Imbroglio général en Côte-d’Ivoire

Le compte à rebours a commencé. Et la Commission électorale indépendante (CEI) se trouve au pied du mur.

Selon l’article 13 du décret n°2008-136 du 14 avril 2008 fixant les modalités d’établissement de la nouvelle liste électorale, « à l’issue des opérations de recensement électoral, la Commission électorale indépendante arrête et publie la liste provisoire des électeurs trois (3) mois au maximum avant le premier tour du premier scrutin ».

Pour la présidentielle du samedi 31 octobre 2020, la CEI doit impérativement afficher la liste électorale provisoire le vendredi 31 juillet. Et c’est dans l’application de cette disposition non négociable que l’autorité électorale a du pain sur la planche.

Les deux semaines d’enrôlement électoral (du 10 au 24 juin 2020) se sont soldées par un échec cuisant. Comme l’écrivait mon frère et confrère Fernand Dédeh dans sa chronique du 25 juin, « c’est du pipeau ».

En dehors, constate-t-il, des régions septentrionales du Poro et du Tchologo, avec respectivement comme chefs-lieux Korhogo et Ferkessédougou, qui ont atteint 18% de taux d’enrôlement, ailleurs, c’est la catastrophe: 4% dans la région de l’Agnéby-Tiassa (Agboville), 3% dans les régions du Hambol (Katiola) et du Moronou (Bongouanou).

Ce n’est ni un boycott ni une grève civique. C’est la réalité du terrain. Ce manque d’engouement s’explique certainement par la pandémie du coronavirus et son protocole sanitaire.

Mais les autorités oublient royalement que « le succès de ce pays repose sur l’agriculture ». La population rurale représente, au bas mot, 70% du corpus électoral.

Or, à partir du mois de mai avec le début de la grande saison des pluies, c’est la grande rentrée agricole des classes. Les paysans se rendent, au premier chant du coq, plutôt au champ pour leurs travaux que d’aller s’aligner devant des salles de classe surtout qu’ils doivent se rendre dans les chefs-lieux de sous-préfecture pour cette opération.

Et comme un malheur n’arrive jamais seul, la semaine de report de cet enrôlement (du mercredi 24 au mardi 30 juin), pour espérer rattraper le grand retard, a été assiégée par de fortes pluies qui ont totalement paralysé particulièrement le grand Abidjan.

Et c’est donc le retour à la case départ. Cette situation impose logiquement à la CEI un nouveau report d’au moins deux semaines. Si tant est qu’elle veut une liste électorale crédible et fiable, quand on sait qu’en juillet 2018, la Côte d’Ivoire comptait 6.595.899 électeurs inscrits et qu’elle attend entre deux et trois millions de nouveaux majeurs.

C’est certain; la CEI court le risque d’hypothéquer le premier tour de la présidentielle du 31 octobre. Car, si elle n’entend pas saboter le processus, il est presque garanti qu’elle sera en porte-à-faux avec la loi électorale et forclose.

Mais, sous l’épée de Damoclès judiciaire, elle ne perdra rien dans l’imbroglio général.

D’une part, la société belge Semlex, qui a remporté, en avril 2019, l’appel d’offre pour le renouvellement des cartes nationales d’identité (CNI), se montre défaillante.

Elle n’arrive pas, selon le communiqué du Conseil des ministres du 10 avril 2019, à « produire au moins 36 millions de cartes durant la durée du contrat (de douze ans) dont douze millions pendant les deux premières années afin de satisfaire aux besoins de renouvellement des CNI venant à expiration à compter de juin 2019 ».

Résultat, re-prorogation de la validité des CNI de 2009 jusqu’en juin 2021.

De deux, dans sa forme actuelle, la CEI est contestée par une partie de l’Opposition.

Cette dernière, à travers ses groupes parlementaires, a saisi la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) pour réclamer « une réforme profonde de la CEI » afin qu’elle soit « conforme aux instruments internationaux auxquels la Côte d’Ivoire est partie ».

Intervenue avant le retrait, le 29 avril 2020, de la déclaration de compétence de la Côte d’Ivoire, cette saisine reste pendante devant la Cour africaine qui l’a déjà jugée recevable.

F. M. Bally

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