L’ampleur de la crise appelle un soutien de plus grande envergure de l’Etat. Etant une industrie spéciale, une industrie de consommation immédiate et non une industrie de stock, il n’y a pas de rattrapage possible. Une nuitée qui est passée ne peut être remplacée. Le gouvernement a décidé de différer de trois mois le paiement des impôts et taxes ainsi que les charges sociales. C’est appréciable mais pas suffisant pour notre industrie. Sur les mois d’avril, mai et juin, nous avons des annulations sèches à hauteur de 1,7 Milliard. Nous n’allons pas être en mesure d’honorer nos engagements en Juillet puisqu’il n’y aura aucun chiffre d’affaires. D’autant plus qu’en Côte d’Ivoire, l’impôt foncier dans notre industrie n’est pas lié à notre chiffre d’affaires. Il est dû quel que soit le niveau d’activités. L’accompagnement que nous attendons de l’Etat est un accompagnement non pas sur un trimestre mais sur du long terme parce que nous risquons de payer le prix de cette crise sanitaire jusqu’en 2021. Il nous faut maintenir les emplois et continuer à être le moteur de l’Economie à Yamoussoukro. Les professionnels le savent déjà, la convalescence sera longue. Les perspectives inquiétantes.

N’entrevoyez-vous pas d’espoir à l’horizon ?

La résilience de notre société a déjà été éprouvée par le passé. Notamment en 2016 et 2017 avec les attentats terroristes, la crise militaire et la grève des fonctionnaires. Mais, nous avons pu nous réinventer et nous en sortir grâce à notre détermination et celle du personnel ainsi que nos clients. Que nous remercions du fond du cœur. Nous ne croyons pas à un pic de consommation euphorique post confinement. La priorité des clients sera certainement ailleurs. Néanmoins, nous espérons une sortie rapide de la crise afin de préparer l’avenir autrement avec nos clients. Notre résilience collective ainsi que le respect des mesures barrières seront nos alliés.

SD, Abidjan, via internet

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